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fait une opération nouvelle? Et qui donc le saurait pour lui? Mais on veut dire qu'il ne sait pas qu'on appelle dièse ou bémol le nouveau son qu'il exprime. De cela j'en conviens; et c'est précisément ce que je n'ai pas voulu qu'il sût encore. Lequel vaut mieux de savoir, la chose ou le nom qu'elle porte, et par lequel faut-il commencer? Croit-on que le nom doive entrer avant la chose dans son esprit ? Croit-on que les noms aient existé avant les choses autour de nous?

Mais qu'on soit sans inquiétude; je vais lui apprendre sur l'heure ce que c'est qu'on appelle fa dièse, et ce que c'est qu'on appelle si bémol. Le lecteur, qui m'a suivi jusqu'ici, prévoit que je n'y aurai pas grand'peine, puisqu'il ne me faut qu'imposer un nom nouveau à une nouvelle idée que vient d'acquérir l'élève. Cependant il faut la saisir au passage, cette idée, pour lui jeter le collier qui doit la retenir. Voici comment je procède :

Je rappelle à l'élève la comparaison déjà faite des deux hexacordes de sol et d'ut; je lui fais remarquer qu'il manque au premier le tricorde sol fami, et au second le tricorde ut si la, pour compléter l'octave. Je lui demande s'il croit que ces deux tricordes soient égaux; il me répond

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qu'il faut les comparer pour le savoir (1), et incontinent il les compare dans sa tête, en essayant de chanter l'air sol fa mi sur les syllabes ut si la. Il n'y coïncide point; il fait au rebours, il veut chanter l'air ut si la sur les syllabes 'sol fa mi.... pas plus de similitude. Il s'assure ainsi que ces deux airs sont différens, et il me l'annonce. Or, remarquez la force de cette vérité dans son esprit : je feins de croire qu'il se trompe; il recommence aussitôt en m'invitant à suivre ses comparaisons. Vous voyez bien, termine-t-il, que ces deux airs ne se ressemblent pas.

D'accord, lui dis-je alors; mais par où diffèrent-ils ? Il les compare encore. Sa première observation est que le sol sert bien d'ut; cellelà est incontestable, puisqu'elle est d'hypothèse. Sa seconde est que le mi sert bien de la. Sa troisième, enfin, est que le fa ne sert point de sis ce qui est le noeud de la question.

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On voit qu'il a voulu rapporter l'air ut si la aux syllabes sol fa mi. Je lui fais faire le contraire;

(1) L'enfant devient tous les jours plus sobre d'assertions. Il s'est convaincu, par sa petite expérience, qu'il est nécessaire de penser avant de répondre; aussi, avant d'affirmer, il examine. N'est-ce pas une utile règle de conduite qu'il puise dans cette agréable étude? mej

il rapporte à présent l'air sol fa mi sur les syllabes ut si la. Il compare, et me répond que l'ut représente bien le sol; que le la représente bien le mi, mais que le si ne représente point le fa.

Eh bien, lui dis-je encore, pourquoi le si ne peut-il servir de fa? Est-il trop bas ou trop. haut ? Nouvelles comparaisons suivies de cette réponse: Il est trop haut, il faudrait le baisser. Et pourquoi, dans le premier cas, le fa ne pouvait-il servir de si? Etait-il trop haut ou trop bas?... Autres comparaisons suivies de cette autre réponse : Il était trop bas, il aurait fallu le hausser.

Je lui dis maintenant d'appliquer l'air ut si la sur ces trois syllabes sol fe mi; il le fait sans peine. C'est alors que je lui déclare que ce fe, plus haut que le fa, est ce qu'on appelle un fa dièse; et que sa propriété caractéristique, celle qui doit lui servir de définition, est de faire contre le sol le même air que fait un si contre l'ut. Mais l'élève conserverait ce nom de fe, et il ferait bien, si je ne lui disais qu'on n'a pas coutume d'employer ce nom, et qu'il faut dire fa à sa place. Il se récrie sur ce que ce n'est point un fa, et qu'on ne doit pas appeler du même nom deux choses différentes; je lui réponds que c'est l'usage, mais qu'à la vérité

l'usage n'est pas toujours raisonnable, et qu'il en voit ici un exemple en en attendant d'autres. Cette réflexion l'afflige, elle m'afflige aussi, mais qu'y faire ?... Eh bien ! s'écrie-t-il, servonsnous du nom de fe; pour nous, qu'est-ce que cela fait ? Pauvre enfant! cela fait que tu passerais à bien des yeux pour ne pas savoir la musique.

Je vais lui enseigner le si bémol. Pour cela, je lui fais chanter l'air sol fa mi sur ces trois syllabes ut se la; en même temps je lui déclare que ce se qu'il chante plus bas que le si, par les raisons qu'il a vues, est ce qu'on nomme le si bémol, et que sa propriété caractéristique, celle par laquelle on doit le définir, est de faire contre le la le même air que fait un fa contre un mi. Je le préviens, en outre, qu'au lieu de l'appeler se, il faut l'appeler si, quoique ce n'en soit pas un, mais que tel est l'usage. A ces mots, il se récrie plus fort que la première fois, disant qu'il ne pourra jamais faire un se en appelant si. Je l'encourage ; je tâche à l'y résoudre (1).

(1) C'est une chose singulière, qu'un enfant de sept à huit ans sente si bien la nécessité d'employer des noms différens pour solfier les dièses et les bémols, et que tant de maîtres ne l'aient jamais sentie. Ne serait-ce point

Il nous faut à présent convenir d'un signe pour indiquer les dièses ou les bémols sur l'échelle. Je fais faire à la baguette un petit mouvement ascendant sur le barreau où doit être le dièse, et, au contraire, un mouvement descendant sur celui où doit être le bémol; moyennant quoi tout est arrangé pour chanter toutes sortes de mélodies à dièses et à bémols, dans quelque ton que ce soit. Ce seront là bientôt nos plus importans exercices (1).:

parce que jusqu'ici on ne s'est pas occupé d'apprendre à parler la musique?........ Mais quand on ne la parle pas, comment peut-on là lire ?.... Pour moi, je n'ai jamais vu la lire à livre ouvert que ceux qui savaient la parler, c'est-à-dire, articuler des mots en exprimant des sons sans cahier sous les yeux, et j'ai vu que l'un était toujours à proportion de l'autre ; mais comme cette faculté ne vient qu'après nombre d'années, on ne peut pas dire qu'on l'ait reçue de l'enseignement usité, et l'on peut se faire à soi-même tout l'honneur de l'avoir acquise.

(1) J'avoue que ces deux petits mouvemens de la baguette ne seraient pas bien distincts pour l'élève ni bien faciles pour le maître, si le chant était un peu vîte et que l'on voulût faire chanter ainsi un élève déjà fort; mais néanmoins ils suffisent à l'enseignement élémentaire: ce qui n'empêche pas que je ne reçusse avec plaisir un perfectionnement là-dessus, comme serait, je sup

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