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mesurait distinctement d'une semaine à l'autre. Pour moi, je ne trouvais d'étonnant en tout ceci que l'étonnement même des spectateurs. Je ne réfléchissais pas que chacun ne pouvait juger ce qu'il voyait qu'avec ses propres idées, et par comparaison à ce qu'il avait vu jusqu'alors; que moi-même j'avais amené cet étonnement des esprits en cachant mes moyens à tous les yeux, quoique ce ne fût que pour me ménager l'agrément d'opérer avec tranquillité, à l'abri des critiques prématurées.

Pendant que je travaillais à Bordeaux à produire ces effets, j'adressai à Paris, à la Société d'instruction élémentaire, le manuscrit contenant l'exposition de ma méthode. Je proposais à la Société de l'introduire dans ses écoles, comme étant un moyen très-économique et presqu'infaillible de rendre populaire en France la connaissance de la musique. J'accompagnais ma proposition de quelques considérations morales que je crus propres à l'appuyer. La Société répondit à mon hommage par des lettres flatteuses, où j'appris qu'elle s'était interdit jusqu'à nouvel ordre d'ajouter aucune autre branche d'étude à celles qui occupent aujourd'hui exclusivement les élèves de ses écoles. Dans le même temps, j'envoyai un Mémoire pareil au

Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences. Au surplus, il ne faut regarder l'ouvrage que je publie aujourd'hui que comme une exposition rapide de mes idées, qui manque peut-être de détails suffisans en quelques points; mais je ne pouvais pas y en mettre davantage, sans changer tout-à-fait de plan. Cependant j'espère en avoir assez dit pour être entendu de ceux qui voudront bien me lire avec réflexion. C'est dans le Traité élémentaire dont j'ai parlé, et dont je m'occuperai désormais plus sérieusement que je n'ai fait jusqu'ici, qu'on pourra trouver un corps complet de doctrine musicale.

Maintenant je vais exposer avec détail les considérations particulières et les réflexions générales qui m'ont conduit insensiblement à la découverte de ma méthode, ainsi que les rapprochemens, les comparaisons que j'ai faites de la musique aux autres sciences; prévenu de cette idée, que l'esprit n'a qu'une manière de raisonner, qu'une manière de se conduire dans la recherche de la vérité, quel que soit le sujet sur lequel il s'exerce. Parmi ces considérations, il en est plusieurs, sans doute, que le lecteur aura faites aussi bien que moi; mais il est nécessaire que je les lui remette sous les yeux, pour qu'il parvienne à connaître le véritable

esprit de ma méthode; car elle se compose de deux parties distinctes, dont l'une renferme les moyens matériels, et l'autre les moyens intellectuels: or, : or, l'on sent que la première ne

serait rien sans la seconde.

Il faut s'attendre aussi que je parlerai quelquefois de mes idées en opposition avec d'autres qui sont généralement répandues sur le sujet que je traite; car comment pourrais-je en parler autrement? On doit présumer que si je présente une méthode nouvelle, c'est parce que je la crois meilleure que celle dont on se sert: je dois donc tâcher de faire sentir les avantages de l'une et les défauts de l'autre. Après cela, c'est au lecteur à se tenir sur ses gardes, s'il me soupçonne d'erreur ou de mauvaise foi: et pourvu que la modération règne dans mes critiques, je ne suis plus comptable des impressions qu'elles peuvent produire.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

Une chose qui étonne tous les jours les observateurs, c'est de voir que dans le grand nombre de ceux qui ont appris la musique, il s'en trouve si peu qui sachent la lire de vive voix. La plu→ part ont besoin d'interroger leur violon, leur

piano, leur flûte, pour déchiffrer la romance nouvelle; et c'est en effet l'instrument qui la lit pour eux. C'est comme si l'on se servait, pour lire toutes sortes de livres, de quelques machines propres à cet effet, dont on apprendrait à jouer en négligeant le moyen si expéditif de la parole.

Voilà des idées qui font un singulier trajet: la vue des signes écrits fait agiter les doigts, les doigts excitent l'instrument, et l'instrument prononce la pensée. Mais pourquoi la vue des signes ne dit-elle directement rien à l'esprit du lecteur? C'est, dit-on, qu'il ne sait pas la musique vocale. On le voit bien. Mais n'est-ce pas par elle qu'il lui eût fallu commencer...... ou finir? et que résulte-t-il de ne l'avoir mis qu'au point où il est ? Il en résulte, ce dont se plaignent tous les jours les maîtres, qu'un tel lecteur ne sait pas phraser la musique, qu'il ne sait pas quand il quitte un ton ou un mode, ni quand il y rentre: car, après tout, l'instrument ne fait que des notes; et, pour qu'il fasse autre chose, c'est à l'esprit à le diriger: or, pour cela, il faut savoir la musique vocale, c'est-àdire, la musique proprement dite.

En effet, qu'est-ce que la musique, sinon l'art de parler, de lire, et d'écrire le chant?

sinon une langue dans laquelle, ainsi que dans toutes, des idées (ce sont les airs) sont attachées à des signes institués pour les rappeler à l'esprit? Ces signes sont ou articulés, comme les mots ut, ré, mi....., ou écrits, n'importe de quelle manière; mais tant que celui qui les considère ne sent pas se réveiller en lui d'idées mélodieuses, et que réciproquement des idées qu'il entend exprimer ne lui rappellent pas leurs signes, on est fondé à dire qu'il ne connaît pas cette langue.

On confond trop souvent l'artiste avec le musicien. Ce sont deux choses toutes différentes; on peut être l'un sans l'autre, et la voix n'a, à cet égard, aucun privilége; elle a besoin d'être cultivée comme tout autre instrument. On peut, en sachant bien la musique, ne pas posséder les qualités qu'exige une agréable exécution; comme on peut, en ne la sachant pas, avoir une voix très-souple, très-sonore, et beaucoup de goût; et c'est un préjugé de croire qu'il n'y ait que de belles voix qui soient capables d'apprendre la musique vocale : toute voix en est capable, dès qu'elle chante juste la gamme, ou seulement une moitié de gamme, c'est-à-dire, le premier tétracorde ou le second, car ils se ressemblent exactement.

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