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dit Qays-Aylan, et Ilyas. Les vainqueurs descendaient du premier de ces fils, et les vaincus du second. Il y a dans le texte : « Tu es chef d'Annâs," ou, en prenant annâs comme nom appellatif, «Tu es chef des hommes; » mais c'est une erreur du copiste : il faut lire Ilyas, et pour obtenir cette transformation dans l'écriture arabe, il suffit de placer deux points au-dessous du mot, au lieu d'un seul point au-dessus. Ces deux qualifications de « chef d'Ilyâs» et chef de Moudar » sont assurément très-hyperboliques; car, non-seulement, Mabad n'est pas chef de toute la postérité de Moudar, puisque les vainqueurs en sont aussi bien que les vaincus, mais il ne l'est pas même de toute celle d'Ilyâs; il est chef nominal de la tribu de Tamîm et rien de plus ; et ce qui prouve combien son autorité est précaire dans cette tribu, c'est la défection de la majorité des Tamîmides par suite de la protection accordée à Hárith. Mais on conçoit que les vainqueurs, qui prétendent à une rançon royale pour Mabad, ont intérêt à exagérer la dignité du captif. Dans leur exagération ils sont bien près de la limite, puisqu'il n'y avait chez les Arabes ismaélites ou adnânides que deux degrés au-dessus de la dignité de chef de Moudar, nommément Nizar et Maadd. Ce dernier nom comprenait, comme on l'a vu, tous les Arabes qui n'étaient pas d'origine yamanique (dans le système des généalogistes du Hidjâz.)— En nommant Laqît, chef d'Ilyas, et Mabad, chef de Moudar, les vainqueurs indiquent que le rang du captif est plus élevé que celui de son frère. Mabad était sans doute l'aîné des fils de Zourârah, dernier roi ou chef de toutes les familles de Tamîm.

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En refusant de payer pour son frère une rançon royale, Laqît n'avait-il point d'autres raisons que celle qu'il allègue ? N'était-il pas bien aisc de succéder à Mabad? --Je n'hésite pas à répondre que non. Pour comprendre les Bédouins, il faut croire à l'amitié fraternelle.-Et puis Laqît ne se fera-t-il pas tuer pour venger son frère?

JOURNÉE DE SCHIB-DJABALAH.

Selon Abou-Oubaydah, la journée de Schib-Djabalah, c'està-dire du ravin de Djabalah, est l'affaire la plus considérable que les Arabes aient jamais eue entre eux. Voici comment elle fut amenée.

Après le combat de Rabrahân, Laqît, fils de Zourârah, s'occupa de rassembler des forces contre les Amirides. Or il s'écoula un an entre la journée de Rahrahân et celle de Schib-Djabalah ; celle-ci eut lieu quarante ans avant l'islamisme, c'est-à-dire dans l'année où naquit l'Envoyé de Dieu ( sur qui Dieu répande ses bénédictions et ses grâces!).

A cette époque, les Absides étaient unis par des serments avec les Amirides, et comme la guerre célébre sous le nom de guerre de Dâhis 1 avait déja éclaté entre les tribus d'Abs et de Dhoubyân,

Laqît s'adressa aux Dhoubyânides pour obtenir des secours contre les enfants d'Amir. Ses demandes furent accueillies, et non-seulement les Dhoubyânides, mais encore toutes les tribus issues de Ghatafân, les Badrides exceptés, épousèrent sa querelle (il faut encore en excepter les Absides qui, comme on vient de le voir, faisaient alors cause commune avec les Banoû-Amir; mais comme ils formaient à eux seuls une tribu considérable, on ne les comprenait pas toujours, dans l'usage, sous la dénomination collective de Ghatafân. Le passage de Maydâniyy que j'ai inséré dans une des notes précédentes met cet usage en évidence; car Hârith y est nommé chef de Ghatafân, quoiqu'il n'eût assurément aucune autorité dans la tribu d'Abs que gouvernait Qays, fils de Zouhayr si l'un des deux relevait de l'autre à l'époque dont parle Maydaniyy, Hârith relevait de Qays, non Qays de Hârith). Toutes les familles de la tribu de Tamîm en firent autant, à l'exception des Banoû-Sad. Les Banoû-Açad promirent aussi d'armer pour lui, à cause d'un serment qui les unissait aux tribus issues de Ghatafân (moins les Absides). Non content de ces alliances, Laqît alla trouver Djawn le Kalbide, roi de Hadjar ( de race yamanique), et lui dit : « Serais-tu d'humeur à entrer pour ta part dans une expédition contre des brigands dont les troupeaux couvrent la terre, et à m'envoyer tes deux fils à ces conditions:

que dans le partage des bénéfices que nous aurons faits à nous trois, le butin et les prisonniers seront pour eux et le sang pour moi??»-Djawn accepta la proposition et fixa l'entrée en campagne à un an de là. Laqît alla ensuite chez Noumân, roi de Hîrah, et lui demanda du secours, en lui offrant, comme à l'autre, l'appât d'un riche butin. Noumân agréa sa demande; car Laqît était un homme de bonne mine, et qui savait traiter avec les rois 3.

