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Le 17 mars 1573, le roi de France écrit à son ambassadeur en Espagne « qu'il craint que si Philippe II soumet les Pays-Bas, nul n'aura la hardiesse et la puissance de s'opposer aux desseins de la maison impériale, laquelle donnera enfin la loi à toute la chrétienté. » (1) On s'explique donc la reprise des négociations entre Charles IX et les protestants des Pays-Bas, et ce, en dépit de toutes les horreurs de la Saint-Barthélemy.— Les insurgés des Pays-Bas ne s'opposèrent pas à ce que les négociations fussent renouées; et même ils allèrent jusqu'à offrir au roi de France de placer les Pays-Bas sous sa protection ou sa souveraineté. Ils stipulèrent cependant que Charles IX « permettrait la religion libre en son royaume sans cavillation, ni fraude, ou malengin. » (2) Charles IX engagea aussi des négociations avec les princes protestants d'Allemagne dans le but d'arriver à la conclusion d'un traité d'alliance contre l'empereur d'Allemagne. M. Laurent trouve «< qu'au point de vue des intérêts du protestantisme, les princes allemands auraient dû entrer dans cette alliance sans hésiter; ils auraient peut-être prévenu les horreurs de la guerre de Trente ans et le démembrement de l'Empire. » (3) · - « Philippe II intriguait en Allemagne au profit du catholicisme et de son ambition; les deux branches de la maison d'Autriche étaient solidaires, quand il s'agissait de la cause de

(1) Ibid., p. 149. (2) Ibid., p. 150. (3) Ibid., p. 152.

l'Église, et elles ralliaient toutes les forces catholiques. Il fallait prévenir cette ligue dangereuse en s'unissant pour conquérir la supériorité, ou du moins l'égalité, garantie contre toute velléité d'oppression. Les esprits prévoyants ne cessaient de prêcher la nécessité de l'union. Le roi de France proposa aux princes protestants une ligue défensive. Il s'agissait comme l'écrit son ambassadeur Schomberg à la reine-mère, « d'abju

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rer éternellement la maison d'Autriche. » Le moyen infaillible de l'affaiblir en Allemagne, était de lui enlever la couronne impériale, dont, au dire du roi de France, elle ne s'était servie « qu'à la diminution de «<l'autorité et ruine même du corps du Saint-Empire. Il représenta aux princes qu'en continuant à élire un chef dans la famille d'Autriche, la dignité impériale deviendrait héréditaire, ce qui entraînerait la ruine de la liberté allemande, tandis que l'élection d'un empereur protestant mettrait fin à cette espèce d'usurpation et assurerait sa liberté tout énsemble et la religion des réformés. Le roi s'engageait à soutenir l'élu contre l'opposition probable de l'Autriche et de l'Espagne. » (1)

Les négociations engagées entre Charles IX et les princes protestants n'eurent pas le succès qu'en espérait le roi de France. Elles échouèrent.

Henri III, en succédant à Charles IX, reprend les négociations avec les princes protestants, mais égalelement sans résultat. Les insurgés des Pays-Bas annoncèrent qu'ils étaient prêts à se soumettre au roi de

(1) Ibid., p. 152, 153.

France. C'est ce qui fait dire à l'historien de Thou que les habitants des Pays-Bas préféraient la domination de la France à celle de l'Angleterre. Quelque chose les indisposait contre les anglais, c'était l'esprit dominateur et dur de ces derniers: ils craignaient en outre de voir leur pays cédé à l'Espagne après la mort d'Elisabeth et dès l'avènement des Stuarts (1).

Le roi de France se trouva en présence du parti protestant français qui l'engageait vivement à accepter l'offre des Pays-Bas. Nous savons le sens du discours que du Plessis Mornay adressa au roi Henri III sur les moyens de diminuer l'Espagnol. L'auteur montre au cours de ce discours quelle nécessité il y avait d'établir entre les princes une juste balance de pouvoir : « Les Etats ne sont estimés forts ou faibles, qu'en comparaison de la force ou faiblesse de leurs voisins; quand ils sont parvenus à s'équilibrer, il faut maintenir cette balance, sinon le plus faible est emporté par le plus fort. Or la maison d'Autriche s'est grandement renforcée et accrue, et de réputation et de pays, pendant que la France s'est affaiblie par ses guerres civiles. Le salut de la France exige que la puissance espagnole soit abaissée. Il suffit que la France prenne l'initiative de la rupture pour que tous les Etats de la chrétienté, qui ne s'entretiennent que par contrepoids et ont la grandeur d'Espagne pour suspecte se tournent contre l'ambition déréglée de la maison d'Autriche. » (2) Henri III

(1) Ibid., p. 155.

(2) Ibid.

ne crut pas devoir prendre en considération les avis des réformés français.

Avec l'avènement de Henri IV au trône de France, la politique française prend une physionomie plus énergique. De l'avis même du roi, la lutte religieuse masque une ambition politique tout aussi grande, tout aussi dangereuse que celle de l'Eglise Romaine. Ecrivant à la reine Elisabeth, Henri IV dit : « l'alliance de Philippe II et du Pape tend à rétablir l'autorité de Rome dans tous les états chrétiens; et le roi d'Espagne, qui dès longtemps s'est imaginé la monarchie universelle de la chrétienté, veut atteindre par là au sommet de la grandeur qu'il s'est promise, sous ombre de rétablir le pape et remettre l'Eglise en son entier..... La France est le théâtre où se joue la tragédie; la ligue est aidée des deniers d'Espagne, ce sont des effets de l'alliance du Pape et des princes et Etats qui lui adhèrent,qui commencent pour nous, pour achever, si Dieu le leur voulait permettre, sur tout le reste. Tous les princes chrétiens y doivent donc ressentir leur intérêt; ils ne voudront pas rester spectateurs oiseux d'une action de laquelle le succès leur est commun, encore que les premières peines et les premiers dangers nous semblent en particulier appartenir... Le meilleur moyen est que nous avisions tous de nous unir étroitement ensemble et que nous montrions au moins autant de concorde et de liaison à notre conservation, que le Pape, le roi d'Espagne et les leurs en apportent à notre ruine. » (1) Le roi

(1) Ibid., p. 165, 166.

ajoute, «< qu'il se propose d'être le capitaine général contre l'ennemi commun. » Après avoir envoyé la lettre en question à la reine d'Angleterre, Henri IV dirige un agent diplomatique vers les provinces protestantes d'Allemagne. Son but est d'enlever la couronne impériale à la maison d'Autriche. Exposant son projet aux princes protestants, le roi de France leur propose de contribuer à la formation d'une ligue de tous les Etats réformés. Il attire leur attention sur le danger qu'il voit pour eux dans l'alliance du pape et de l'Espagne; il fait ressortir que la France est le seul obstacle que rencontrent les vues ambitieuses de Rome.

Henri IV n'ignorait pas que la grande difficulté d'une union de tous les protestants gisait dans les dissensions existant entre calvinistes et luthériens. C'est pour cette raison qu'il s'efforçait de mettre un terme à ces diversités de vues. Sur son conseil, toutes les églises protestantes se réunirent en un synode; mais luthériens et calvinistes ne consentirent pas à une réconciliation (1).

La politique de Philippe II, si menaçante pour l'équilibre des puissances, se poursuit encore après la mort du souverain. Philippe III, en succédant à son père, ourdit des intrigues en France, et même, entame des négociations avec les huguenots dans l'espoir de détruire la monarchie de Henri IV! Quant aux prétentions du père au trône d'Angleterre, le fils les affirme à nou

(1) Ibid., p. 167-169.

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