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sion est un moyen d'action tout à fait illusoire, parce que, quand elle s'exerce, elle atteint non le produit, mais le producteur, c'est-à-dire celui dont le châtiment ne diminue en rien le funeste effet du produit. Pour faire comprendre notre idée, je la transporte sur le terrain de la sécurité civile, et je demande si celle-ci pourrait se concevoir comme possible en admettant seulement le pouvoir qui a le droit de punir et en écartant ceux qui ont pour mission de protéger. On punit les voleurs et les assassins quand ils ont volé ou tué; doit-il pour cela n'y avoir ni police ni gendarmes? Une loi, même draconienne, qui condamnerait à la peine de mort ou, suivant les circonstances, aux travaux forcés le propriétaire d'une maison dans laquelle éclaterait un incendie, une loi pareille pourrait-elle remplacer une bonne organisation de pompiers?

C'est là de la polémique, dira-t-on peut-être ; tenons-nousen à la pratique. Je suis prêt à le faire, et je me place sur ce terrain. Je ne connais ni en Angleterre ni en France un homme d'État qui ne considère la liberté de la presse, cette liberté qui, d'après sa nature, ne peut être que la licence pure et simple, comme un mal dont l'étendue et les conséquences sont incalculables. La question présente encore un autre côté, qui répond à mon sens pratique, et que je définis en exprimant ma conviction que toutes les mesures qui participent du juste milieu entre la vie et la mort, et qui constituent, par conséquent, un état de langueur mortelle, sont impuissantes à devenir le point de départ de lois normales, et qu'elles peuvent tout au plus être considérées comme des expédients commandés par la nécessité et par cela même condamnés d'avance. Je considère comme des mesures normales la proclamation de la liberté de la presse ou le contraire. Dire: « La presse est libre, sauf ses restrictions », c'est dire une absurdité, comme le serait cette déclaration à un tiers: « Tu peux faire ce que tu veux, à l'exception de ce que tu ne dois pas faire. » Ce qui s'entend de soi-même n'a pas besoin d'être appris, et quand un Gouvernement laisse se commettre une pareille faute, on peut toujours lui reprocher un sentiment de

faiblesse qui tourne à l'avantage de ses adversaires. Dans la question de la presse, l'Angleterre et la France sont placées sur des terrains tout à fait différents. L'Angleterre s'est bien gardée de faire jamais une loi sur la presse; Louis XVIII en a fait une, et elle est entachée du vice capital dont j'ai parlé ; lorsque le pacte fédéral qui unit les membres du corps germanique a été conclu, j'ai lutté et j'ai été secondé par tous ceux qui reconnaissaient ce qu'il y avait de peu pratique dans la chose. Mais on a fait entrer l'invention française dans l'acte fédéral, et les inconvénients qu'une expérience de trente et un ans révèle aujourd'hui montrent quelle en est la valeur. Mais il n'est pas question de tout cela; parlons du modo agendi.

Nous ne pouvons pas proposer à nos confédérés ce que nous regardons comme absolument incompatible avec l'existence de la Confédération, et nous ne le ferons jamais. Ce que nous considérons comme tel, ce serait la proclamation de la liberté illimitée de la presse ou celle de la restriction de la liberté de la presse quotidienne et des brochures au moyen de mesures répressives. Que même des Gouvernements allemands d'une certaine importance veuillent continuer d'essayer de procéder ainsi contre des imprimés comprenant plus de vingt feuilles, je l'admets. Mais je leur garantis que l'expérience leur donnera tort; je le dis de toute la force de ma conviction. Là où l'on ne trouve pas de censeurs, on trouve encore moins des magistrats pour juger des délits de presse, car l'office de juge est bien plus difficile à remplir. Il vaut bien mieux déclarer la presse irresponsable, et ramener la responsabilité aux principes que renferment tous les codes qui régissent les rapports des particuliers entre eux. Sans doute, sous le régime de la répression, il ne saurait être question d'offenses contre l'État dont on relève, ni contre d'autres États; car il est au-dessous de la dignité des États de se plaindre, et l'offenseur peut invoquer en faveur de sa cause l'idée de la liberté des opinions individuelles, par conséquent un droit naturel à l'hon me!

Si le Gouvernement prussien partage notre conviction, la question de la presse peut encore trouver une solution acceptable

dans la Confédération. Dans le cas contraire, la tentative d'aujourd'hui n'aboutira pas même à ce demi-résultat.

Vous trouverez, mon cher général, dans la franchise avec laquelle j'exprime cette opinion, un nouvel exemple de la manière dont je conçois les affaires. Je ne sais pas me bercer d'illusions, et ce que je pense, je me crois toujours obligé de le dire sans détour, non sur la place publique, mais dans l'intimité.

la

SUR LA CRÉATION D'UNE HAUTE COMMISSION DE CENSURE EN AUTRICHE.

(Notes autographes de Metternich.)

1549. Ou bien la presse n'est l'objet d'aucune mesure de part des autorités publiques, ou bien elle est soumise à la censure préalable ou à la censure après la publication.

