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1815 vernement, de lui donrer des maitres au gré des inté rêts ou des paffions de fes voifins *)." Mais elles favent auffi que la liberté d'une nation, de changer fon système de gouvernement, doit avoir fes juftes limites, et que, fi les Puiflances étrangères n'ont pas le droit de lui préfcrire l'usage qu'elle fera de cette liberté, elles ont au moins indubitablement celui de protefter contre l'abús qu'elle pourroit en faire à leurs dépens. Pénétrées de

ce principe, les Puiffances ne fe croient point autorisés à impofer un gouvernement à la France; mais elles ne renonceront jamais au droit d'empêcher que fous le titre de gouvernement il ne s'établisse en France un foyer de désordres et de bouleversemens pour les autres états. Elles respecteront la liberté de la France partout où elle ne fera pas incompatible avec leur propre fûreté, et avec la tranquillité générale de l'Europe.

Dans le cas actuel, le droit des fouverains alliés, d'intervenir dans la queftion du régime intérieur de la France, eft d'autant plus incontestable, que l'abolition du pouvoir que l'on prétend y rétablir aujourd'hui, étoit la condition fondamentale d'un. Traité de paix, far lequel repofoient tous les rapports qui, jusqu'au retour de Buonaparte à Paris, ont fubfifté entre la France et le refte de l'Europe. Le jour de leur entrée à Paris, les fouverains déclarèrent qu'ils ne traiteroient jamais de la paix avec Buonaparte **). Cette déclaration, hautement applandie par la France et par l'Europe, amena l'abdication de Napoléon, et la convention du 11 Avril; elle forma la bafe de la négociation principale; elle fat explicitement articulée dans le préambule du Traité de Paris. La nation Françoife, fuppofé même qu'elle foit parfaitement libre et unie, ne peut fe foustraire à cette condition fondamentale, fans renverfer le Traité de Paris, et tous fes rapports actuels avec le fyftême Européen. Les Puiffances alliées de l'autre côté, en infiftant far cette même condition, ne font qu'ufer d'un droit qu'il eft impoffible de leur contefter, à moins d'admettre que les pactes les plus facrés peuvent être dénaturés au gré des convenances de l'une ou de l'autre des parties contractantes.

II

*) C'eft sinfi que le rapport du Confeil-d'Etat de Buonaparte s'exprime fur les intentions des puiffances. V. Moniteur du 3 Avril.

Déclaration du 31 Mars 1814.

Il s'en fait, que la volonté du peuple François ne 1815 fuffit pas pour rétablir, dans le fens légal, un gouverne. ment profcrit par des engagemens folennels, que ce même peuple avoit pris avec toutes les Puiffances de l'Europe, et qu'on ne fauroit, fous aucun prétexte, faire valoir contre ces Puiffances le droit de rappeler au Trône celui dont l'exclufion avoit été la condition préalable de tout arrangement pacifique avec la France. Le voeu du peuple. François, s'il étoit même pleinement conftaté, n'en feroit pas moins nul et fans effet vis-à-vis de l'Europe pour rétablir un pouvoir contre lequel l'Europe entière à été en état de proteftation permanente depuis le 31 Mars 1814 jusqu'au 13 Mars 1815; et fous ce rapport, la pofition de Buonaparte eft précisement aujourd'hui ce qu'elle étoit à ces dernières époques.

Seconde Question.

L'offre de fanctionner le Traité de Paris peut-elle changer les dispositions des Puistances?

La France n'a eu aucune raifon de fe plaindre du Traité de Paris, ce Traité a reconcilié la France avec l'Europe; il a fatisfait à tous fes véritables intérêts, luià affuré tous les biens réels, tous les élémens de profpérité et de gloire qu'un peuple appelé à une des premières places dans le fyftême Européen pouvoit raisonnablement défirer, et ne lui à enlevé que ce qui étoit pour elle, fous les dehors trompeurs d'un grand éclat national, une fource intariffable de fouffrances, de ruine, et de mifère. Ce Traité êtoit même un bienfait immenfe pour un pays, réduit par le délire de fon chef à la fituation la plus défaftreufe *).

