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» Mémoires originaux, les livres, les traditions populaires, les opinions des habitans les plus instruits. >> On a donc droit de s'attendre à ne trouver, dans les > deux volumes qu'il vient de publier, que des détails » puisés aux sources les plus pures et les plus dignes de >> confiance. >>

Nous avons emprunté au Journal des Savans ce passage, parce qu'il exprime, beaucoup mieux que nous, ne l'aurions pu faire nous-mêmes, notre opinion individuelle sur l'ouvrage de M. Catteau en général; et si, dans la suite, nous nous permettons de relever quelques erreurs dans lesquelles est tombé l'estimable auteur dont nous déplorons la perte récente, ce n'est que pour prouver combien il est difficile d'écrire avec exac titude et impartialité l'histoire d'un peuple étranger au pays que l'auteur habite, et auquel il est étranger luimême (1).

(1) Ce que dit M. Catteau, dans une note (tom. I, pag. 5), sur l'étymologie du nom de la Norvège, n'est pas très exact. Il veut que ce nom signifie chemin de Nor ou chemin du Nord. C'est aller chercher l'étymologie dans une mauvaise traduction. En effet, les Allemands ont fait du mot norvégien norrige, ou du danois norge, qui n'est qu'une contraction, leur norwegen, ainsi que les Anglais ont formé leur norway qui, à la vérité, veut dire chemin du Nord; mais, le nom original ne peut être traduit que par royaume du Nord, et nous croyons que c'est dans la dénomination originale qu'on doit chercher l'étymologie. Nous observerons encore que les Français ont formé, d'après l'allemand ou l'anglais, norwège, et qu'ainsi, pour mal écrire un nom étranger, ils ont été obligés d'introduire dans leur alphabet une lettre que leur langue ne reconnaît pas. On est encore plus étonné de lire constamment, dans les auteurs français, norwège au lieu de norvège, quand on sait que la lettre w est également étrangère aux alphabets norvégiens et danois.

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Commençons néanmoins par avouer que le premier volume de l'histoire de Norvège est bien supérieur, sous ce rapport, au second. Aussi long-tems que l'auteur n'avait à traiter que les époques pendant lesquelles les trois royaumes scandinaves, séparés l'un de l'autre, sé faisaient la guerre franchement et sans se haïr, il a pu puiser indistinctement aux sources, tant suédoises que danoises et norvégiennes, sans craindre d'y trouver des erreurs, si l'on excepte quelques exagérations que l'amour-propre national se croit toujours permises. Mais, le second volume commence à une époque, celle de l'union de Calmar, où la haine nationale des trois peuples s'est déclaréé avec une fureur qui augmente jusqu'à un point inconcevable les difficultés que l'historien de l'un ou de l'autre de ces pays doit surmonter pour remplir sa tâche avec impartialité.

Ordinairement, l'historien établit d'abord, pour bases de son travail, les annales, les mémoires, les traditions indigènes du pays dont il se propose d'écrire l'histoire. Ensuite, il examine celle des peuples limi trophes, pour rectifier tout ce qui aura pu être défiguré par l'orgueil national ou par des passions moins honorables. M. Catteau - Calleville a rigoureusement observé cette règle, dans le premier volume de son ouvrage; mais, arrivé à l'époque où commence le second, il semble avoir procédé, en sens inverse, en adoptant avec un peu trop de confiance, et comme partie fondamentale de son histoire, les récits, souvent infi→ dèles, des historiens suédois, et en négligeant les corréctifs qu'il aurait pu trouver facilement et en abondance dans les écrits des auteurs norvégiens et danois. La prédilection de M. Catteau, pour les Suédois, est sans doute juste, peut-être même commandée par sa

situation particulière; mais, appliquée sans critique. aux auteurs du même pays, elle nuit à l'impartialité de l'historien.

Nous justifierons cette assertion, quand nous serons arrivés au second volume de l'ouvrage soumis à notre examen. En attendant, nous présentérons quelques observations sur le premier volume.

