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dont je n'ai pas encore parlé, c'est que, par la nature de la méthode, le même moniteur peut diriger au même instant deux classes d'élèves de forces très-différentes, et qui auraient, par exemple, six ou huit mois de distance; c'est-àdire, qu'après avoir conduit une classe durant six mois, on en ouvre alors une seconde dont les leçons servent rigoureusement pour la première de sorte que la même leçon se trouve être tout à la fois faible pour les commençans, et très-forte pour les anciens élèves. Voici en deux mots l'explication de ce paradoxe : c'est que pendant que les nouveaux élèves solfient sur l'alphabet du ton d'ut, modèle de tous les tons, les anciens solfient la même leçon de baguette à commandement sur tout autre alphabet, et qu'ils ont alors besoin du même ménagement que ceux-là dans la conduite des phrases qu'on leur présente. Ainsi, tous les élèves travaillent à la fois; ils travaillent sur le même Ꭹ font un travail réellesujet, et pourtant ils

ment différent.

J'ai une observation à faire sur l'enseignement mutuel. Plusieurs personnes s'en font une idée fausse, en le regardant comme une méthode universelle, une fois découverte, et qui puisse désormais s'appliquer à toutes les branches

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sibles d'instruction. Il importe extrêmement de redresser leur opinion sur ce point: d'abord, parce qu'elle est injurieuse à la gloire nationale, en rapportant à un seul étranger tout l'honneur des efforts qu'ont fait après lui d'autres hommes de mérite, pour obtenir, en différens genres, les mêmes succès qu'il n'avait obtenus que dans un seul; en second lieu, parce qu'elle est nuisible à l'intérêt public, en favorisant un certain genre de charlatanisme, qui consiste à revêtir. d'un nom fameux quelques conceptions éphémères, et à donner, sous le nom de Lancastriennes, une foule de débiles méthodes sur tous les sujets possibles auxquels Lancaster n'avait pas songé.

L'enseignement mutuel n'est point par ce seul titre une méthode générale et applicable à tout: il renferme en soi autant de méthodes au moins qu'il y a de branches d'étude dans la société, et même il en renferme davantage, s'il est vrai que sur la même branche il puisse y avoir plusieurs méthodes différentes. Aussi, les diverses écoles d'enseignement mutuel qui sont instituées, ne suivent pas toutes encore une même méthode sur le même objet d'instruction; mais le temps nivellera ces méthodes, et la meilleure sans doute prévaudra. Quoiqu'il en soit, il faut

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regarder l'assemblage de toutes les écoles sous le titre d'enseignement mutuel, comme on regarde l'assemblage de tous les colléges du royaume sous le titre d'université: c'est en effet un nouveau corps universitaire qui se crée; il a commencé, comme commença l'autre sous Charlemagne, par les plus simples élémens de l'éducation; chaque jour amène dans son sein une branche d'enseignement qu'il ne possédait pas la veille; et personne ne peut dire, tant que dure ce mouvement, jusqu'où s'étendra le domaine qu'il doit envahir. Lancaster fut le noyau de ce corps naissant, où se sont fait agréger ensuite, en y apportant leur tribut de méditations, une foule d'hommes supérieurs et de professeurs distingués, amis de l'humanité et des lumières.

Ce n'est donc pas donner l'idée d'une méthode, que de dire qu'elle est celle qu'on suit dans l'enseignement mutuel, puisqu'on y en suit plusieurs; il faut dire de plus, si c'est celle des frères Pestalozzi, en Italie, ou celle de Lancaster, en Angleterre, ou, etc. Tant qu'on n'ajoute pas cette détermination, on parle aussi vaguement que si l'on disait qu'on suit le traité de physique ou de géométrie de l'université, et plus vaguement encore, parce que ces mé

thodes nouvelles ne sont pas développées au public par leurs auteurs, comme le sont ces livres. Ce serait bien pis si l'on annonçait un cours de dessin, ou de peinture, ou de musique, selon la méthode de Lancaster; ce serait comme de l'annoncer selon la méthode de Port-Royal, parce que Port-Royal ni Lancaster n'ont rien fait dans ce genre, quoiqu'ils aient utilement travaillé en d'autres, Mais ceux qui ne regardent qu'à peu près les choses, ne sont frappés, dans les nouvelles méthodes, que de la division du travail, au moyen de laquelle on rend facile l'acquisition des idées, et leur transmission d'un individu à l'autre dans toute l'école simultanément. C'est en effet un point que toutes ont de commun entre elles; mais quels livres et quelles méthodes anciennes n'ont pas de points communs et en plus grand nombre? On ne considère pas que la division du travail constitue à elle seule une méthode dans la manière dont elle est faite, et que, pour faire cette division, il faut avoir des idées bien déterminées sur l'objet à enseigner; qu'autrement ce serait une découverte préalable à faire, que de recueillir ces idées, de les réunir en corps de science, et de les coordonner entr'elles, au point qu'il n'y eût plus qu'à les diviser en petites sections pour

les faire facilement acquérir et transmettre d'individu à individu.

Je termine ici cet ouvrage, bien imparfait sans doute, et peut-être trop court pour la quantité de matières qu'il renferme ; peut-être aussi trop long en quelques endroits. J'ai eu deux buts en l'écrivant: je n'avais d'abord que celui de faire connaître ma méthode aux maîtres et aux personnes qui, étant versées dans l'art que je traite, peuvent désirer d'en faire l'application autour d'elles; mais bientôt je me suis aperçu que je pouvais, sans nuire à ce dessein, travailler aussi au profit de mes élèves, en ajoutant çà et là quelques développemens dont je me serais autrement dispensé. Toutefois j'ai tâché d'en être sobre.

S'il m'était possible de prendre des mesures pour qu'on me jugeât avec quelque justice, et de prévoir toutes les sortes de critiques qu'on me destine peut-être, je prierais que l'on fît réflexion qu'en m'adressant aux maîtres, je n'ai pas la prétention de leur enseigner la musique; car personne ne doute qu'ils ne la sachent en perfection, et pour moi je suis le sincère admirateur du talent de ceux qui m'entourent.

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