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môts où vous aurez mis des signes ; qu'avec trèsd'effort ils vont bientôt savoir les dénom→ mer, et que dès-lors vos signes ne seront plus pour eux que comme les mots dont ils tiennent la place; ils n'y verront réellement que ces mots, et tout se passera, malgré vous, comme si vous aviez écrit en toutes lettres.

A la vérité, vous pouvez faire vos signes plus ou moins difficiles à nommer, plus ou moins indistincts à la vue ; les nuancer par de si légères différences, que vous les oublieriez vous-même après les avoir établies (1). Si, plus encore, il fallait faire un calcul pour parvenir à dénommer vos signes; si le nom de chacun était non-seulement subordonné au nom du précédent, mais

(1) C'est ce qui arrive infailliblement pour ces deux signes, dont le premier s'appelle soupir, et le second demi-soupir; et pour ces deux-ci- , qu'on appelle pause et demi-pause. J'oserais affirmer que le lecteur, après avoir lu vingt fois cette note, confondra encore ces deux signes, et attribuera à l'un le nom de l'autre. C'est ce qui arrive même aux musiciens; seulement, il faut dire qu'ils n'ont pas besoin de savoir mieux les distinguer, et qu'ils ne s'en inquiètent jamais quand ils exécutent, parce qu'ils jugent facilement du vide de la mesure, en voyant quelle partie est occupée par des sons.

encore à la position respective qu'il aurait prise à son égard; s'il fallait continuellement décompter de l'un à l'autre plusieurs degrés intermédiaires, et pourtant franchir ces degrés d'un clin-d'œil; et si à ce premier calcul, déjà considérable pour la nomination des notes, il en fallait joindre un second non moins compliqué pour en découvrir la durée, alors, convenonsen, l'élève trop occupé de ce double calcul, tant qu'il ne lui est pas devenu familier, ne lira pas si vîte sur de tels signes que sur d'autres mieux choisis. Vous lui avez masqué les mots qui contiennent sa science et sur lesquels il fondait sa lecture; il les cherche dans une loi compliquée où vous les avez assujettis, et comme dans une énigme où vous les auriez renfermés; mais remarquez qu'il ne cherche point l'idée. S'il hésite, c'est sur le mot, non sur la chose: s'il se trompe, ce sont ses yeux qui jugent mal des distances, non son esprit qui ne peut mal juger des rapports qu'il connaît. Il vous nommera peut-être un fa pour un sol; mais si vous l'écoutez, c'est bien un fa qu'il chante, et point un autre son. Au reste, ses yeux ne le trom* peront pas long-temps; il apprendra bientôt ce singulier calcul qui n'est pas de la science, et vous pourrez sous peu lui en proposer quelque

autre qu'il apprendra de même. Ne voit-on pas que tous ces signes et tous ces calculs sont indépendans de la science musicale? que cette science existera toujours hors des signes par lesquels on en écrira les idées, et quels que soient ceux de ces signes auxquels l'usage voudra se fixer?

Si l'on disait que des enfans instruits de cette manière ne seront pas distingués plus que d'autres par une adresse étonnante à se servir de leur voix ou d'un instrument, que si jeunes ils ne seront pas artistes enfin, je répondrais d'abord que la méthode n'avait pas ce but; mais qu'ils seront musiciens, qu'ils sauront lire et écrire les idées mélodieuses, et que c'est par-là qu'il fallait commencer. En outre, qui ne voit qu'ils deviendront artistes aussi, et beaucoup plus surement et plus vîte que les autres élèves? C'est parce que leur imagination et leur voix auront un sujet continuel d'exercice dans les signes articulés. Les autres élèves ne savent étudier qu'au pupitre; les miens étudieront en tous lieux et à toute heure, même en jouant et en sautant beaucoup plus qu'à l'école.

Puis donc que tout dépend de faire parler la musique à l'élève avant de le mettre à la lire, avant de lui poser un cahier de notes sous les

yeux, avant de lui dire qu'il y ait des notes au monde, toutes nos vues doivent tendre à ce point capital. J'ai dit que pour y parvenir il suffirait, à la rigueur, de graver dans sa mémoire un certain nombre d'airs, ou seulement de phrases musicales ramenées dans un même ton, et de s'en rapporter ensuite à la seule activité de son esprit du soin de faire sur ces phrases les analyses nécessaires; mais le comble de la perfection serait de trouver un moyen de diriger nous-mêmes à tout moment sa pensée sur les endroits où nous voudrons qu'elle opère, sans être obligés d'attendre que le hasard l'y amène par des détours.

DÉVELOPPEMENT DE LA MÉTHODE.

C'est ici que je vais découvrir le grand ressort mécanique de ma méthode; en même temps, je dirai quelles forces intellectuelles le mettent en action et lui font produire des effets auxquels on était loin de s'attendre. On verra les mouvemens d'une simple baguette déterminer les accens de mille voix confondues, en diriger les inflexions par les plus délicates nuances, en régler le concours avec une admirable précision; toutes sortes d'airs se dessiner sur une toile en traces fugitives, et passer instantanément dans

l'esprit des chanteurs: ceux-ci, étonnés de n'avoir qu'une même pensée, d'obéir de concert aux mêmes impressions, et d'exprimer de leur bouche des chants infiniment variés dont ils n'avaient pas d'idée, et dont il ne reste plus même de traces dans leur esprit ni sous leurs yeux.

Qu'on se figure peinte sur une toile une échelle à larges barreaux, à grandes dimensions, et devant cette toile un nombre d'élèves rassemblés, dont les yeux observent curieusement le bout d'une baguette qui se meut parmi les barreaux de l'échelle, conduite par une main suivant de certaines lois. (Voyez la gravure en téte du livre).

Ces barreaux et les intervalles qu'ils laissent entr'eux retracent à l'esprit des élèves la disposition consécutive des sons de la gamme; en les faisant servir concurremment à la distribution des sons, on abrège de moitié la longueur de l'échelle; en outre, comme ils sont distingués par deux couleurs alternatives, on les aperçoit sans confusion, et le compte en est plus aisé à faire à la vue. D'un autre côté, les élèves étudient sur cet appareil les portées ordinaires de musique, apprenant à y mesurer les intervalles ensemble de l'oeil et de la voix ; proprement, ce

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