Lors donc qu'on fut au bout de l'an, à dater de l'affaire de Rahrahân, les troupes auxiliaires se rendirent auprès de Laqit. Sinân le Mourride, fils d'Abou-Hârithah, 'vint avec les forces de Ghatafân. Ce Sinân est le père de Harim-le-Généreux. Les BanoûAçad arrivèrent en même temps. Djawn, roi de Hadjar (Bahrayn), envoya ses deux fils Mouâwiyah et Amr. Noumân envoya son frère utérin, Hassân fils de Wabrah, de la tribu (yamanique) de Kalb. Toutes ces forces réunies marchèrent contre les Banoû-Amir.

Mais avant leur entrée en campagne, les Amirides, instruits des démarches de Laqît et de leur résultat, se préparaient à à le recevoir.

Ahwass, fils de Djafar, qui était alors le pivot sur lequel tournaient toutes les tribus issues de Hawâzin ( litt. « la meule » ou « le moulin » de Hawâzin ), disait à Qays, fils de Zouhayr, chef des Absides, devenu son allié:

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Quel est ton avis? car tu as la prétention de trouver des ressources dans les conjonctures les plus difficiles.* »

-Qays répondit :

« Mon avis est qu'on transporte les femmes, les enfants et les troupeaux au fond du ravin de Djabalah, en sorte que nous n'ayons à nous défendre que d'un seul côté. Cependant Laqît, qui est un homme impétueux, ne manquera pas de s'engager dans le ravin avec tout son monde, et de lancer sa cavalerie à travers les difficultés du chemin. Je vous conseille donc de laisser vos chameaux sans boire ni manger durant plusieurs jours et plusieurs nuits, accroupis dans la montagne, le bras lié avec le canon; de vous mettre derrière eux, et de mettre derrière vous les enfants et les femmes. Tu commanderas aux piétons de se tenir près des chameaux, et au moment où l'ennemi nous donnera l'assaut, de délier leurs bêtes et de les prendre par la queue (pour les diriger à droite ou à gauche par une torsion convenable de ce membre). Les chameaux, impatients de regagner le pâturage et l'abreuvoir, se précipiteront du haut de la montagne avec une force irrésistible. La cavalerie suivra les gens de pied, qui suivront les chameaux. Les chameaux renverseront, écraseront tout ce qui se trouvera sur leur passage, et lorsque nos cavaliers joindront l'ennemi, son affaire sera déja faite. » —

Ahwass, fils de Djafar, trouva l'avis de Qays excellent, et le suivit de point en point.

Or les Amirides avaient alors pour auxiliaires (outre les Absides) les Ghaniyyides combinés avec les Kilâbides (la tribu de Ghaniyy était issue de Ghatafân, et pourtant le narrateur ne l'a point exceptée plus haut des tribus ghatafânides dans l'énumé

*Qays avait une grande réputation d'habileté. C'est l'Ulysse de l'épopée

d'Antar.

ration des auxiliaires de Laqît), les Bâhilides avec les Banoû-Ssab (ces derniers appartenaient à la tribu de Bakr-ibn-Wâïl). La bande de Mouaqqir-Albâriqiyy était combinée avec les BanouNoumayr-ibn-Amir. Enfin les Amirides avaient avec eux toutes les tribus issues de Badjilah (fils d'Anmâr, fils de Nizâr, fils de Maad), moins les Qaysides.

Lorsque Laqit et les rois ses alliés arrivèrent à Djabalah avec toutes leurs forces, l'ennemi s'était déja retranché dans la montagne. Ils firent donc halte à l'entrée du ravin. Alors un homme des Banoû-Açad leur dit : « Fermez l'embouchure de cette gorge, et affamez-les dans leur fort, et de par Dieu vous les verrez bientôt descendre un à un, et tomber à vos pieds comme les crottes de chameau tombent l'une après l'autre du derrière de la bête. Mais cet avis n'allait pas à l'impatience de Laqît, et sa cavalerie entra dans la montagne.

