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la nécessité seule ait le droit de soulever. Je suis prêt, pour ma part, à me conformer aux conseils de la prudence; je suis prêt à me taire : mais, c'est à cette condition pourtant, qu'on ne voudra pas me contraindre à approuver par ma parole, à tolérer par mon silence, à sceller du sang de mes concitoyens, des maximes de pure servitude. Car, enfin, ce droit de compter sur soimême, et de mesurer son obéissance sur la justice, la loi et la raison; ce droit de vivre et d'en être digne, c'est notre patrimoine à tous; c'est l'apanage de l'homme qui est sorti libre et intelligent des mains de son créateur: c'est parce qu'il existe imprescriptible, inexpugnable au dedans de chacun de nous, qu'il existe collectivement dans les sociétés; l'honneur de notre espèce en dépend. Les plus beaux souvenirs de la race humaine se rattachent à ces époques glorieuses où les peuples qui ont civilisé le monde, et qui n'ont point consenti de passer sur cette terre en s'ignorant eux-mêmes, et comme des instruments inertes dans les mains de la Providence, ont brisé leurs fers, attesté leur grandeur morale et laissé à la postérité de magnifiques exemples de liberté et de vertu. Les plus belles pages de l'histoire sont consacrées à célébrer ces généreux citoyens qui ont affranchi leur pays. Et lorsque des hauteurs où cette pensée nous transporte, on abaisse ses yeux sur l'état actuel de l'Europe; lorsqu'on songe que ce sont ces mêmes cabinets que nous avons vus pendant trente ans si complaisants envers tous les gouvernements nés de notre révolution, qui ont successivement traité avec

la Convention, recherché l'amitié du Directoire, brigué l'alliance du dévastateur du monde, lorsque l'on songe que ce sont ces mêmes ministres que nous avons vus si empressés aux conférences d'Erfurth, qui viennent maintenant, gravement, de leur souveraine science et pleine autorité,flétrir de noms injurieux la cause pour laquelle Hampden est mort au champ d'honneur, et lord Russell sur l'échafaud, en vérité, le sang monte au visage. On est tenté de se demander: Qui sont-ils, enfin, ceux qui prétendent détruire ainsi, d'un trait de plume, nos vieilles admirations, les enseignements donnés à notre jeunesse, et jusqu'aux notions du beau et du juste? A quel titre oseraient-ils nous dire, comme le pontife du Très-Haut disait au Sicambre qui s'est assis le premier sur le trône des Gaules: Brûle ce que tu as adoré, adore ce que tu as brûlé? » (1)

Les propositions du gouvernement furent votées par la Chambre des Pairs à la majorité de cent douze voix contre soixante-six.

Le sept avril les troupes françaises sous les ordres du duc d'Angoulême passèrent la rivière-frontière, la Bidassoa. Elles ne rencontrèrent une sérieuse résistance qu'en Catalogne. Le 24 mai le duc d'Angoulême entrait à Madrid. Les Cortès s'éloignèrent avec le roi, d'abord à Séville, puis à Cadix. Le roi ne quitta pas Madrid volontairement. Le 16 août, le duc d'Angoulême commença le siège de Cadix; dans la nuit du 30 au 31 août

(1) V. Duvergier de Hauranne, t. VII, p. 338 341.

les Français prirent le fort du Trocadéro. Le 31 août le fort Louis tomba; le 1er septembre ce fut le tour du fort Matagorda. Mais la capitulation de Cadix n'eut lieu qu'à la fin de septembre, parce que les Français s'étaient décidés à épargner la ville pour ne pas exposer le roi à la vengeance des révolutionnaires.

CHAPITRE II

LE LÉGITIMISME CONSTITUTIONNEL ET LE CONGRÈS

DE VIENNE.

Nous trouvons la justification théorique du légitimisme constitutionnel de Talleyrand dans sa « Correspondance avec le roi Louis XVIII. »

Talleyrand fait observer que : «< avec cette disposition qui se montre aujourd'hui chez tous les peuples, et dans un temps où l'on discute, où l'on examine, où l'on analyse tout, et surtout les matières politiques, on se demande ce que c'est que la légitimité, d'où elle provient, ce qui la constitue.

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Lorsque les sentiments religieux étaient profondément gravés dans les coeurs et qu'ils étaient tout-puissants sur les esprits, les hommes pouvaient croire que la puissance souveraine était une émanation de la Divinité. Ils pouvaient croire que les familles que la protection du ciel avaient placées sur les trônes, et que sa volonté y avaient longtemps maintenues, régnaient sur eux de droit divin. Mais dans un temps où il reste à peine une trace légère de ces sentiments, où le lien de la religion, s'il n'est rompu, est au moins bien relâché,

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on ne veut plus admettre une telle origine de la légitimité. Aujourd'hui, l'opinion générale, et l'on tenterait vainement de l'affaiblir, est que les gouvernements existent uniquement pour les peuples; une conséquence nécessaire de cette opinion, c'est que le pouvoir légitime est celui qui peut le mieux assurer leur bonheur et leur repos. Or, il suit de là que le seul pouvoir légitime est celui qui existe depuis une longue succession d'années, et en effet, ce pouvoir, fortifié par le respect qu'inspire le souvenir des temps passés, par l'attachement qu'il est naturel aux hommes d'avoir pour la race de leur maître, ayant pour lui l'ancien état de possession, qui est un droit aux yeux de tous les individus, parce qu'il en est un d'après les lois qui régissent les propriétés particulières, livre plus rarement qu'aucun autre le sort des peuples au funeste hasard des révolutions; c'est donc celui auquel leurs plus chers intérêts leur commandent de rester soumis. Mais si l'on vient malheureusement à penser que les abus de ce pouvoir l'emportent sur les avantages qu'il peut procurer, on est conduit à regarder la légitimité comme une chimère.

«Que faut-il donc pour donner aux peuples la confiance dans le pouvoir légitime, pour conserver à ce pouvoir le respect qui assure la stabilité ? Il suffit, mais il est indispensable, de le constituer de telle manière que tous les motifs de crainte qu'il peut donner soient écartés.

« Il n'est pas moins de l'intérêt du souverain que de l'intérêt des sujets de le constituer ainsi; car le pou

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