Sidor som bilder
PDF
ePub

n'est qu'une telle portée qu'ils ont sous les yeux, mais dont les filets ont une largeur sensible.

On ne voit ni clefs ni notes sur cette échelle; les notes sont toutes au bout de la baguette, tant en durée qu'en intonation : en intonation, puisque la baguette s'élève et s'abaisse à divers barreaux; en durée, puisqu'elle y repose plus ou moins de temps au gré du maître qui la dirige. Il n'est pas besoin, en effet, que les notes se présentent en nombre à l'élève qui commence, puisqu'il ne les entonne que successivement; au contraire, il est nuisible qu'on les lui présente de cette manière dans une page de musique, parce que son attention se partage entr'elles, et qu'il se préoccupe de cette multitude de points noirs qui frappent ensemble ses yeux : aussi est-il long-temps à deviner ce que cela veut dire. Ici, il ne voit jamais qu'une chose à la fois, qui est la baguette sur tel barreau; il ne la voit plus aux endroits qu'elle a quittés, et il ne la voit pas encore à ceux où elle n'est pas arrivée. Ainsi, son attention est toute attirée vers un point unique: première condition d'une étude réfléchie.

Il n'y a donc ici qu'une note, mais elle est mobile; il n'y a non plus qu'une clef, mais elle est mobile aussi. Cette clef est de convenir, à

chaque leçon, sur quel barreau l'on veut poser l'ut tonique, premier degré de la gamme; c'est d'après sa position que les autres notes prennent rang sur l'échelle. L'heureux effet de cette habitude sera que l'élève n'attribue pas des noms invariables à chaque barreau, qu'il ne les dénomme que par leurs intervalles respectifs, et que, par conséquent, il connaisse toutes les clefs, sans qu'il lui en coûte pour cela ni plus de temps ni plus de peine.

Si la position de l'ut est laissée arbitraire sur l'échelle, son intonation est laissée telle pareillement: chaque fois que l'élève voudra chanter, il appellera ut tel son qui lui conviendra, ou tel son que donnera le maître. Les degrés des autres sons de la gamme seront déterminés par relation à celui-là : par où l'on voit que le nom d'ut est pris pour désigner la tonique, à quelque ton que l'on chante (en mode majeur), le mi pour désigner la médiante, le sol la dominante, etc.; et que ces noms ne sont pas, comme dans l'ordinaire méthode, pour rappeler des sons fixes à l'esprit : propriété qu'ils ne sont pas susceptibles de prendre, ainsi que je l'ai démontré plus haut.

Que si les musiciens étaient blessés d'entendre nommer ut en solfiant le son qu'ils appellent sol

ou mi sur le piano, il serait facile d'y remédier; il faudrait alors changer les syllabes de notre gamme ut ré mi fa sol la si, pour les rendre génériques, au lieu de spécifiques qu'elles sont à leurs yeux; il faudrait y employer ou des noms de lettres c d e f gab, comme les Anglais et les Allemands, ou des noms de nombre, comme un, deux, trois, quat.., cinq, six, sept. Mais, véritablement, je ne crois pas que ceci vaille la peine de faire une innovation (1).

(1) Si l'on faisait tant que de changer les syllabes de notre gamme qui véritablement en aurait besoin, on devrait le faire d'une manière plus utile qu'a proposée M. Framery, l'un des rédacteurs de l'Encyclopédie: ce serait de ne conserver que les seules consonnes de ces syllabes, et de les accompagner de la voyelle a pour désigner les sons naturels, de la voyelle e pour désigner les sons dièses, et de la voyelle o pour désigner les sons bémols; ce qui donnerait ces trois séries:

Ta ra ma fa sa la ja............ pour les sons bécarres.
Te re me fe se le je............. pour les sons dièses.
To ro mo fo so lo jo..

[ocr errors]

pour les sons bémols,

« Cette manière de nommer les notes, continue » M. Framery, est simple, claire et précise. Elle est » extrêmement facile à retenir. Un bon lecteur n'a pas >> besoin de plus de deux heures d'exercice pour s'ha» bituer autant à ces noms nouveaux qu'aux anciens. » Cependant nous doutons qu'elle soit adoptée, parce

Prenons maintenant les élèves à leur première leçon, et observons les progrès de leurs idées. D'abord, au premier barreau que frappe la ba❤

» que ceux qui professent la musique ne mettent en » général aucun intérêt à la perfectionner. On ne con>> naît bien les difficultés d'un art que quand on les a » surmontées, et alors il semble qu'on ne se soucie » plus de les applanir. On croirait diminuer le mérite » de ses connaissances, en procurant aux autres plus » de facilité à les acquérir. >>

Je crois que M. Framery s'abuse en ne demandant que deux heures d'exercice pour s'habituer autant à ces noms nouveaux qu'aux anciens; mais je crois aussi que cette manière de nommer les notes serait extrêmement favorable aux opérations de la pensée dans l'étude musicale, en faisant disparaître l'embarras, très-grand pour l'élève, d'attacher une triple idée à un même mot en solfiant à divers tons. On voit d'ailleurs que ma méthode s'appliquerait aussi aisément à ces dénominations qu'à celles en usage, et que, quand l'élève commence d'apprendre, il est aussi indifférent aux unes qu'aux autres. Cependant je ne hasarderai pas de les introduire dans mon école ; c'est aux grands maîtres de l'art à en donner l'exemple. Je me borne à faire remarquer qu'on ne trouvera jamais d'instant plus propice pour faire cette utile innovation, que celui où la musique est, j'ose le dire, prête à devenir populaire par l'effet d'une méthode aussi rapide que celle que je présente,

guette, on entend un ut qu'ils expriment tous à la fois. Voilà le ton établi et la clef convenue. La baguette refrappe ce barreau, l'ut est répété. Alors elle s'élève par degrès jusqu'à la dominante, et l'on entend cette demi-gamme ut ré mi fa sol. Elle recommence le même mouvement à plusieurs reprises; mais une fois elle interrompt sa course au mi, une autre fois au ré ou au fa, retournant toujours à l'ut pour la recommencer. Cet exercice peut remplir la première leçon. On n'y fait que monter la gamme depuis l'ut jusqu'au sol tout au plus.

A la seconde leçon, les élèves apprennent à descendre les mêmes fragmens de gamme qu'ils savent déjà monter. Cela se passe en cette sorte: ut ré ut, ut ré mi ré ut, ut ré mi fa mi ré ut, ut ré mi fa sol fa mi ré ut. Sur quoi l'on observe que l'ut est toujours pris pour point de départ et pour point de repos. Bientôt on pourra faire prendre le sol pour même terme.

A la troisième leçon, la baguette descend par degrés de l'ut à la dominante au-dessous, et l'on entend la demi-gamme descendante ut si la sol. Elle réitère ce mouvement, puis bientôt le suspend, soit sur le si soit sur le la, pour le recommencer encore à l'origine ut. Dans cette même leçon on pourra faire monter la demi

« FöregåendeFortsätt »