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multiplier des sécurités d'interprétation superflues, que cette mention nullement nécessaire mais jugée opportune par eux ait été délaissée. Mais de là à conclure que le fond même de notre Constitution internationale ait été altéré, alors surtout que des éléments plus que compensateurs y ont été surajoutés, il y a un abîme. De telles inductions sont manifestement téméraires. En supposant même -- hypothèse gratuite que des intentions restrictives aient été nourries dans cet ordre par telle ou telle Puissance, encore demeure-t-il vrai qu'elles ne se sont point traduites d'une manière juridiquement obligatoire. De telles vues ne peuvent prévaloir contre la puissance irréfragable d'un texte dont la clarté se suffit à elle-même, et que la Belgique est d'autant plus autorisée à admettre dans sa teneur propre et avec son sens naturel qu'il lui a été dicté sans commentaires. Peut-être, d'ailleurs, le texte qui associe à la neutralité l'indépendance pour les couvrir ensuite l'une et l'autre de la garantie, n'est-il pas étranger aux suggestions de la diplomatie belge? Nous avons, en effet, observé que la partie finale de la note des plénipotentiaires belges remise à la Conférence le 30 septembre 1831, immédiatement avant la rédaction du projet de Traité hollando-belge des XXIV articles, est ainsi conçue : « Reste l'indépendance et la neutralité de la Belgique dont la reconnaissance, déjà effectuée, devra cependant être placée en tête du traité (1). »

(1) Voyez supra, p. 212.

$4. LA NATURE DE LA GARANTIE. LE MODE D'ACTION

AUXILIAIRE QUI LA CARACTÉRISE.

Dans la Constitution internationale de la Belgique, la garantie n'est pas appelée à faire échec à l'indépendance. Elle constitue au contraire un moyen efficace, encore que subsidiaire, de sauvegarder en la respectant cette indépendance, ainsi que la neutralité qui s'y rattache.

Elle n'implique ni le devoir ni le droit de se substituer complètement à l'État garanti dans la réalisation du résultat à obtenir. Elle n'a nullement le caractère d'une tutelle dispensant cet État du soin d'agir par luimême. Elle ne pénètre pas, comme le protectorat, dans la souveraineté d'un autre État. Elle ne porte aucune atteinte à l'autonomie, à l'initiative propre dans l'ordre des fonctions appropriées à l'objet de la garantie.

L'expression << faire respecter l'indépendance et la neutralité » est équivoque et ne traduit pas exactement la mission des garants. Ceux-ci ne sont point les procurateurs immédiats et à titre principal d'une sécurité à ménager au neutre par des moyens purement étrangers; ils sont les auxiliaires d'une insuffisance envisagée comme éventuellement possible et comme obligatoirement secourable.

La garantie est uniquement dirigée contre l'attitude de Puissances étrangères qui apporteraient à la possession des biens garantis un trouble nécessitant une aide justifiée par la réelle faiblesse comparative de l'État garanti, et par la faiblesse artificielle qui résulte pour lui de l'impuissance où il est placé de chercher dans des alliances quelque adjuvant de son isolement.

La garantie a donc le caractère d'un moyen auxiliaire de sûreté appelé à seconder, non à primer, les efforts effectifs de l'État garanti.

Devant une agression hors de proportion avec les moyens de résistance de l'État garanti, il peut se faire que la garantie soit due par le fait même et sur-lechamp, comme condition même de son efficacité.

Il peut arriver encore qu'au moment du danger, pour éviter des retards ou des complications, les garants prennent une attitude qui semble les mettre à certains égards au premier plan dans la procédure de sauvegarde. Le cas s'est présenté, comme nous l'avons observé, en 1870, lorsque l'Angleterre prit en mains les intérêts de la Belgique menacée dans son status international. Mais dans ce cas encore, l'action des garants garde au fond un caractère auxiliaire. Ce point de vue a été sauvegardé de la part des garants contractants comme de la part de la Belgique, lors des événements que nous venons de rappeler.

