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divisément par ses prédécesseurs princiers, se traduit en fait par une direction politique unique adaptée à un intérêt d'ensemble, et harmonisée avec la part variable d'intervention que les constitutions des diverses principautés ont conservée aux gouvernés dans l'exercice de la puissance publique.

Toute limitée qu'elle demeurât en fait et en droit à ce dernier point de vue, l'association politique qui reliait entre elles nos anciennes provinces dans la personne d'un chef unique ne conserva point cependant le simple caractère d'un événement historique, accidentel de sa nature. Elle prit le caractère d'une communauté permanente et juridique, constitutionnellement reconnue comme telle par les éléments qui la composaient en vertu de leur adhésion à la Pragmatique; ayant pour objectif un nombre très saisissable, quoique restreint, d'intérêts d'ensemble, tels que la défense commune; longtemps accusée, quant à l'exercice de la fonction gouvernementale dans cet ordre, par l'action combinée du Prince et des États Généraux. Sans confisquer l'individualité des principautés, cette communauté devint le support naturel d'une personnalité collective propre appelée à prendre position dans le monde des États. C'est ainsi que considéré dans sa vie de relation avec les autres sociétés

politiques, le type d'État constitué par nos anciennes provinces offre le caractère d'une personne de droit international, nettement distincte des autres souverainetés de droit des gens, encore que rattachée à certaines d'entre elles par des liens de droit public dont nous préciserons bientôt la teneur et la portée.

3. La Constitution historique de la patrie.

Vers la fin de son règne, Philippe le Bon avait réuni dans sa personne les titres de duc de Bourgogne, de Lothier, de Brabant et de Limbourg, comte de Flandre et d'Artois, palatin de Hainaut, de Hollande, de Zélande et de Namur, marquis du Saint Empire, seigneur de Frise, de Salins et de Malines. L'histoire nous a conservé, sous la forme d'avis d'un conseiller du grand Duc, un document que l'on a pu appeler le programme d'un gouvernement constitutionnel en Belgique au XVe siècle. Le prince devait «< assembler selon l'usance et manière de ses pays les notables tant d'église, nobles comme bonnes villes », leur demander les ressources nécessaires à la création d'une armée permanente, leur exposer « qu'il est à tout conclu et délibéré de ce jour en avant de se gouverner par conseil esleu, par raison et justice, et espargnier et défendre son peuple comme bon prince droiturier est tenu de faire ». Le prince devait assurer la fidélité des membres de ce conseil en leur faisant prêter le serment de n'avoir égard à aucune considération étrangère à l'État. Ils seraient au surplus justiciables des États du pays (1). Ce plan fut loin d'être suivi par Philippe le Bon et surtout par Charles le Témé

(1) BULL. DE L'ACAD. ROY. DE BELGIQUE, 2e sér., t. XIV, pp. 218 et suiv. Voy. QUOIDBACH, Mémoire historique sur la persistance du caractère national des Belges, couronné par l'Académie, 1877, p. 75.

raire. Le duc Philippe convoqua cependant, en 1463, à Bruxelles, les États Généraux de tous ses pays, pour assurer l'intégrité de sa succession à son fils et pour obtenir une aide destinée à soudoyer une armée qu'il envoyait en France.

A la mort de Charles le Téméraire, les États Généraux, convoqués par Marie de Bourgogne, exercèrent en réalité le pouvoir souverain, ordonnèrent qu'il fût levé des troupes, envoyèrent des ambassadeurs à Louis XI et se firent concéder le Grand Privilège de 1477, premier acte constitutionnel concernant l'ensemble des provinces. C'est de cette époque que datent également les premiers privilèges collectifs des États de Flandre, de Hollande, du Namurois et pour les États de Brabant une Joyeuse Entrée plus développée que les précédentes : actes constitutionnels où s'accuse une réaction particulariste provoquée par les procédés de la Maison de Bourgogne tendant à réaliser l'unité politique par la prépondérance absolue de la prérogative du prince.

