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instrumens soumis aux mêmes influences, et encore au caprice de ceux qui les accordent? Tous les instrumens du monde sont-ils montés au même ton? Et quand on parle du ton de sol, par exemple, l'entend-on à la chapelle comme à l'opéra, à la capitale comme en province, en France comme en Italie ? S'il n'en est pas ainsi, pourquoi vouloir mettre dans la tête des élèves une idée vague de son fixe, dont ils ne retirent d'ailleurs aucun profit pour l'exécution? Car les musiciens savent bien que ce n'est pas sur cette idée qu'ils se règlent eux-mêmes pour lire la musique; c'est sur la relation des notes dans chaque ton. C'est donc cette relation qu'il faut faire connaître aux élèves; or, pour qu'ils la connaissent dans tous les tons, il suffit qu'ils la sachent bien dans un seul qui soit le type originaire des autres. D'un ton à un autre, il n'y a rien de changé que les noms des notes; mais les rapports demeurent les mêmes; et quand on songe à la facilité qu'il y a pour tout le monde de transporter un air connu sur des paroles nouvelles, on conçoit de même qu'il est facile de transporter un ton connu sur un autre ton, pour en dénommer les notes différemment.

Il est si peu vrai qu'on lise une à une les notes de la musique comme les syllabes du

discours, et qu'on attache à chacune d'elles une idée absolue de son fixe, comme on attache aux syllabes une idée fixe d'articulation de voix, qu'il n'est pas de chanteur, quelqu'habile qu'on le suppose, qui soit capable d'exécuter des passages enharmoniques, c'est-à-dire, par exemple, des phrases où se trouveraient consécutivement un la dièse et un si bémol. Or, qu'on ne croie pas que la difficulté de cette intonation vienne du manque de souplesse de la voix pour exprimer un si petit intervalle; car, en renversant l'intervalle et le ramenant à l'état de septième où l'on ne peut plus dire qu'il soit trop petit, la difficulté reste néanmoins la même; c'est parce qu'elle consiste toute entière à rapprocher les idées de deux tons que les lois de la modulation rendent extrêmement éloignés, et auxquels appartiennent les deux sons qu'on voudrait faire entendre. Mais, sans chercher si loin des exemples, ne sait-on pas qu'il est impossible d'entonner l'un sur l'autre deux demi - tons mineurs, comme les offrirait ce passage: la bémol-la-la dièse, quoique pourtant il soit aisé d'entonner deux demi- tons majeurs de suite, comme sol dièse-la-si bémol? Et si l'on veut ne considérer qu'un seul demi-ton mineur la la dièse, quoiqu'il ne soit pas

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impossible de l'entonner posément accompagné d'un si naturel, ne sait-on pas néanmoins qu'il est impossible de s'y arrêter et d'y faire une batterie comme on la ferait sans peine sur le demi-ton majeur la si bémol? Qu econclure de toutes ces circonstances réunies, sinon que les signes de la musique ne sont pas faits pour rappeler des sons fixes à l'esprit du lecteur, et qu'ils ne peuvent lui représenter que des rapports?

Quoiqu'il en soit, voilà donc, par l'effet de la méthode que j'ai décrite, des enfans sachant solfier en chantant, c'est-à-dire, sachant parler la musique, sans avoir jamais eu une note sous les yeux, sans savoir ce que c'est qu'une clef, qu'une blanche, qu'une noire, qu'un demi-ton; or, je dis qu'alors ils savent la lire et l'écrire (du moins à l'égard de l'intonation). Cela n'est-il pas évident, s'ils savent tracer des caractères avec la plume? Voici comment ils écriront, d'abord, la première reprise de l'air de Gabrielle, par exemple :

sol sol ut si la sol ut ut mi sol mi ut ré ut.

Si ce n'est pas là tout-à-fait la notation de cet air, on conviendra qu'il s'en faut bien peu, et qu'il sera facile de perfectionner cette ébauche,

en leur faisant remarquer qu'il y entre des sons aigus et graves qui portent le même nom, et des sons d'inégales durées que rien ne distingue à la vue. Ce sera alors le lieu de leur apprendre à distinguer dans l'écriture les diverses octaves d'un son par des points marqués au-dessus ou au-dessous du mot qui le représente; puis de leur faire séparer sur les signes, comme elles le sont dans l'esprit, les durées égales appelées temps, qui sont composées tantôt d'un son unique ou d'une prolongation de son, tantôt de plusieurs sons brefs réunis ou entremêlés de silences. Enfin, ils apprendront bientôt à former des mesures par un nombre égal de temps, soit de deux ou trois ou quatre; alors ils écriront de cette manière, très-claire et très-correcte, la même idée :

|| sol sol ut | si la sol | ut ut mi | sol sol mi | ut ré ré | ut ut ut ||

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Qu'ensuite, pour abréger, on substitue aux mots des lettres a b c d e f g, ou des chiffres 1 2 3 4 5 6 7, ou des portées, ou tout ce qu'on voudra, et l'on aura ces nouvelles notations plus simples que la précédente, et tout aussi bien qu'elle entendues des élèves:

||ggcbagcc egge | cdd | c c c ||

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*

|| 5 5 1 | 7 6 5 | 1 1 3 | 553 | 122 | TT1

Je ne m'étends pas davantage sur ce qui concerne la notation et la mesure, parce que j'y reviendrai ailleurs,, et qu'à présent je n'ai en vue que de prouver cette thèse, que l'intonation à l'aspect des signes est la principale difficulté en musique, et que cependant il est possible et même facile de l'enseigner aux commençans, quoique jusqu'à ce jour on ait mal réussi à le faire. J'espère avoir démontré ce point, et qu'il résulte de mes analyses cette conséquence singulière, mais pourtant incontestable, que le fait qui a paru le plus étonnant dans mes élèves, je veux dire cette légéreté avec laquelle ils prennent les notes des airs qu'ils entendent, et qui ne se trouve que chez les musiciens exercés; en un mot, la facilité qu'ils ont de parler la musique est précisément le moyen qui fait qu'ils savent la lire. En effet, comment ne la liraientils pas, s'ils savent au juste, non par définition, mais par sensation, ce que valent les mots de sol, de mi, d'ut, de fa; s'ils voyent, pour ainsi dire, le son attaché à ces syllabes, et s'il leur est impossible d'en nommer une sans faire éclater à la fois ce son qu'elle porte avec elle? Mais essayez de leur déguiser ces noms sous de certains signes tels que vous voudrez en imaginer, qu'arrivera-t-il? que d'abord ils chercheront des

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