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des livres beaucoup plus originaux que le sien. Jusqu'à ce moment done, il ne nous paraît pas que sa Chronique puisse introduire aucun fait, aucun détail de quelque importance, ni même aucune fable dans l'histoire.

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Si maintenant nous le considérons comme poëte, ou plutôt comme versificateur, «< il est inutile, dit son éditeur, de lui demander de l'invention, « des mouvements variés, de l'harmonie, de l'élégance, des images riantes, gracieuses ou terribles; les trouvères se mettaient peu en peine des scrupules et des délicatesses du goût, ce législateur tyrannique des littératures « perfectionnées ou vieillies. Quant à l'imagination, Mouskes en était dépourvu: on sent qu'il a sous les yeux un texte et qu'il laisse aller sa phrase tant qu'à l'aide de la rime elle ait épuisé le sens de l'original. Dans «< cette course vagabonde, la rime est-elle près de défaillir? les chevilles, les phrases de convention sont là pour le tirer d'embarras. » Nous souscrivons sans réserve à ces jugements de M. de Reiffenberg; mais il ajoute : qu'on découvrirait sans peine, dans la Chronique de Mouskes, quelques lignes auxquelles on pourrait, avec la sagacité de certains critiques, sup« poser une grande portée et des beautés supérieures à celles de ces classi«ques surannés qu'une réaction prochaine va rajeunir. » Si ces derniers mots signifient que les études et les productions littéraires vont reprendre la direction que leur avaient imprimée les chefs-d'œuvre anciens et modernes, c'est une annonce inespérée qu'il faut s'empresser d'accueillir. En attendant, nous croyons que le goût n'est dans tous les arts que le plus vif sentiment du beau; que ses lois dirigent et ne tyrannisent point les talents; qu'elles perfectionnent les littératures, qui ne vieillissent qu'à mesure qu'elles ont le malheur de s'en affranchir. Il est du reste à regretter que l'éditeur de Mouskes n'ait pas indiqué, dans le cours de ce volume, les beautés qu'il trouve supérieures à celles de ces classiques impérissables qu'il appelle surannés. Nous avons cité le seul trait pittoresque et poétique que nous ayons su découvrir dans les 12,133 vers.

Le but des publications du genre de celle que nous venons d'annoncer n'est pas sans doute de présenter comme des modèles, de si informes et si déplorables essais, mais de recueillir de nouveaux documents historiques, d'éclairer et de compléter les annales de la littérature, de fournir surtout des faits positifs à l'histoire, bien imparfaite encore, des langues vulgaires'.

1 Selon M. de Reiffenberg, l'ouvrage de Philippe Mouskes est « le monument le << plus entier, le plus vaste de la langue romane en Belgique. Nulle part, sans ex«cepter la France, on n'en a encore publié de cette étendue... Il restera répertoire « très-riche de mots et de phrases s'expliquant les uns par les autres et par juxta❝ position. Il n'est pas de situation dans la vie qui n'y soit indiquée, pas de fait so«cial et domestique qui n'y ait son expression; de sorte que tout le vocabulaire,

"

Telle sera l'utilité du travail auquel M. de Reiffenberg vient de se livrer avec tant de zèle et d'érudition.

DAUNOU.

de

HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE, ouvrage commencé par les religieux bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, et continue1 par des membres de l'Institut (Académie royale des Inscriptions et Belles - Lettres); tome XVIII, suite du XIII siècle, jusqu'à l'an 1255. Paris, Firmin Didot, 1835; in-4°, XLIV et 871 pages.

DEUXIÈME ARTICLES.

Il me reste à examiner les articles relatifs aux troubadours et aux trouvères.

Troubadours. Je ne ferai guère d'observations sur la rédaction des articles concernant les troubadours, parce que j'aurais presque à répéter sans cesse les jugements que j'ai portés précédemment à l'occasion de la publication d'autres volumes. Le rédacteur établit toujours avec soin les synchronismes, il fait connaître suffisamment la vie et les ouvrages des troubadours, met dans son travail du goût et de la variété, présente souvent des observations sur les mœurs de l'époque, indique l'influence de ces poëtes sur leurs contemporains et sur les cours qu'ils fréquentaient; en un mot, il remplit la tâche qu'il s'était imposée.

Dans ce volume, il est rendu compte d'environ soixante troubadours, parmi lesquels se trouvent cinq dames. Les compositions de quatre de ces dames troubadours plaisent par une grâce facile, et surtout par l'énergie

« toute la grammaire, toute la syntaxe de ce temps-là s'y retrouvent d'une manière << pratique et animée. » Cet éloge ou cet aperçu nous paraît susceptible de restrictions assez fortes, que nous nous réservons de proposer quand le deuxième tome aura paru. Mouskes; pour peu que la rime ou la mesure le gênent, prend de telles licences qu'on pourrait s'exposer à des erreurs graves en jugeant d'après ses vers, de l'état ordinaire du langage en France, ou même en Belgique, au XIIIe siècle. Tout ce qu'il serait permis d'en conclure, c'est que les formes du vocabulaire et les règles de la grammaire étaient encore fort peu fixées.