Sous les règnes de Maximilien et de Philippe le Beau, les États Généraux furent assez souvent réunis, sur convocation du prince, pour discuter les plus grands intérêts du pays; et pendant la minorité de Charles-Quint leur influence ne fit que s'accroître. « Les actes des États Généraux de Belgique se rattachent pendant deux siècles à tous les grands événements de son histoire, à toutes les questions importantes de son droit public; on y voit les mandataires de la nation statuer sur la régence du pays, sur la tutelle du prince et son émancipation, participer à la confection des lois, intervenir, avec l'assentiment des souverains, dans les négociations diplomatiques,

décider quelquefois de la paix ou de la guerre, et toujours des charges à lever sur le peuple (1). »

Achevant l'œuvre de Philippe le Bon touchant la concentration sous un même sceptre des XVII provinces appelées à former les Pays-Bas, Charles-Quint a marqué cette œuvre du sceau de son puissant génie.

La Pragmatique de 1549 érigea en loi fondamentale, avec le consentement des États, l'indivisibilité des pays de par deçà, et fixa pour tous un mode uniforme de succession dynastique. « Nous avons considéré qu'il importait grandement à nosdits pays, pour l'entière sûreté et établissement d'iceulx, qu'à l'avenir ils demeurassent toujours sous un mème prince, pour être tenus en une masse; car s'ils venaient à tomber en diverses mains par droit de succession héréditaire, ce serait leur évidente éversion et ruine. En effet, ils se trouveraient démembrés et séparés les uns des autres, leurs forces seraient affaiblies et diminuées; et leurs voisins seraient plus encouragés à les molester. Il sera obvié à cet inconvénient si nosdits pays sont toujours possédés par un seul prince

et tenus en une masse. >>

Dès avant la publication de cet Acte célèbre, les ordonnances du 1er octobre 1531 avaient donné une forme stable au fonctionnement du gouvernement central par l'institution des trois conseils collatéraux appelés à assister le gouverneur général dans l'exercice de ses attributions le Conseil d'État s'occupant des « grandes et principales affaires, de celles qui concernent l'état, con

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(1) GACHARD, Des anciennes assemblées nationales de la Belgique (REVUE DE BRUXELLES, 3° année, pp. 20 et 93). JUSTE, Histoire des États Généraux de Belgique.

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duite et gouvernement du pays »; en d'autres termes, des questions concernant la direction générale de l'État, les relations extérieures, l'état militaire et la nomination aux principales fonctions; le Conseil privé, s'occupant des « affaires de la suprême hauteur et souveraine autorité du prince, choses procédant de grâces, tant en civil qu'en criminel, qui étaient par dessus les termes, train et cours ordinaires de la justice », sans qu'il pût s'entremettre dans les questions dont la connaissance appartenait aux tribunaux; — le Conseil des finances, appelé à intervenir dans tout ce qui concernait les revenus royaux et les dépenses auxquelles ils étaient destinés à faire face. Organisation si bien en harmonie avec les besoins et l'esprit de la nation qu'elle subsistait encore au moment de l'invasion française en 1794.

De nombreux États Généraux tenus sous le règne de Charles-Quint nous montrent d'autre part ce prince entouré des représentants des diverses parties du pays et communiquant périodiquement avec eux.

Et c'est encore le grand monarque flamand qui, réglant les rapports de ses « pays d'en bas» avec l'Empire, consigna, dans l'Acte même qui tendait à ménager à ces pays la protection du corps germanique, une énergique affirmation de la personnalité indépendante de nos provinces. <«< Nos pays dembas... seront et demeureront perpétuellement pays et principautés entièrement francs et non sujets; et par nous comme empereur et par tous autres futurs empereurs et rois des Romains, aussi par les Électeurs, princes et États du Saint Empire seront reconnus pour pays, principautés, et supériorités francs et non sujets. » Insistons brièvement sur ce point remarquable de droit public.

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