Les Puiffances alliées euffent trahi leurs intérêts et leurs devoirs, fi, au prix de tant de modération et de générofité, elles n'avoient pas, en fignant ce traité, obtenu quelque avantage folide; mais le feul qu'elles ambitionnoient étoit la paix de l'Europe et le bonheur de la France. Jamais, en traitant avec Buonaparte, elles n'euffent confenti aux conditions qu'elles accordérent à.

un

*) "L'Empereur convaincu de la pofition critique où il
à placé la France, et de l'impoffibilité où il fe trouve
de la fauver lui-même, à paru fe réfigner et confentir
à l'abdication entière et fans aucune refiriction." Lettre
du Maréchal Ney au Prince de Benevent, en date
de Fontainebleau 5 Avril 1814. (V. Moniteur dự
7 Avril 1814.)

1815 un gouvernement, lequel, "en offrant à l'Europe un gage de fécurité et de ftabilité, les dispenfoit d'exiger de la France les garanties qu'elles lui avoient demandées fous fon ancien gouvernement *)." Cette clause eft inféparable du Traité de Paris; l'abolir, c'eft rompre ce Traité. Le confentement formel de la nation Françoife au retour de Buonaparte fur le Trône, équivaudroit à une déclaration de guerre contre l'Europe; car l'état de paix n'a fubfifté entre l'Europe et la France que par le Traité de Paris, et le Traité de Paris eft incompatible avec le pouvoir de Buonaparte.

Si ce raifonnement avoit encore befoin d'un appui, il le trouveroit dans l'offre même de Buonaparte de ratifier le Traité de Paris. Ce Traité avoit été fcrupuleufement obfervé et executé; les transactions du Congrès de Vienne n'en étoient que les fupplémens et les développemens; et fans le nouvel attentat de Buonaparte, il eût été pour une longue fuite d'années ane des bafes du droit public de l'Europe. Mais cet ordre de chofes à fait place à une nouvelle révolution; et les agens de cette révolution, tout en proclamant fans ceffe, "qu'il n'y à rien de changé )," conçoivent et fentent eux-mêmes que tout eft changé autour d'eux, il ne s'agit plus aujourd'hui de maintenir le Traité de Paris. Il s'agiroit de le refaire. Les Puiffances fe trouvent rétablies envers la France dans la même pofition dans laquelle elles étoient le 31 Mars 1814. Ce n'eft pas pour prévenir la guerre France l'a rallumée de fait c'eft pour la terminer que l'on offre aujourd'hui à l'Europe un état de choses effentiellement différent de celui fur lequel la paix fut établie en 1814. La question a donc ceffé d'être une question de droit; elle n'eft plus qu'une queftion de calcul politique et de prévoyance, dans laquelle les Puiffances n'ont à confulter que les intérêts réels de leurs peuples, et l'intérêt commun de l'Europe.

car la

La commiffion croit pouvoir fe dispenser d'entrer iei dans an expofé des confidérations qui fous ce dernier rapport, ont dirigé les mesures des cabinets. Il fuffira de rappeler que l'homme, qui, en offrant aujourd'hui de fanctionner le Traité de Paris, prétend fubftituer fa ga rantie

*) Préambule du Traité de Paris.

**) C'eft l'idée qui raparoit perpétuellement dans le rapport du Confeil-d'Etat de Buonaparte, publié dans le Moniteur du 13 Avril 1815.

rantie à celle d'un fouverain, dont la loyauté étoit fans 1815 tache, et la bienveillance fans mefure, eft le même qui, pendant quinze ans, a ravagé et bouleversé la terre pour trouver de quoi fatisfaire fon ambition, qui a facrifié des millions de victimes et le bonheur d'une génération entière à un fystême de conquêtes, que des trêves, peu dignes du nom de paix, n'ont rendu que plus accablant et plus odieux *); qui, après avoir, par des entreprises infenfées, fatigué la fortune, armé toute l'Europe contre lui, et épuifé tous les moyens de la France, à été forcé d'abandonner fes projets, et a abdiqué le pouvoir pour fauver quelques débris de fon existence; qui, dans un moment où les nations de l'Europe fe livroient à l'espoir d'une tranquillité durable, à médité de nouvelles catastrophes, et par une double perfidie, envers les Puisfances qui l'avoient trop genéreufement epargné, et envers un gouvernement qu'il ne pouvoit atteindre que par les plus noires trahisons, a ufurpé un trône, auquel il avoit renoncé, et qu'il n'avoit jamais occupé que pour le malheur de la France et du monde. Cet homme n'a d'autre garantie à propofer à l'Europe que fa parole. Après la cruelle expérience de quinze années, qui auroit le courage d'accepter cette garantie? et fi la nation Françoife à réellement embraffé fa caufe, qui refpecteroit d'avantage la caution qu'elle pourroit offrir?