Dans le premier cas, les délits dont la presse se rend coupable tombent sous le coup des peines générales édictées par les lois contre la haute trahison, l'appel à l'insurrection, la calomnie, etc.

Dans les deux autres cas, la presse est placée sous la responsabilité des autorités chargées de la censure ou des tribunaux ayant le droit de punir.

Parmi les trois manières de procéder, la censure préalable est celle qui offre le plus de garanties aux auteurs, aux éditeurs et au public; elle est donc la plus rationnelle.

La censure après la publication se réduit à un vain mot, ou bien elle constitue un procédé draconien, voué par lui-même à l'impuissance.

Nous avons la censure préalable, et comme il ne saurait être question de la supprimer, il faut que le Gouvernement veille simplement à l'organiser le mieux possible.

Mes idées à cet égard sont les suivantes : la censure est une affaire purement morale; or, des affaires de cette nature exigent avant tout un fil conducteur et de bons instruments.

Les prescriptions existantes sont complètes. A mon sens, elles n'ont pas besoin d'être corrigées. Elles se bornent nécessairement à tracer des règles générales; observer ces règles et

les appliquer en temps opportun, c'est la mission qui incombe aux censeurs et aux autorités placées au-dessus d'eux.

Qu'est-ce qui doit étre ajouté à la censure telle qu'elle existe? L'addition à faire consiste, selon moi, à créer une haute commission de censure. Par suite de cette création, le travail de la censure passerait par les phases suivantes :

L'autorité supérieure chargée de la censure forme une section de la direction de la police. C'est à ce département qu'il convient de rattacher la censure plutôt qu'à tout autre, attendu que la direction de la police est la gardienne par excellence du repos public, et que sa mission la met constamment en contact avec toutes les autres autorités.

Conformément à l'institution existante, la censure est confiée à des censeurs nommés par la haute commission de censure et placés sous les ordres du directeur de la police. Le recours des auteurs et des éditeurs se produit à la direction de la police. Il me semble qu'il manque ici un rouage dans le

mécanisme.

Il devrait exister à la direction de la police une direction. de la censure, que les censeurs auraient à consulter et qui aurait le droit d'admettre ou de rejeter les écrits soumis à son

examen.

Il devrait Y avoir, en outre, une haute commission de censure qui servirait de recours aux auteurs et aux éditeurs, serait subordonnée au directeur de la police et devrait, suivant la proposition qui en a été faite, se composer d'individus pris parmi les hauts fonctionnaires et d'individus libres de toute attache. Les décisions devraient, comme celles des jurés, se réduire à un admittitur ou à un damnatur, sans énonciation des motifs, et seraient sans appel. Toute autre addition entraînerait à des innovations sans fin*.

La haute commission de censure dont il est question ici, commission présidée par le directeur de la police et par celui du bureau de la censure, et composée de membres de la chancellerie d'Etat, de hauts fonctionnaires de la justice et de la police, commença ses opérations le 1er février 1848, en même temps que la haute direction de la censure, nouvellement créée, à laquelle fut réunie la commission de la révision des livres. (Note de l'Éditeur.)

COMMENCEMENT DE MÉSINTELLIGENCE AVEC LA SARDAIGNE.

1550. Metternich à Buol, à Turin (E. D.). Vienne, le 29 mai 1846. — 1551. Metternich à Buol, à Turin (E. D.). Vienne, le 29 mai 1846. 1552. Metternich à Buol, à Turin (Lettre confid.). Vienne, le 29 mai 1846. — 1553. Metternich à Buol, à Turin (D.). Vienne, le 26 juin 1845.

1550. Le bruit généralement répandu d'un changement qui serait survenu dans le système politique de la Cour de Turin, aurait pu être pour moi un motif d'écrire à ce propos à Votre Excellence; je m'en suis abstenu, parce que la voix de ma conscience m'a défendu d'attacher à ces bruits assez de valeur pour justifier une pareille démarche. Aujourd'hui, une considération particulière, minime en apparence, mais dont les conséquences ont une certaine portée, me fait regarder comme un devoir de vous adresser la présente dépêche. Afin de vous mettre à même de compreudre ma pensée sans réserve aucune, je vous prie de regarder le sentiment de pleine confiance que nous vouons au Roi Charles-Albert, non-seulement comme le point de départ de mes explications, mais même comme renfermant le motif de ma démarche. On ne parle que pour être compris, et l'on n'est vraiment compris que par ceux dont l'esprit suit la même direction; je prouve donc, par la démarche que je fais aujourd'hui, à quel point je suis convaincu d'être compris à Turin.

Cela dit, je me sens à l'aise pour aborder le sujet dont j'entends vous entretenir. Il se compose de questions de fait et de considérations sur les conséquences forcées de ces faits.

Quant aux faits, celui que je place en première ligne, c'est le mouvement dans lequel se trouve engagé le corps social dans toutes les directions, morale, religieuse, législative et politique; en un mot, dans toutes les directions dont l'ensemble compose la vie sociale. Considérée sous le point de vue de l'influence exercée par l'intensité de ce mouvement, l'Europe est partagée en plusieurs régions. Sous ce rapport,

VII.

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