1 Depuis le tome XIII. — 2 Par MM. Daunou, Amaury Duval, Petit- Radel, Eméric-David. 3 Dernier écrit de feu M. Raynouard. 4 Deux anonymes, la dame Tyberge, la dame Castelloze, la dame Germonde.

des sentiments, dont l'expression trop naïve serait peut-être blamée aujourd'hui. Je n'accorde pas le même éloge à la dame Germonde de Montpellier, dont l'ouvrage n'est en général qu'une déclamation en faveur de la cour de Rome et des inquisiteurs, contre les Albigeois, le malheureux Raymond, comte de Toulouse, et les autres victimes d'une cruelle intolérance. Le rédacteur a parlé très-convenablement de Deudes de Prades; il aurait pu citer quelques vers de son poëme didactique DELS AUzels CASSADORS, des Oiseaux chasseurs, qu'il a bien jugé et caractérisé. II existe de ce poëme une traduction manuscrite, en vers catalans ; j'en possède une copie, et je regrette de n'en avoir pas averti le rédacteur, qui, sans doute, eût établi quelque comparaison entre l'original et la traduction. Il n'a pas parlé non plus d'un autre ouvrage du même troubadour, savoir, de son poëme moral sur les Vertus cardinales, dont le seul manuscrit connu se trouve aujourd'hui à la bibliothèque de Saint-Marc, à Venise j'en ai obtenu une copie, et j'en publie des fragments considérables dans le tome Ier du Nouveau choix des poésies originales des troubadours. Voici quelques vers qui donneront une idée du poëme :

Car saber deus moltas res son
Bonas, e an mala faisson;
Autras n'i a de bon semblan

Que son malas, plenas d'engan :
Non la jutges doncs per semblanza,
Mas
per ver e per esprovanza;
Totas cestas causas mondanas,
Que leu passon, tengas per vanas.
No t fazas plus ric ni plus gay
Per causa que tot jorn desvai.

Car tu dois savoir que plusieurs choses sont bonnes et ont mauvaise apparence;

il

y

en a d'autres de bonne apparence qui sont mauvaises, pleines de tromperie: ne les juge donc pas par la figure, mais par la vérité et par l'épreuve; toutes ces choses mondaines qui passent facilement, tiens-les pour vaines. Ne te fais plus riche ni plus gai pour chose qui chaque jour s'échappe.

Il est de mon devoir d'avertir le rédacteur qu'il aurait peut-être dù rendre compte de quelques-uns des poëmes considérables et épopées romanesques qui appartiennent à la littérature provençale. J'aime à croire qu'il n'a différé d'en parler que dans le dessein où il paraît être de faire à la fois un article général sur toutes les pièces de ce genre. J'indiquerai ici celles qui fussent entrées sans contredit dans les publications déjà faites.

La chronique rimée ou le poëme sur la guerre des Albigeois finit en l'an 1219; et il est évident, par la discontinuation même de l'ouvrage, que l'auteur n'a guère survécu à cette époque : en effet, comment supposer qu'il se fût volontairement arrêté au siége de Marmande, au moment où l'intérêt est devenu plus vif et où la curiosité des lecteurs, excitée par les récits précédents, demande à être pleinement satisfaite?

Le roman en vers de Gérard de Rossillon me paraît tout au moins aussi ancien. Historiquement, il s'agit de débats et de guerres qui se prolongèrent longtemps entre Charles le Chauve et Girard de Rossillon, l'un des grands vassaux, quoique le troubadour ait pris pour son héros CharlesMartel, dont la bravoure convenait sans doute mieux à ses récits et à ses descriptions poétiques que le nom du petit-fils de Charlemagne.

Le roman de Jaufre, fils de Dovon, est un poëme en vers de huit syllabes; on y trouve de l'imagination, de la facilité et de l'élégance. L'action se passe à la cour d'Artus : l'ouvrage appartient donc au cycle de la Table Ronde. Dès les premiers vers et ailleurs, le troubadour nomme le roi d'Aragon Pierre: c'est Pierre II, mort à la bataille de Muret, en 1213.

Quoique l'auteur et même le titre du poëme de Flamenca1 soient encore ignorés, plusieurs circonstances permettent de croire qu'il a été composé dans la première moitié du XIIIe siècle. Je me borne à indiquer les poëmes suivants: Roman de Blandin de Cornoailles; Roman de Fier-à-Bras, etc., etc.

C'est dans l'intérêt de la science que je présente ces observations : je pense qu'il est important et même nécessaire que, dans l'histoire littéraire de la France, la partie concernant les troubadours et les trouvères soit travaillée avec tout le soin et toute l'exactitude possibles, puisque la langue et la littérature de ces poëtes occupent chaque jour davantage les nationaux et les étrangers 2.

