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Solis fut forcé de se réfugier dans cette ville. Le général Concha, profitant de son premier succès, pénétra de vive force dans Santiago et remporta une victoire complète sur les insurgés. Un grand nombre de rebelles furent mis hors de combat. Le commandant de Solis, deux autres chefs de l'insurrection, 54 officiers et 1500 insurgés, presque tous soldats des divers corps de l'armée, tombèrent au pouvoir des troupes de la reine. La plupart des officiers prisonniers avaient servi dans le régiment de Luchana ou dans les corps privilégiés d'Espartero.

Cette victoire, remportée le 27 mars par le général Concha (1), arrèta le mouvement insurrectionnel de la Galice. Les villes prononcées ne purent tenir contre les forces du gouvernement, et le dernier acte qui parut nécessaire pour faire rentrer la province dans le devoir fut l'exécution du commandant de Solis et de 18 autres officiers, faits prisonniers à Santiago, qui furent passés par les armes.

Mais on comprit bien vite que la clémence était ici plus utile que la rigueur. Un décret d'amnistie fut publié le 1er mai : il y était accordé grâce de la vie à ceux des rebelles qui pourraient être encore condamnés à la peine capitale par les conseils de guerre devant lesquels ils seraient traduits.

Un bando, dont la violence contrastait singulièrement avec cette attitude clémente du gouvernement, avait été publié au commencement de l'insurrection par le général Balboa, gouverneur de Madrid sous le dernier ministère Narvaez, et placé récemment à la capitainerie générale de la Vieille-Castille. La peine de mort, sans aucune forme de procès, y était portée contre toute personne soupçonnée de pactiser avec la révolte. L'atrocité de ce décret fit révoquer immédiatement de ses fonctions celui qui l'avait rendu. Quant au général don José de la Concha, il fut promu au grade de lieutenant général.

Tant qu'avait duré l'insurrection, on n'avait pu exiger du

(1) Don José: son frère, également général, se nomme don Manoel de la Concha.

ministère Isturitz des actes qui donnassent une mesure de ses intentions politiques; mais, la révolte une fois comprimée, il lui fallait montrer ce qu'il voulait faire. L'usage fait par lui, dans les premiers jours de son existence, du décret rendu par le ministère Narvaez contre la presse périodique, c'est-à-dire la suppression d'un journal, el Clamor publico, avait pu faire douter que rien fat changé en Espagne; mais, le 3 mai, le décret fut révoqué, et la presse retrouva ses garanties.

Une mesure non moins importante et que réclamait vivement l'opinion publique, c'était la conyocation des cortès: c'était là le seul moyen de rassurer les esprits et de démentir les bruits d'une crise nouvelle qui commençaient à se répandre. Mais lą convocation des anciennes cortès était impossible; le ministère ne pouvait prétendre à y rencontrer une majorité suffisante. Aussi, par une circulaire aux chefs politiques, relative à la formation des listes électorales, le ministre de l'intérieur annonça clairement que l'intention du cabinet était de dissoudre le congrès et de procéder à des élections générales.

Ce ne fut pas sans appréhensions que les amis de la paix virent un cabinet aussi faible chargé de présider au renouvellement de l'assemblée élective, et on put douter que des élections nouvelles sortit une forte majorité gouvernementale.

Les progressistes paraissaient, cette fois, décidés à prendre part aux élections. La fraction puritaine, sous la direction de M. Pacheco, se montrait surtout préoccupée de la prochaine lutte électorale; elle publia son manifeste, document important, dans lequel se trouvait une phrase sur la question du mariage de la reine.

Cette question venait, par un incident étrange, de prendre une face nouvelle. On se rappelle la protestation faite par une fraction du parlement contre l'éventualité d'une alliance avec le comte de Trapani. Une déclaration personnelle de la reine-mère, en réponse à quelques paroles prononcées par M. Thiers à la Chambre des députés de France, établit que la candidature du prince napolitain n'était pas une inspiration personnelle de

Marie-Christine. Cette déclaration eut pour effet de détruire en grande partie les chances qu'avait pu avoir jusqu'à présent cette alliance, et de rendre inutile la mission spéciale donnée dans ce but au prince de Carini par la cour de Naples. L'Espagne aurait au moins recueilli de ces négociations infructueuses la reconnaissance de son nouvel État par le roi des DeuxSiciles.

En même temps, la mort du pape Grégoire XVI fit craindre pour l'avenir des difficultés nouvelles dans la question des rapports avec le saint-siége. Malgré l'insuccès partiel des démarches de M. Castillo y Ayenza, ambassadeur espagnol à Rome, le pontife avait montré dans les derniers temps une véritable bienveillance envers l'Espagne, et il était à craindre qu'on ne trouyat pas des dispositions aussi favorables chez son successeur encore inconnu.

Déjà le saint-père avait fait un pas significatif dans cette voie de conciliation par l'envoi des bulles adressées aux évêques préconisés à Rome pour les possessions espagnoles d'outremer (10 janvier). Ces bulles étaient conçues dans les mêmes termes que celles qui étaient délivrées sous le règne de Ferdinand VII (1).