La paix avec un gouvernement placé entre de telles mains, et compofé de tels élémens, ne feroit qu'un état perpétuel d'incertitude, d'anxiété et de danger. Aucane Puiffance ne pouvant effectivement désarmer, les peuples ne jouiroient d'aucun des avantages d'une véritable

La Commiffion oroit devoir ajouter ici l'observation
importante, que la plus grande partie des envahiffe-
mens et des réunions forcées, dont Buonaparte a fuc-
cessivement formé ce qu'il appeloit le Grand Empire,
a eu lieu pendant ces perfides intervalles de paix, plus
funeftes à l'Europe que les guerres mêmes dont elle
fut tourmentée. C'eft ainfi qu'il s'empara du Piémont,
de Parme, de Gênes, de Lucques, des Etats de Rome,
de la Hollande, des pays compofant la 32me divifion
militaire. Ce fut aufli dans une époque de paix (au
moins avec tout le continent) qu'il porta fes premièrs
coups contre le Portugal et l'Espagne, et il crut avoir
achevé la conquête de ces pays par la rufe et par l'au-
dace, lorsque le patriotisme et l'énergie des peuples de
la péninfule l'entrainêrent dans une guerre fanglante,
commencement de sa ohûte, et du falut de l'Europe.

1815

table pacification; ils feroient écrafés de charges de toute efpère; la confiance ne pouvant fe rétablir nolle part, l'induftrie et le commerce languiroient partout; rien ne feroit ftable dans les relations politiques; un fombre mécontentement planeroit fur tous les pays; et du jour au lendemain, l'Europe en alarme, s'attendroit à une nou velle explosion. Les Souverains n'ont certainement pas méconnu l'intérêt de leurs peuples en jugeant qu'une guerre ouverte, avec tous fes inconvéniens et tous fes facrifices, eft préférable à un pareil état de chofes, et les mesures qu'ils ont adoptées, ont rencontré l'approba tion générale.

L'opinion de l'Europe s'eft prononcée dans cette grande occafion d'une manière bien pofitive et bien fo lennelle; jamais les vrais fentimens des peuples n'ont pu être plus exactement connus, et plus fidélement interprêtés, que dans un moment où les repréfentans de toutes les Puiffances fe trouvoient réunis pour confolider la paix du monde.

Troisième Question.

Eft-il néceffaire de publier une nouvelle déclaration? Les obfervations que la Commiffion vient de préfenter, fourniffent la réponse à la dernière queftion qui lui refte à examiner. Elle confidére:

1. Que la déclaration du 13 Mars a été dictée aux Puiffances par des motifs d'une juftice fi évidente, et d'un poids fi décifif, qu'aucun des fophismes par lesquels ou à prétendu attaquer cette déclaration, ne fauroit y porter atteinte;

2. Que ces motifs fubfiftent dans toute leur force, et que les changemens furvenus de fait depuis la déclaration du 13 Mars, n'en ont point opéré dans la polition de Buonaparte et de la France, vis-à-vis des Puiffances.

3. Que l'offre de ratifier le Traité de Paris, ne fauroit, fous aucun rapport, changer les dispofitions des Puiffances.

En conféquence la Commiffion eft d'avis, qu'il feroit inutile d'émettre une nouvelle déclaration.

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Les Plénipotentiaires des Puiffances qui ont figné le Traité de Paris, et qui, comme telles, fout refponfables de fon exécution vis-à-vis des Puiffances accédantes ayant pris en délibération, et fanctionné, par leur

appro

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