Les annales de la Norvège, comme celles de tous les peuples, commencent par des traditions, dans lesquelles l'histoire et la mythologie se trouvent tellement confondues qu'il est extrêmement difficile de les séparer et d'assigner à l'une et à l'autre la part qui leur appartient. Ordinairement, les annalistes n'ont en vue que la grandeur des peuples dont ils tracent l'origine. De-là, le merveilleux toujours inséparable de la naissance d'un État; de-là, une foule d'exagérations qu'il est impossible de réduire à leur juste valeur. Souvent même le désir d'agrandir son sujet séduit l'historien au point de lui faire altérer ou supprimer la vérité. On croirait, par exemple, sur la foi de TiteLive, qu'intimidé par l'extravagante entreprise de Mutius Scævola, Porsenna s'était hâté de faire des propositions de paix aux Romains, sans être entré à Rome, si nous ne savions, par l'aveu de Tacite, qu'il avait pris cette ville par capitulation (1).

C'est ainsi que l'histoire d'Odin se trouve enveloppée dans une foule de fables. « On lui attribue, dit M. Cat

(1) Hist. II. 72. Tacite parle de cet événement par incident, et comme d'un fait qui devait être connu de tout le monde. Il mérite donc plus de confiance que Tite-Live, qui semble avoir adopté la tradition de ceux qui, par un orgueil national mal entendu, ont voulu soutenir que la ville de Rome avait toujours été invincible.

teau, tous les genres d'illustration. Il est représenté, non-seulement comme un guerrier intrépide, comme un heureux conquérant, mais aussi comme un prophète, un législateur, qui savait captiver les esprits par l'étendue de ses connaissances, et qui étonnait la multitude par des prestiges magiques. Il avait le don de l'éloquence et le talent de la poésie. Sa voix commandait à la tempête. Il prenait à son gré la forme d'un animal sauvage, et il se transportait en un clin-d'œil d'un lieu dans un autre (1). » Il semble, d'après ce passage, que l'auteur n'ait pas connu les savantes recherches du célèbre Suhm, qui a prouvé jusqu'à l'évidence, qu'il y a eu plusieurs grands hommes du nom d'Odin, et qu'on en a fait un seul demidieu, chargé de tous les exploits de ses homonymes; de même que la Grèce a attribué à un seul Hercule tous les travaux exécutés par plusieurs héros du même

nom.

M. Catteau-Calleville a consulté beaucoup d'anciens livres historiques, connus sous le nom de Saga. «Quoique ces traditions, dit-il (2), présentent de grandes obscurités, et qu'elles soient empreintes du merveilleux mythologique, ou revêtues du voile de l'allégorie, on ne doit pas les regarder comme dénuées de tout intérêt pour la science historique. Ainsi que les traditions des autres pays,`elles font découvrir les traces primitives de ces émigrations, qui ont précédé les établissemens fixes des peuples, et ces premiers efforts de l'audace et du génie, qui ont fait naître les sociétés politiques. On ne pécherait contre l'esprit de

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P'histoire, qu'en introduisant ces souvenirs obscurs dans la série des événemens, par des hypothèses hasardées et des interprétations arbitraires. »

Nous sommes parfaitement de l'avis de M. Catteau; mais il est à regretter qu'il n'ait pas envisagé ces traditions, ces livres historiques, ces Sagas, sous un point de vue plus important, et qu'il n'ait pas senti leur grande utilité pour tracer l'histoire de la civilisation des peuples du Nord. La civilisation étant incontestablement la révolution la plus importante qu'une nation puisse éprouver, son histoire n'aurait pas été déplacée dans cet ouvrage. Nous observons encore avec regret que les autorités citées pour éclaircir les antiquités scandinaves, ne sont pas toujours les plus classiques; et quelque respectables que soient celles de Haldorson et de Mallet, citées pag. 317 et ailleurs, il est regrettable que l'auteur n'ait pas connu les savantes dissertations de MM. Nyerup et P. E. Muller sur l'Edda (1). Nous en sommes d'autant plus étonnés, que ces ouvrages jouissent, même en Suède, d'une célébrité justement méritée.

Un grand nombre de ces traditions nous ont été conservées par les ouvrages des anciens poëtes du Nord, connus généralement sous le nom de Scaldes. C'est à la saine critique d'en extraire les faits historiques, et de rejeter les fictions parmi les embellissemens poétiques. C'est seulement de cette manière que l'historien peut faire usage des ouvrages des Scaldes. Depuis

(1) On nous objectera sans doute que ces deux auteurs ont été quelquefois cités dans l'ouvrage de M. Catteau. Il est vrai qu'il les a connus, mais seulement de réputation; ou du moins il ne les avait pas lus, lorsqu'il composait son histoire.

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