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HONGRIE.

La Hongrie ressentit profondément le contre-coup de l'explosion qui avait éclaté en Gallicie. Déjà, en 1830, une conflagration avait été imminente. Les comitats limitrophes de la Gallicie n'avaient été contenus qu'au moyen des mesures les plus énergiques. Des excès graves avaient eu lieu sur plusieurs points, et les paysans avaient saccagé quelques châteaux et massacré quelques seigneurs; mais l'ordre avait pu être rétabli, et jusqu'à présent il avait été maintenu.

A la première nouvelle des troubles de la Gallicie, les populations des cercles de Sabolesi et d'Arva s'émurent. Une sourde agitation s'établit dans quelques villes, et l'envoi de forces supérieures put seul écarter le danger.

Toutefois, rien ne put empêcher les sympathies les plus vives de se manifester pour la Pologne. Plusieurs comitats convoquèrent leurs conseils généraux dans le but de s'occuper de cette question spéciale. La décision prise par tous fut qu'il fallait demander la convocation de la diète.

PRUSSE.

L'agitation religieuse est toujours en Allemagne comme la forme même de l'agitation politique, et la liberté de conscience est là, plus qu'ailleurs encore, le terrain de la lutte entre l'opposition et le gouvernement. Aussi est-il nécessaire d'étudier les réclamations nombreuses formulées en faveur de l'affranchissement de la pensée. Pour les esprits allemands, c'est la préface naturelle des réformes sociales.

On se rappelle la manifestation antipiétiste des magistrats municipaux de Berlin et l'adresse portée par eux l'année dernière au pied du trône (voyez l'Annuaire de 1845, p. 291). La réponse royale avait été sèche et dédaigneuse, et Sa Majesté s'était étonnée que des bourgmestres s'occupassent de matières

semblables, lorsqu'au roi seul appartient la direction des affaires religieuses.

Cette résistance aux vœux de la municipalité de Berlin n'empêcha pas le magistrat et les députés municipaux de Breslau d'adresser au roi une représentation du même genre. Un ordre de cabinet ayant, depuis l'année dernière, défendu aux journaux l'insertion d'adresses semblables, celle-ci ne put être connue que par la réponse royale, document curieux et qui jette une vive lumière sur cette lutte des villes contre la couronne en faveur de la liberté de conscience; en voici le texte :

« Le magistrat et les députés de la ville de Breslau m'auraient épargné leur adresse malencontreuse (unwillkommene), s'ils avaient mûrement examiné l'ordre du 27 septembre 1817, rendu par feu mon auguste père, ordre qu'ils citent eux-mêmes à l'appui de leur adresse ainsi que l'ordre royal de 1834. Ils auraient acquis cette conviction que l'œuvre de la réunion des deux Églises évangéliques n'est nullement basée sur le rejet de tout dogme traditionnel; que cette œuvre au contraire se fonde sur l'accord et la concordance des symboles des deux Églises; vérités fondamentales dont l'Église chrétienne ne voudrait ni ne saurait se départir.

«Le magistrat et les députés le savent très-bien et ils l'avouent d'ailleurs, lorsqu'en parlant des professions de foi des deux confessions, ils disent: ⚫ Ce ne fut plus la différence mais l'accord qui devint le principe d'élection du christianisme. »

Si le magistrat s'était tenu à cette vérité reconnue, toutes les interprétations fausses sur l'esprit de l'union et les besoins de l'Église, dont l'adresse est pleine, auraient été impossibles.

«Si, autrefois, les autorités provinciales de la Silésie ont véritablement négligé d'imposer aux pasteurs réunis les livres symboliques, ils se sont rendus coupables d'une négligence impardonnable. Si, au contraire, les autorités actuelles, s'en rapportant à la loi et au devoir, leur subordonnent même des opinions personnelles, loin d'encourir un blâme, comme le magistrat le réclame de moi, elles mériteraient des louanges. Je regrette infiniment de voir le magistrat à la tête d'une adresse si peu satisfaisante (unerfreuiliche).

«Le devoir du magistrat n'est pas de fournir un appui à de vaines agitations (leere Befürchtungen), ce n'est pas d'égarer le peuple; mais c'est de le rassurer, de faire évanouir ses craintes en s'interposant avec l'autorité que la constitution libre et municipale lui a largement conférée.

Le véritable danger, aujourd'hui, c'est que l'Église, oubliant tous ses devoirs, ne reconnaisse comme ses serviteurs tous ceux qui, tout en raillant les principes fondamentaux de la foi chrétienne, osent en appeler à l'Écriture sainte. Sous mon sceptre, ceux-là même auront liberté de conscience com

plète; mais jamais je n'admettrai qu'avec de tels principes ils puissent être serviteurs de l'Église évangélique et nationale.

L'appui que le magistrat de Breslau prête aux menées est inconcevable dans une époque où il ne peut ignorer la nouvelle vie qui se manifeste dans l'Église nationale depuis l'organisation des synodes créés par feu mon auguste père, et qui déjà, à l'heure qu'il est, justifient toutes les espérances salutaires qu'on en a conçues.

Je compte définitivement que le magistrat de Breslau ne me donnera plus l'occasion de le rappeler à son mandat et à ses devoirs.