RAYNOUARD.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT ROYAL DE FRANCE.

Le Journal des Savants vient de faire une nouvelle perte dans la personne de M. Girard. Il était membre de l'Académie des sciences, au nom de laquelle le discours suivant a été prononcé, à ses funérailles, par M. le baron Ch. Dupin.

« Messieurs, l'Académie des sciences déplore aujourd'hui la perte d'un de ces hommes remarquables à la fois par un esprit étendu, observateur et sagace; par

1 Voyez notre cahier de septembre 1835, p. 572.- 2 Nous n'imprimons pas la partie de cet acticle qui devait concerner les Trouvères, parce que nous ne l'avons pas de l'écriture de M. Raynouard, et qu'il n'a malheureusement pas eu le temps de la revoir.

un courage indomptable, une persévérance à toute épreuve, une énergie puissante qui, s'appliquant aux entreprises intellectuelles, devait enfanter la renommée, et qui, gardant parfois sa rigidité dans les relations avec les hommes, multiplia les traverses d'une vie pleine de travaux et féconde en succès. M. Pierre-Simon Girard, membre de l'Académie des sciences, ex-inspecteur divisionnaire au corps des ponts et chaussées, officier de la Légion d'honneur, naquit en 1765, vingt-quatre années avant la révolution française. Fait ingénieur en 1789, depuis deux ans il commençait déjà dans le port du Havre, sous les ordres ou plutôt sous les auspices de son ami le célèbre Lamblardie, ses expériences sur la force et la rupture des bois : il reprenait une théorie d'Euler, pour l'appliquer à ce genre de recherches. L'ancien corps des ponts et chaussées, qui, depuis l'Ecole polytechnique, est devenu comme une pépinière de géomètres, tels que les Lancret, les Navier, les Fresnel, les Cauchy, les Vallée, les Coriolis, etc., ce corps ne comptait alors que trois hommes qui marquassent par leurs travaux de mathématiques appliquées ou pures : c'étaient MM. de Prony, de Chézy et Girard. Au milieu des grandes agitations de la scène politique, ce dernier, sans s'effrayer ni se distraire, poursuivait ses travaux d'ingénieur, ses expériences et ses applications analytiques. Dès 1790, l'Académie des sciences avait proposé pour sujet de concours, la théorie des écluses applicables aux ports de mer et aux canaux de navigation, et les meilleurs procédés à suivre dans la construction de ces ouvrages. En 1792, M. Girard remporta le prix, l'un des derniers qu'ait décernés l'Académie avant sa suppression. Il était alors en mission dans le département de la Somme pour y diriger des travaux de navigation qui l'amenaient naturellement au port de Saint-Valery-sur-Somme. Dans ce port il eut le bonheur de connaître et d'apprécier une famille où l'esprit, la bonté, le naturel et la grâce étaient chez les femmes un trésor héréditaire; mais ce sera seulement à son retour d'Afrique qu'il obtiendra l'épouse accomplie qui, pendant trente-quatre années, a fait le charme et la félicité de sa vie intérieure. En 1794, il revient au Havre et termine son traité sur la résistance des bois, traité qui fut honoré par le suffrage de la classe des sciences physiques et mathématiques de l'Institut, sur le rapport de Coulomb et de Prony. Nous pensons, disaient ces illustres commissaires, que la classe doit donner des éloges au zèle soutenu, et applaudir au succès avec lequel l'auteur s'occupe des sciences physiques et mathématiques. Cet ouvrage considérable parut en 1798, au moment où se préparait l'expédition d'Égypte; expédition pour laquelle le génie du général en chef appelait de toutes parts les hommes qui réunissaient la culture des sciences à la pratique des arts, et la vigueur du caractère à l'étendue des connaissances. A tous ces titres, M. Girard devait être choisi il le fut comme ingénieur en chef, sous-directeur des ponts et chaussées. Il arrive en Egypte le 4 juillet 1798, il prend aussitôt la direction d'une brigade d'ingénieurs des ponts et chaussées, d'ingénieurs militaires et d'ingénieurs géographes, pour lever les plans de la ville d'Alexandrie, de son port et de la côte limitrophe. Un mois plus tard est créé cet Institut d'Égypte qui transportait aux bords du Nil la gloire de l'Institut de France, et qui, dans la seule section de mathématiques, comptait pour membres Bonaparte, Monge, Fourier, Malus et Girard....-M. Girard s'est proposé d'étudier le fleuve du Nil, qui s'appela d'abord l'Egypte, parce qu'en effet ce fleuve, ses eaux, ses alluvions, c'est l'Égypte même, avec sa vie, sa fécondité, sa puissance. L'ingénieur français, en remontant jusques aux cataractes, a mesuré, de distance en distance, la vitesse et le volume des eaux à leur état extrême d'étiage ou des plus hautes crues. Par des puits ouverts sur

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