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des Italiens, nous en viendrions à bout. Si les Anglais se rangeaient de leur côté, ils ne nous inspireraient aucune crainte. Nous sommes à même de leur susciter dans les Indes des commotions, des troubles, des perturbations, des ennuis dont ils ne pourraient pas devenir maîtres.

Si une telle éventualité se produisait, nous verrions la répétition de la lutte célèbre de Rome et de Carthage. Mais l'Allemagne renoncera peut-être à son alliance avec l'Autriche, à l'appui qu'elle lui procure dans ses désirs de germaniser la presqu'île des Balkans ; elle renoncera peut-être à favoriser la division peu naturelle des sphères d'influence dans cette région entre l'Autriche, qui n'a cessé d'opprimer les Slaves, de se déclarer l'amie des Turcs, et la Russie, l'ennemie héréditaire des Turcs et la libératrice des Slaves. Nous y croyons peu cependant. Si Bismarck nous redoute, et, après s'être évertué à former une prétendue « ligue de la paix » surveille tout armé de la tête aux pieds les intérêts germano-jésuitiques, et s'évertue à entraver la solution naturelle de la question d'Orient que nous regardons comme conforme au droit international, à la justice, à l'équité, et par suite, au principe de l'équilibre international, que devons-nous dès lors attendre des autres Allemands, de ceux qui succèderont à Bismarck, de tout l'Empire d'Allemagne? L'histoire nous prouve, en effet, que les Allemands ne se sont jamais fait distinguer en politique par leur intrépidité ou par la largesse de leurs vues.

Comparons l'attitude de la Russie sur le terrain de la question d'Orient et celle de l'Allemagne depuis son unification. Voyons laquelle des deux puissances a tourné le dos au principe de l'équilibre international.

La Russie a toujours eu pour but de délivrer les Slaves du joug barbare des Turcs. Quant à l'Allemagne, depuis qu'elle a été constituée en Empire, elle n'a cessé de se déclarer contre nous, principalement dans la question d'Orient à laquelle nous attachons notre avenir. La Russie ne peut guère se désintéresser sur ce point. Renoncer à cette question, abdiquer ses droits, elle ne s'y résoudra jamais, pas plus qu'une mère n'abandonne son enfant, car ce serait la mort morale.

Le principe de l'équilibre politique réclame des groupements provisoires de puissances au nom même du droit international, car ces groupements ont pour résultat de réduire à néant tout désir tendant à la domination universelle. Mais est-ce que la Russie a fait montre dans la question d'Orient de pareilles ambitions ? Certes non; son but politique consiste à délivrer les Slaves, à créer une confédération slave, ou confédération des Balkans, sous l'influence des idées orthodoxes. Le protectorat russe ne doit pas mener à une ingérence dans les affaires intérieures des membres composant la confédération.

Les peuples qui formeront la confédération des Balkans doivent jouir de la même liberté dont les Finlandais jouissent jusqu'à présent. Seulement, au cas où il y aurait lieu pour les membres de la confédération de

se défendre contre un ennemi extérieur ou de faire cesser des troubles intérieurs, nous trouvons qu'ils doivent, avec la Russie à leur tête, se grouper en un seul corps. Ce groupement doit se faire au nom de la communauté d'idées et de sentiments qui rattache les Slaves à la religion orthodoxe, au nom aussi des pensées de charité et de pardon qui sont dans le caractère de la nation slave et président aux actions généreuses de notre Sainte-Église orthodoxe, pendant que les catholiques étalent leur exclusivisme fanatique et les protestants leur froideur spéculatrice.

Voit-on là des tendances à l'empire universel ? Où sont-elles?

Quand ces tendances existent, on groupe de force, en les menaçant, des peuples dont les vues et les aspirations sont différentes, souvent même diamétralement opposées; on les réunit non pas pour répondre à des besoins intellectuels ou moraux, mais uniquement pour la gloire de montrer sa force.

N'est-ce point là violer le principe de l'équilibre politique? De là à nos réclamations il y a tout un abîme, un abîme sans fond.

L'Allemagne d'aujourd'hui, forte de son unification, se réunit à l'Autriche pour retarder la solution naturelle de la question d'Orient; elle aspire à former dans les Balkans une puissante confédération sous l'influence austro-allemande, à enlever aux Slaves leur nationalité, à les convertir au catholicisme. Et si une telle prétention venait à se réaliser, il y aurait là une force con

sidérable, une puissance qui serait un danger pour l'équilibre international et une menace pour le droit international lui-même. Les membres d'une confédération telle que l'envisagent l'Allemagne et l'Autriche ne formeraient un tout que sous l'action constante des deux nations. Rien dans leur groupement ne prouverait qu'ils obéissent à un idéal commun, à un penchant naturel, tel que témoigne d'ordinaire l'esclave à l'égard de celui qui lui a donné la liberté. De plus, les autres puissances européennes, sans en excepter les « grandes » ellesmêmes, se trouveraient être pour ainsi dire dans un état de vassalité par suite de l'hégémonie austro-allemande dans les Balkans.

DEUXIÈME PARTIE

CHAPITRE PREMIER

NOTIONS HISTORIQUES SUR LE LÉGITIMISME.

La défense du principe subjectif du droit international, dont on avait justement cru trouver la garantie dans l'équilibre politique, parut réalisable lorsqu'on reconnut le principe du légitimisme comme devant diriger les relations mutuelles des membres de la communauté européenne. On voulut opposer au césarisme napoléonien la théorie légitimiste, c'est-à-dire la théorie de la légalité, la théorie de la succession légitime au trône, et on lui donna le caractère d'un droit divin. D'après cette théorie, le pouvoir politique doit appartenir aux dynasties qui règnent ou régnèrent dans chaque Etat d'après les lois de succession au trône; on affirmait que les différents ordres de succession ont été établis par Dieu lui-même, que tous les représentants du pouvoir suprême sont les élus de la Providence. Les chefs de la politique européenne espéraient, grâce à cette théorie, assurer la longévité de l'ordre politique.

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