Cependant les Amirides tenaient leurs chameaux liés après trois « quintes de soif, » ce qui veut dire que ces animaux avaient été onze jours et douze nuits sans boire. (Dans le langage du Désert, un chameau a subi « une quinté (khims), quand il a été privé d'eau dans un intervalle tel que celui du dimanche soir au jeudi matin.)

Lorsque la tête de la colonne ennemie fut parvenue près de leur fort, ils lâchèrent les nœuds qui retenaient leurs bêtes, et celles-ci s'élancèrent vers la plaine avec des mugissements de desir qui firent trembler la montagne. La commotion fut telle, que les assaillants se crurent au premier moment surpris par un tremblement de terre. Les chameaux, suivis et gouvernés par les gens de pied, écrasèrent tout ce qui s'opposait à leur passage. Parmi ces animaux furieux se trouvait un chameau borgne qu'un enfant gaucher tenait par la queue, et l'enfant (mis en verve par le fracas de l'avalanche dont il faisait partie) improvisait sur le mètre appelé radjaz, en disant:

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L'armée de Laqit fut mise en déroute. Laqît lui-même fut tué. Hâdjib, son frère, fut fait prisonnier; celui qui le prit était

Dhou'rrouqaylah. Sinân, fils d'Aboû-Hârithah, tomba au pouvoir d'Ourwat-arrahhâl, qui le relâcha sans rançon, après lui avoir fait subir la tonsure, etc., etc.

NOTES.

1 La guerre de Dâhis, qui dura quarante ans entre les tribus d'Abs et de Dhoubyân, avait eu pour principe une course de chevaux avec pari. Sous quelques rapports, on peut dire que les Arabes formaient autrefois une société d'enfants, isolée par ses déserts de la grande société des hommes du Vieux-Monde. Ils passaient leur vie à jouer et à se disputer sans qu'aucun étranger intervînt dans leurs jeux ou leurs querelles. Ils étaient divisés en tribus, c'est-à-dire en familles, qu'unissait un lien fédéral ou quasi-fédéral, fort aisé à définir du point de vue où je suis placé, mais non pas de manière à satisfaire l'esprit d'un publiciste dont les catégories sont toutes faites. Du moins ai-je lieu de craindre que ce publiciste-là ne repousse ma définition provisionnellement, sauf à l'accepter plus tard, quand je pourrai mettre sous ses yeux la collection des traditions que le temps a respectées. En effet, la fédération arabe-maaddique ne reconnaissait ni gouvernement central ni pouvoir législatif. Elle n'était pourtant pas sans assemblée nationale, puisqu'elle avait la foire d'Oukâzh, et (immédiatement après la clôture de la foire) le concours du Haddj à la Mecque et aux environs. Elle n'était pas non plus sans loi constitutionnelle, puisque les hostilités de tribu à tribu cessaient d'un commun accord pendant quatre mois de l'année. Ces mois de trève, qu'on appelait mois sacrés, n'étaient pas toujours les mêmes, et je dois reconnaître ici que ma première proposition a besoin d'être restreinte; car la postérité de Kinanah, dont les Qourayschides faisaient partie, avait le privilège législatif de déplacer les trèves ou de les proroger. Cette prorogation se faisait d'une manière solennelle à l'issue des cérémonies du Haddj ou Mawsim, cérémonies que Mahomet a sanctionnées, telles à-peu-près que le paganisme les observait, et qui sont encore aujourd'hui le but religieux du pèlerinage de la Mecque. Mais il interdit, ou, pour parler le langage des musulmans, Dieu interdit dans l'Alcoran la prorogation d'un ou plusieurs mois sacrés ; il abolit ensuite cette disposition par deux autres, dont l'une défendait la guerre entre musulmans d'une manière absolue, et l'autre la recommandait en tout temps contre les infidèles. Les mois' sacrés dans le paganisme et au commencement de l'islamisme étaient : Dhou'lqadah, époque de la foire abolie, Dhou'lhiddjah, époque des cérémonies du Haddj, Mouharram et Radjab. Les trois premiers mois se suivent; le dernier est séparé du troisième par un intervalle de cinq mois : or ce mois de Radjab était justement le plus sacré de tous, admirable provision, qui forçait un vainqueur impitoyable à s'arrêter tout court au milieu d'une guerre d'extermination. Voici ce que Djawhariyy nous apprend au sujet de la transposition d'un mois sacré dans le paganisme :

« Au retour de Mina (la vallée des sacrifices qui se font à l'époque du Mawsim) un homme de la postérité de Kinânah se levait et disait : « Je suis

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