Gependant l'interrègne parlementaire se prolongeait. Les élections annoncées depuis longtemps étaient toujours reculées. Déjà des germes de dissolution se faisaient sentir dans l'administration, à laquelle les qualités réelles de M. Isturitz n'apportaient aucune force et n'assuraient aucun avenir. On commençait à regretter la direction violente, mais énergique, du ge

(1) Il y était dit, en parlant du patronage: Quæ de jure patronatus Hispaniarum regis catholici ex privilegio apostolico quo non est hactenus in aliquo derogatum fore dignoscitur... Et plus bas, en parlant de la présentation, Sa Sainteté s'exprimait en ces termes : Quemque carissima in Christo filia nostra Isabella, hoc nomine secunda, Hispaniarum regina, vigore privilegii præfati nobis ad hoc per suas litteras præsentavil. Et encore: Majestatem tuam regiam rogamus et hortamur.

néral Narvaez. Quels que fussent les défauts du duc de Valence, il n'en était pas moins vrai que, dans ses mains, le pouvoir avait été éminemment national. Ses résistances aux influences de la politique étrangère, sa volonté forte d'établir la discipline dans l'armée, avaient incontestablement consolidé le trône d'Isabelle II. Sous son administration, avait été présenté aux cortès le premier budget normal, et l'assiette des impôts avait été, pour la première fois, fixée d'une manière permanente et équitable, tandis que jusque-là l'administration des finances n'avait offert que le spectacle du gaspillage et de l'arbitraire. Sans doute, une grande partie de cette gloire revenait aux lumières et à la haute probité de M. Mon; mais il était juste de dire que le duc de Valence avait personnellement contribué à affranchir le gouvernement du joug des financiers. Il avait réussi à rétablir le crédit espagnol, si fortement ébranlé sous la régence, que personne ne voulait prêter au gouvernement les sommes les moins importantes. Sous le cabinet du général Narvaez, la banque de San-Fernando avait avancé au trésor tout l'argent dont il avait eu besoin. Quelques mois avant la retraite du duc, le gouvernement ayant annoncé un emprunt de 200 millions de réaux, destiné à l'établissement des voies de communication, les premières maisons de banque s'étaient disputé l'adjudication de cet emprunt. Les nouvelles entreprises industrielles avaient été favorisées; une grande quantité de capitaux étrangers avait été engagée dans les chemins de fer de l'Espagne. Enfin, le crédit public et le crédit privé avaient semblé renaître.

C'est au moment où la situation du cabinet Isturitz semblait le plus compromise par ces souvenirs et par le contraste de sa propre impuissance, qu'un événement inattendu vint consolider quelque temps ce ministère, en ouvrant pour l'Espagne une ère nouvelle de tranquillité et de stabilité future. Un décret, publié en date du 29 août, convoqua les cortès à l'occasion du mariage de S. M. la reine Isabelle II et de S. A. R. l'infant don Francisco de Asis, duc de Cadix. Ainsi était résolue une des

plus graves questions qui pussent peser sur l'avenir de l'Espagne. Par cette alliance, qui rentrait essentiellement dans les conditions reconnues par tous les hommes d'État nécessaires au bonheur de l'Espagne et à la paix du monde, le droit de succession était garanti aux descendants de Philippe V. Désormais aucun obstacle ne s'opposerait plus au rétablissement des bons rapports entre la cour de Madrid et les autres cours de l'Europe, et les dangereuses espérances des partis extrêmes seraient anéanties.

En même temps que ce mariage, fut arrêté celui de l'infante dona Luisa avec le duc de Montpensier.

La simultanéité de ces deux alliances attirait nécessairement l'attention sur le rôle qu'avait joué la France dans les négociations préparatoires, et sur l'influence qu'elle serait appelée à exercer désormais sur l'Espagne. On se demandait aussi quelle était, sur ces résolutions si graves, la pensée de l'Angleterre.

La réponse à ces questions fut dans deux notes extra-officielles adressées par M. Bulwer, ministre plénipotentiaire de Sa Majesté Britannique en Espagne, à M. Isturitz. Le mariage de la sœur de Sa Majesté avec un fils du roi des Français y était, de la part de M. Bulwer, l'objet d'observations et de réserves. Quoique l'attitude prise par le représentant de l'Angleterre fut toute personnelle, il n'en était pas moins évident que le cabinet de Saint-James allait regarder l'alliance projetée entre l'Espagne et la France comme un échec pour sa politique.

Le 14 septembre, fut ouverte la session des cortès à Madrid. M. Isturitz lut successivement aux deux chambres le message annonçant les intentions de Sa Majesté.

M. Orense ayant demandé si le mariage de l'infante avec le duc de Montpensier devait avoir lieu immédiatement, ou s'il devait être ajourné jusqu'à ce que la reine eût donné des héritiers directs à la couronne, M. Isturitz répondit que les deux mariages seraient célébrés en même temps.

Là se borna la discussion. Les deux adresses furent rédigées Ann. hist pour 1846.

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