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Ce fut la connaissance de cette attitude de M. de Talleyrand à Vienne, qui porta Murat à la folle entreprise d'envahir les Marches pontificales. Il s'élança des Apennins à travers la campagne, avec le dessein insensé de faire la guerre à la France. Un mois après, les Cent-Jours éclatèrent.

Ceci simplifia singulièrement toutes les posi

tions.

L'Angleterre et l'Autriche en prirent prétexte pour briser leurs engagemens envers Murat : lord Castlereagh publia l'étrange correspondance du lazzaroni couronné. Le congrès désormais passa outre à l'organisation de l'Italie en dehors de la dynastie de Murat. Les articles posèrent les bases suivantes :

Le Piémont avec la Sardaigne et l'État de Gênes à la maison de Savoie.

L'Autriche avec cette large et belle possession du Milanais, des États Vénitiens, du Frioul et de la Dalmatie.

Le pape avec les Légations.

Naples avec la maison de Bourbon et la Sicile. Et au milieu de cela des petits princes, qui tenaient les uns à la maison de Bourbon, les autres

à la maison impériale, avec les fiefs de Toscane, de Modène, de Parme, de Plaisance.

La pensée de M. de Metternich fut alors de lier tout cela par un pacte fédératif comme le type en existait en Allemagne. Mais tout changement conçu dans l'organisation de l'Italie ne pouvait et ne devait se faire qu'avec l'assentiment des puissances signataires au congrès. Il est impossible de concevoir une modification dans la forme générale de l'Europe sans le concours de tous. L'œuvre d'un congrès est une constitution, un pacte synallagmatique qui crée des droits, des devoirs, des obligations réciproques. On ne pourrait pas toucher à l'indépendance d'un petit prince d'Italie sans l'intervention du comité des huit formé à Vienne comme l'expression de l'Europe. Le Piémont, Naples, Etats du Saint-Siège, duché de Modène, Massa-Carrara, Parme, Plaisance et Guastalla, Lucques, Toscane ne peuvent être altérés dans leur territoire, dans leur dynastie, sans l'assentiment de tous. C'est en ce sens que la main mise sur Cracovie ébranle toutes les souverainetés de second ordre; et quelle garantie ontelles désormais? (Annexe K.)

S IX.

LA SUISSE.

La neutralité de la Suisse est un vieux principe reconnu et pourtant violé par tout le monde. Les généraux du Directoire, Napoléon, et après eux les armées coalisées avaient traversé la république helvétique dans un ou plusieurs cantons, sans se faire le moindre scrupule.

La Suisse avait envoyé à Vienne une légation solennelle pour solliciter une réorganisation permanente et reconnue par tous. Telle était la mission du colonel Laharpe, ancien précepteur d'Alexandre, et qui exerçait sur lui un influent prestige; aidé en cela de son compatriote le général Jomini, très actif à Vienne.

La Suisse avait subi l'empire de deux actions diverses et hostiles depuis les événemens de 1789: un parti voulait l'unité, c'était le plus violent, le plus démocratique; secondé par la France sous le

Directoire et le Consulat, il avait abouti à la médiation de l'empereur Napoléon. Le second parti voulait au contraire, une grande variété dans les divers élémens qui composaient la Confédération helvétique; il désirait une pondération, un balancement dans toutes ses parties: catholiques, protestantes, noblesse, bourgeoisie, paysans; diversité de religion, d'intérêts, de commerce, de langage et contrepoids si parfaitement réglé que l'unité pût triompher dans la diète générale.

Plusieurs puissances avaient intérêt à la constitution de la Suisse. La France ne pouvait pas laisser accomplir un travail aussi capital sur ses frontières, sans y prendre part; Genève et le canton de Vaud étaient presque la France. De toute antiquité, la maison de Bourbon s'était déclarée la protectrice des Suisses, ses bons amis et confédérés. Ces sortes de liens ne s'effacent pas.

-L'Autriche de son côté, par les frontières des Grisons et la Valteline avait le plus grand intérêt à toute l'organisation de la Suisse, qui du haut de ses montagnes démocratiques menaçait l'Allemagne et l'Italie. L'Angleterre elle-même mettait du prix à ses liens commerciaux avec la Suisse;

le Piémont gardait des méfiances; et enfin l'empereur Alexandre qui essayait de se mêler à tout s'intéressait vivement à leur constitution; il leur parlait tantôt un langage bienveillant, tantôt il leur jetait des paroles de colère afin de les contenir dans le système que lui-même avait tracé, mélange d'idées religieuses et politiques.

Dès l'ouverture du congrès, le 2 novembre, le comité des grandes puissances avait créé un comité spécial sur les affaires de la Suisse « pour garantir, conformément au traité de Paris l'organisation politique que la Suisse se donnerait sous les auspices desdites puissances; » ce comité fut composé du baron de Wessenberg pour l'Autriche, M. de Humboldt pour la Prusse, lord Stewart et M. Strafford Canning pour l'Angleterre, du comte Capo-d'Istrias pour la Russie. La France en fut d'abord exclue, et pourtant il s'agissait de ses frontières, d'une neutralité violée contre elle! Hélas! il existait alors une méfiance très grande, même en Suisse, contre l'influence française, et le congrès tendait moins à établir un juste équilibre de forces que des barrières contre les projets ultérieurs de la France. Les instructions des plénipotentiaires demandaient l'intervention

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