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été absorbée (Poland would have been overwhelmed), ses grandes richesses seraient tombées aux mains d'une des puissances voisines; et cette puissance aurait été probablement l'empire de Russie qui de cette façon aurait acquis une prépondérance pouvant nuire au reste de l'Europe......

Mais, grâce à la jalousie nationale et à l'application rigoureuse du système politique moderne et quoique la Russie fût maîtresse en fait du royaume de Pologne, qu'elle tînt des garnisons dans la capitale de ce royaume et qu'elle gouvernât les diètes polonaises par l'intermédiaire d'un vice-roi appelé ambassadeur, elle ne put commettre d'usurpation. Malgré toutes ces circonstances favorables qui s'offraient à elle, ce ne fut pas la Russie qui proposa la première aux autres puissances de démembrer la Pologne. L'Autriche et la Prusse qui sont les ennemies naturelles de la Russie, prirent la plus grosse part du butin; et au lieu de devenir les premières victimes de la Russie agrandie, elles accrurent leurs forces comme cette dernière et purent ainsi opposer une résistance à l'extension de la puis

sance russe.

Aussi il y a exagération à présenter le partage de la Pologne comme un exemple de l'application du système de la balance du pouvoir, comme le font les hommes d'État prussiens, de même qu'il est erroné d'affirmer que ce partage prouve l'inefficacité de ce système.

« Le démembrement de la Pologne s'explique par la situation anormale de ce pays à la suite de désordres,

S. I.

d'humiliations et d'oppressions, de façon que tout changement survenu ne pouvait rendre cette situation plus critique. Si un observateur clairvoyant fait abstraction de toute phrase sonore sur le patriotisme et sur l'esprit national, s'il oublie un moment les sentiments de respect et de commisération que lui inspire l'état pitoyable de la Pologne, il verra certainement que des siècles de servitude avilissante ont rendu les paysans polonais (the polish boors) peu propres à jouir des droits accordés aux sujets libres (free subjects), que la vie des autres classes de la nation, consacrées soit à des discussions orageuses en public, soit à des orgies bruyantes les avait mises dans l'impossibilité de prendre part à l'élaboration d'une constitution uniforme et forte; qu'enfin ce partage a été un évènement heureux pour ce beau pays, bien qu'il ait été critiqué par des personnes qui n'en avaient pas compris la nécessité, parce qu'elles n'en attendaient aucun avantage. Or, cet avantage consistait dans le partage de la Pologne par les seuls moyens efficaces, c'est-à-dire par le morcellement de ce pays entre les puissances voisines et rivales, et ce, sans porter atteinte à la sincérité des autres puissances européennes ». (1)

Lorsque se forma la première coalition contre la France (1792), le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II,

(1) V. The Edinburgh Review or Critical Journal » for Oct. 1802. Jan. 1803. Sixth edit., vol. I, Edinburgh, London, 1088, p. 349-351.

l'un des membres de cette coalition, fit un manifeste en date du 25 juin 1792 dans lequel il invoqua, entre autres motifs, celui de maintenir l'équilibre européen comme s'il s'agissait d'une des causes de la guerre. «Il n'était aucune puissance intéressée au maintien de l'équilibre de l'Europe, à laquelle il pouvait être indifférent de voir le royaume de France, qui formait jadis un poids si considérable dans cette grande balance, livré plus longtemps aux agitations intérieures et aux horreurs du désordre et de l'anarchie, qui avaient, pour ainsi dire, anéanti son existence politique. » (1) Ainsi qu'on le sait, les résultats de la première coalition ne furent pas heureux pour les alliés. « D'ailleurs, se pouvait-il qu'une coalition réussit entre puissances chez lesquelles était restée vivace la haine qu'avaient fait naître les guerres de Silésie et de Sept Ans. Chaque puissance suivait avec une attention soutenue les faits et gestes de son alliée, de peur qu'elle ne s'appropriât quelque butin et quelle ne devînt plus forte, elle apprenait avec plaisir ses défaites et avec regret ses succès. Tout en protégeant l'Allemagne contre les attaques des Français et tout en faisant partie malgré elles de la coalition, l'Autriche et la Prusse ne songeaient pas à la guerre contre les Français, mais bien à la surveillance que chacune d'elles devait exercer sur l'autre, afin d'empêcher que l'une ne s'enrichisse aux dépens de l'autre, ces deux puissances s'étaient entendues au

(1) V. Wheaton, op. cit., t. II. p. 12.

préalable sur le partage des biens provenant de la guerre. C'est ainsi que l'Autriche prenait la Bavière au lieu des Pays-Bas qu'elle ne désirait pas posséder; la Russie gardait pour elle les provinces polonaises qui lui revenaient du second partage. C'est à contre cœur que cette dernière puissance accepta une pareille transaction, car elle estimait que la part que l'Autriche s'était appropriée était plus grande que la sienne.

Les coalitions, même entre puissances amies, ne sont fructueuses qu'à condition d'être bien établies dès le début, et les coalisés doivent marcher droit devant eux sans se soucier de jeter des regards de côté et attendre la fin de l'entreprise commencée d'un commun accord pour régler leurs intérêts; par suite du caractère obligatoire de ces considérations il est compréhensible que la coalition austro-prussienne n'ait pas eu de succès. Le partage du butin fut un sujet de querelle pour ces alliés d'un jour: l'Autriche traita la Prusse en ennemie lors du deuxième partage de la Pologne; c'est ainsi qu'elle s'opposa à ce que cette puissance acquît immédiatement les provinces polonaises; vu qu'elle ne devenait plus forte que dans quelque temps par l'échange de la Belgique contre la Bavière; quant à la Prusse, elle ne voulait pas que l'Autriche prît part au troisième partage de la Pologne. La coalition présentait ainsi le spectacle d'une lutte perpétuelle entre ceux qui y avaient pris part. En 1795 la Prusse conclut isolément la paix de Bâle avec la France, en sacrifiant les intérêts de l'Allemagne et les

ministres s'exprimèrent en ces termes à Berlin: «< Le plus tôt possible et avec tous les sacrifices possibles, nous devons conclure une paix avec la France. Ce qui est le plus mauvais, c'est que nous devons tout autant craindre une victoire de nos alliés, qu'un triomphe de nos ennemis. Chaque succès de l'Autriche contre les Français est un pas vers notre ruine ».

L'Autriche restait donc seule; et la laisser dans cette situation, c'était l'abandonner à la France et favoriser les succès des entreprises de cette dernière puissance en Europe. C'était à la Russie et à l'Angleterre qu'il appartenait désormais d'empêcher cet état de choses. de se produire et de mettre l'Europe à l'abri de l'hegémonie française. A ce moment ces deux nations comprenaient bien que leurs intérêts capitaux étaient intimement liés à l'accomplissement de cette mission. En Angleterre, il pouvait y avoir des gens disposés à dire : pourquoi nous mêler des affaires du continent, la mer nous protégera contre le danger des projets de conquête en Russie, quelques-uns tenaient le même langage et ajoutaient : la France est éloignée de nos frontières et ne peut nous attaquer, pourquoi lui ferions-nous la guerre en nous mêlant des affaires des autres. Mais les esprits politiques anglais et russes ne pouvaient admettre une manière de voir aussi bornée, car des distances plus grandes que celle qui sépare la France de la Russie n'ont pas préservé des pays de l'invasion des conquérants; puis, en politique la sagesse des nations veut qu'on prévoie le danger quand il n'est qu'à l'état embryonnaire,

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