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on la leur enseigne sont choisis à contre-sens des idées qu'on veut qu'ils expriment. Mais pour ne pas interrompre le récit des exercices. de l'échelle, je renvoie à la fin ce qui concerne la mesure.

Dès que l'élève commence à lire, je lui donne chaque jour un air écrit qu'il emporte chez lui pour l'apprendre par cœur, et le marquer luimême à la baguette. C'est un grand désespoir quand, par manque de sagesse, il n'en peut obtenir un, ou s'il n'en obtient que la moitié! Il ne s'exposera de long-temps à cette terrible punition. Voilà les nouvelles jouissances qu'il s'était promises: lire un air sur un morceau de papier! avoir dans sa poche la romance nouvelle que joue l'orgue par les rues! et celle-là encore qu'une dame chantait l'autre jour, et qu'on lui chantera ce soir !..... Qu'il est vrai ce plaisir, et qu'il est vif pour l'enfance de sentir naître en soi quelque chose de commun avec ce qui l'environne !

Je passe aux quatrième, cinquième et sixième mois. Je prépare d'abord mes élèves aux changemens de ton et de mode, en leur faisant chanter à la baguette des airs qui participent de deux tons différens, comme ne contenant la note sensible ou la sous-dominante, L'air

pas

de Malborough, par exemple, est de la première espèce; on peut l'écrire en sol sans qu'il y paraisse de dièses; d'autres pourront s'écrire en fa sans qu'il y entre de bémols. Les élèves remarqueront cette singulière circonstance, qu'un même air puisse être exprimé par deux différens systèmes de notes; ils seront étonnés que le sol sonne à leur oreille comme s'il était un ut, le la comme un ré, et ainsi à proportion; ou bien que ce soit l'ut qui sonne sous la propriété de sol, le ré sous celle de la, le mi sous celle de si, et ainsi des autres. C'est qu'ils chantent en sol dans le premier cas, et en fa dans le second; mais ils ne savent point ce langage: ils croyent bonnement de s'être trompés; ils refont l'expérience, et pourtant ils sont jetés sur la même conclusion. Pour les tirer d'embarras, je leur dis que la chose est singulière en effet, que j'en suis surpris comme eux, mais qu'elle est véritable ; et que tant qu'un air ne contient que les six cordes ut ré mi fa sol la, il peut s'écrire sur les six cordes sol la si ut ré mi, et réciproquement; que seulement il sera dans un ton plus bas à l'un de ces systèmes qu'à l'autre, mais qu'ils savent de leur propre expérience que nous pouvons prendre l'ut tonique, tantôt plus bas, tantôt plus haut, à notre volonté.

$ De la comparaison des intervalles par super

position.

Pour les confirmer dans cette idée, je leur fais chanter une phrase arbitraire au ton de sob sur l'hexacorde sol la si ut ré mi; ils la répètent deux ou trois fois pour la bien retenir, puis, à un certain mouvement convenu de la baguette, ils appellent ut le son qu'ils appelaient sol le moment d'avant; et, comme je refrappe les mêmes barreaux dans le même ordre que la première fois, ils s'entendent chanter la même phrase sous des noms différens. Quelle surprise!...... Je marque une autre phrase au ton de fa sur l'hexacorde ut ré mi fa sol la. Ils la remarquent bien; je fais changer le nom de fa en celui d'ut, et tout d'un coup la même phrase se répète en ut dans l'hexacorde sol la si ut rẻ mi, qui est venu occuper les mêmes barreaux de l'échelle. Quelle singulière métamorphose! Comment le nom d'ut perd-il à notre insu sa propriété de tonique? Comment cette propriété que nous y avions si bien attachée se portet-elle sur le nom de sol, qui perd alors sa propriété de dominante, ou sur celui de fa, qui perd la sienne de sous-dominante ?... Questions que je n'entreprends pas de résoudre, mais qui

sont dignes des méditations des philosophes (1). Désormais voilà une vérité bien démontrée et

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(1) Je ne puis me refuser au plaisir de raconter ici la naïveté de l'un de ces enfans qui me faisait toutes ces questions à sa manière. Mais si je ne veux pas, me dit-il, que l'ut perde sa propriété de tonique, il ne la perdra pas? - Tout de même, lui dis-je, parce que c'est moż qui la lui fais perdre. Et pourtant c'est moi qui chante.... Oh! si je voulais, ajouta-t-il finement, il la garderait bien. Tenez, faites encore, vous allez voir, parce que je vais bien faire attention. Ce pauvre enfant soupçonna que je lui escamotais sa tonique, c'était bien l'équivalent; mais il crut m'en empêcher. Alors je le fis commencer en ut, puis je le menai au ton de sol, dont je prolongeai l'impression; il sentit que l'ut changeait sa propriété, et il faisait des gestes de ses mains comme pour la retenir. Attendez, me criait-il, c'est que je n'y étais pas. Mais enfin, comme la tonique retournait malgré lui sur le sol, il s'écria piteusement : Eh mon Dieu! qu'est-ce que c'est donc? Je fais tout ce que je peux, et ça fait toujours autrement! Vous n'entendez pas comme ça fait ? Le sol ressemble à un 'ut! et l'ut ne fait pas comme un ut, il fait comme un fa!.....

Si ce langage n'est pas élégant, il faut admirer encore plus la justesse des idées qu'il renferme. Peut-on mieux caractériser que par ces mots les propriétés si abstraites de tonique et de sous-dominante?

bien sentie, que l'hexacorde d'ut est égal à celui de sol; elle aura de nombreuses conséquences, mais il ne faut pas les en déduire trop tôt, ni toutes ensemble. Il vient de se faire un grand mouvement dans l'esprit de l'élève ; donnons-lui le temps de revenir de sa surprise. En outre, je ne crois pas qu'il faille se contenter de lui faire voir les conséquences dont je parle, comme simples déductions du principe qu'il a découvert. La tête d'un enfant n'est pas assez forte pour raisonner solidement par les signes écrits; il ne peut guère raisonner que par les mots, c'est-à-dire, comparer ses idées que par eux. Par exemple, vous voulez lui démontrer que les accords de fa et de sol sont égaux chacun à celui d'ut; vous pouvez bien, vous aidant de la vérité qui vient d'être établie, lui mettre sous les yeux, comme ici, les deux hexacordes

sol la si ut ré mi,

ut ré mi fa sol la,

et les lui faire comparer terme à terme, en lui disant que si le sol tient lieu d'ut dans le chant, le si tient donc lieu de mi, et le ré tient lieu de sol: d'où l'accord sol si ré tient lieu de ut mi sol, et le représente, c'est-à-dire, en a l'air, la

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