§ 5. LA TENEUR DE LA GARANTIE. LES MOYENS D'ACTION QU'ELLE COMPREND.

Que la garantie comporte l'emploi de tous les moyens dont peut se servir la main de velours de la diplomatie, cela est d'évidence. Qu'elle comprenne en outre les moyens que peut être amenée à mettre en œuvre la main de fer de la force coercitive, cela est aussi manifeste.

Et par emploi de la force, il faut entendre ici non seulement les voies de fait compatibles avec l'état de paix, dont le droit des gens admet l'usage, mais la contrainte exercée jusqu'à la prise à partie guerrière. En effet,

l'efficacité de la garantie à laquelle les Puissances ont entendu donner un caractère absolu comme instrument suprême de sécurité de l'État neutralisé, peut dépendre d'une telle prise à partie. Le recours aux armes, dit à ce propos M. Léon Arendt, est la ressource suprême et nécessaire.

Suprême, parce que l'obligation du garant peut s'accomplir aussi par le moyen de bons offices, d'un concours bienveillant et pacifique, sans qu'on doive fatalement et en toute circonstance user de la force. Nécessaire, parce que ces moyens d'action, qui souvent arrivent à leur but plus vite et mieux que des mesures de violence, seraient dépourvus de toute autorité, si l'on s'interdisait de les sanctionner par la guerre (1).

Les instaurateurs de la loi internationale sous laquelle vit la Belgique ont donc entendu qu'en toute éventualité force restât à cette loi.

Et c'est ainsi, remarquons-le, que la clause de garantie a été interprétée en fait.

Les traités de 1832 et ceux de 1870 accusent cette conséquence comme une déduction autorisée, irréfragable. Et nous avons vu encore que lors du Traité de Londres de 1867 concernant le Luxembourg, la Belgique, de l'accord des Puissances, a cru devoir décliner toute garantie précisément à raison de cette conséquence extrême placée en perspective.

Le caractère soit collectif, soit individuel de la garantie n'affecte pas en soi la teneur de l'engagement au point de vue qui nous occupe.

La thèse contraire a été mise en avant au Parlement

(1) LÉON ARENDT, Notre neutralité, p. 22.

anglais lors d'une discussion touchant les devoirs assumés par l'Angleterre en garantissant la neutralité luxembourgeoise.

Une telle garantie (la garantie collective), disait, le 14 juin 1867 à la Chambre des Communes, Lord Stanley, a évidemment le caractère d'une sanction morale des arrangements qu'elle sauvegarde, plutôt que celui d'une obligation éventuelle de faire la guerre; elle donnerait sans nul doute un droit de faire la guerre, mais n'en imposerait pas nécessairement l'obligation.

En d'autres termes, l'Angleterre peut toujours se dégager en évoquant le conflit devant le tribunal des grandes Puissances, sans être obligée en aucun cas d'user de moyens coercitifs.

Mais les discussions qui ont précédé et accompagné la rédaction de l'article 2 du Traité du 11 mai 1867 ne sont pas favorables à pareille interprétation, qui fut d'ailleurs accueillie par d'unanimes protestations. Dans un discours prononcé, le 24 septembre 1867, à la Diète de l'Allemagne du Nord, M. de Bismarck exposa comme suit la manière de voir de son Gouvernement :

En échange de la forteresse du Luxembourg, nous avons obtenu une compensation consistant dans la neutralisation du pays et dans une garantie qui se maintiendra — je garde cette conviction malgré toutes les chicanes le jour de l'échéance suprême. Au point de vue militaire, cette garantie constitue pour nous une entière compensation pour le droit de garnison auquel nous avons renoncé.

On peut certes concevoir qu'une Puissance, soit dans le cas où elle est seule garante, soit lorsqu'il y a pluralité de garants, limite sa garantie au point de réserver à cer

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