«FREDERIC-GUILLAUME. »

La ville de Breslau protesta contre ces interprétations absolues du dogme chrétien, et Koenigsberg suivit l'exemple de la Silésie non-seulement par des paroles, mais encore par des actes; il s'y forma une nouvelle commune évangélique sous la direction du docteur-pasteur Rupp. Cette commune, à laquelle se joignit l'Eglise française qui date de la révocation de l'édit de Nantes et de l'émigration française, compta bientôt dans son sein les hommes les plus notables de la ville. Elle rejetait tout symbole, tout dogme. En même temps, les amis des lumières de Magdebourg et des environs de Leipzig recommencèrent leurs réunions, sortes de meetings en rase campagne à la manière anglaise.

De son côté, le roi, par une ordonnance particulière, recommandait aux différents consistoires et aux magistrats de ne plus employer comme pasteur aucun ecclésiastique qui n'admit les livres symboliques.

Fatiguée de ces luttes personnelles, et reconnaissant le danger qui pourrait en résulter pour sa couronne, Sa Majesté résolut de convoquer un synode et de lui abandonner toutes les discussions religieuses. Les membres de cette assemblée se réunirent à Berlin, au nombre de soixante et seize, sous la présidence de M. le docteur Eichorn, ministre des cultes ; la moitié des membres était composée d'ecclésiastiques, l'autre moitié de laïques.

Dans une conférence préparatoire, deux partis furent représentés : le parti orthodoxe et le parti modéré. Par l'organe du Ann. hist. pour 1846.

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docteur Bickell, représentant de la Hesse Électorale, le parti orthodoxe proposait des mesures énergiques contre les antisymbolistes; il demandait aussi la révocation des pasteurs qui seraient convaincus de relations avec les amis des lumières. Ces propositions radicales furent repoussées, ainsi que le statu quo réclamé en dernier recours. Rien ne fut décidé pourtant, et le rapport de la conférence se résuma dans ces résolutions assez vagues :

<< Les livres symboliques conservent la même valeur que chaque Église leur attribue déjà, et garderaient même celte valeur en cas qu'une nouvelle profession de foi prédominât comme croyance générale.

« Cette nouvelle profession de foi est admissible; c'est même un droit pour l'Église protestante de se développer continuellement sur sa large base, mais le temps actuel ne paraît pas opportun pour en faire l'essai; du reste, les membres de la conférence ne sont pas les représentants de la commu`nauté protestante, mais seulement des envoyés de quelques Églises des pays allemands.

« Il ne peut y être question d'une séparation de la confession d'Augsbourg, pas plus que des livres symboliques.

«Non-seulement chaque Église a le droit de décider de la valeur et de la mesure (Maas) des symboles; mais encore ces changements ne sauraient en aucune manière relâcher les liens de l'union de toutes les Églises évaugéliques.

Le synode, ouvert à Berlin le 5 janvier, dut se séparer le 14 février, sans avoir résolu toutes les questions qui lui étaient posées. Toutefois les membres s'étaient trouvés d'accord sur un point qui ne manquait pas d'importance; il fut résolu qu'aucune doctrine ne saurait être reconnue comme appartenant à la foi évangélique, si elle ne reposait sur le dogme aujourd'hui en vigueur. Cette résolution aurait pour résultat d'appeler de nouveau l'intervention de l'autorité civile, en Allemagne, dans les questions religieuses.

Les décisions du synode soulevèrent des protestations dans plusieurs municipalités, et on s'éleva contre la prétention qu'il avait eue de prendre le caractère d'assemblée ecclésiastique constituée. Des adresses en ce sens furent signées par les délégués de Magdebourg, de Breslau et de Koenigsberg. En vain, par un ordre de cabinet, le roi voulut-il rappeler ces villes à

l'obéissance qu'elles lui devaient, selon lui, comme au chef de l'Église évangélique (voyez à l'Appendice, p. 102); il y avait dans ces réclamations incessantes en faveur de la liberté de conscience une force qui tôt ou tard l'emporterait sur la tradition.

Gette agitation religieuse, si désordonnée dans ses mouve ments, si peu sérieuse quelquefois par sa forme extérieure, sí dangereuse souvent dans ses écarts philosophiques, n'est, on le sait, qu'une des mille manifestations du libéralisme allemand. L'esprit de réforme éclate tous les ans, avec sa véritable signi fication politique, dans les vœux des diètes provinciales.

La Prusse rhénane est un des principaux foyers du libéra lisme allemand, et le centre de cette opposition catholique dont la lutte contre le gouvernement prussien est si persistante. Cette année, la diète de la province rhénane ne réclama pas moins nettement qu'à l'ordinaire les réformes qui lui paraissaient en harmonie avec les progrès de l'esprit public.

Et d'abord elle demandait la liberté de la presse, et la substitution de dispositions et de garanties légales à l'arbitraire de la censure. Le recès royal répondit qu'en effet, si les lois actuelles sur la presse lui assuraient un mouvement assez libre et conforme à des prétentions équitables, elles laissaient encore beaucoup à désirer, d'autant plus que la presse quotidienne, en particulier, cherchait tous les jours davantage à franchir les limites qui lui avaient été assignées, et qu'on ne pouvait pas toujours remédier à ces abus. Si l'expérience faisait sentir la nécessité de modifier les lois sur la presse, le gouvernement, sans indiquer dans quel sens devraient avoir lieu ces modifications, pensait qu'il faudrait faire des démarches auprès de la diète germanique. La diète provinciale, de son côté, déclarait qu'il fallait avoir d'autant moins égard aux résolutions de la diète germanique, qu'elles ne renfermaient, selon elle, aucune disposition formelle relativement à la censure et à la liberté de la presse, et qu'on s'en était remis à chaque gouvernement du soin de prendre les mesures qu'il jugerait convenable; ce que

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