Sidor som bilder
PDF
ePub
[ocr errors]

Dès qu'il connaît la destination des touches blanches du piano, l'élève me demande comment on fait les dièses sur cet instrument; je lui réponds que c'est par les touches noires. Et les bémols, continue-t-il? Par les touches noires aussi. Comment! dièses et bémols par les mêmes touches!.... Oui, lui dis-je; et que faut-il en conclure? En conclure, dit-il, que l'instrument est faux; la chose est évidente, car les dièses né ressemblent point aux bémols. Et pourquoi donc veut-on les faire ressembler? Ce n'est pas, lui dis-je, pour la pureté de l'harmonie, mais c'est, sans doute, pour simplifier le jeu de l'instrument. -Et n'a-t-on pas cherché quelque moyen de rendre l'instrument juste sans en compliquer le jeu? Par exemple, puisque par des pédales on peut assourdir ou éclaircir les sons, ne pourraiton pas, par des moyens analogues, faire passer le système des touches noires de l'état de dièses à celui de bémols, et vice versa ? C'est ce qu'il

[ocr errors]

faut proposer aux facteurs d'orgues, lui dis-je. Au reste, il se pourrait que ce fut par des moyens analogues qu'on a fait autrefois en Angleterre, et je crois même en France, des pianos à clavier courant, au moyen desquels on pouvait tout exécuter par le doigter naturel, et où, par conséquent, tous les tons étaient justes. Il semble que cette invention devait abréger beaucoup l'étude de cet instrument, puisqu'un seul doigter en remplaçait une quinzaine d'autres. Je ne sais pas. au juste pourquoi on l'a abandonnée : peut-être

est-ce parce qu'elle exigeait une connaissance profonde de la musique, au-delà de ce qu'en enseignaient les méthodes alors connues, et de plus une égale facilité à lire toutes les clefs, condition décourageante, quand on n'en apprenait qu'à grande peine une couple, à quoi on les avait insensiblement toutes réduites pour s'épargner un excès d'ennui. Mais si, par la méthode que j'expose, on se convainc qu'il est aisé d'apprendre toutes les clefs, et le reste en moins d'une année, on sera moins éloigné, peut-être même on sera désireux de voir renaître le piano sous cette forme dont je parle, qui en doit rendre l'étude beaucoup moins longue pour ceux que ma méthode aura préparés à savoir s'en servir.

Enfin, continue-t-il, que fait-on des touches noires? sont-elles toutes dièses, ou toutes bémols, ou partie en bémols et partie en dièses? laquelle de ces trois choses a lieu? - Peut-être aucune, lui dis-je, car cela dépend du système de l'accordeur; les uns, voulant conserver la justesse des tons les plus voisins d'ut, comme ceux de sol et de fa, de ré et de sib, accordent juste les deux dièses fa et ut, ainsi que les deux bémols si et mi; or, quand viennent les troisièmes tons de ces. deux séries, le ton de la d'un côté et le ton de mib de l'autre, le premier demande le sold et le second demande le lab; mais, comme on s'impose la condition de les faire par une seule et même touche, il est clair que le problême est insoluble sous ce point de vue : on est donc réduit à choi

sir; alors on préfère le sold, parce qu'il appartient aussi au mode mineur de la, dans lequel on passe plus fréquemment que dans le mineur d'ut qui demanderait le lab. Les choses étant ainsi arrangées, on a donc trois dièses justes et deux bémols, et l'on peut jouer juste en cinq tons majeurs, mais non pas dans tous leurs mineurs relatifs; car il faudrait avoir le réd pour le ton de mi, et le lad pour le ton de si. Somme toute, on est bien à l'étroit entre si peu de tons.

pas

Mais ne voulant abandonner encore le système de l'unité des touches noires, et ne pouvant pas réussir dans ce système à rendre tous les tons justes, d'autres ont imaginé de les rendre tous faux. il est vrai qu'ils ont su présenter leur idée d'une manière assez spécieuse, en faisant envisager le problème comme une petite erreur à répartir sur un grand intervalle, tel qu'est la somme de douze quintes; car, disaient-ils, si l'on accorde juste la suite des quintes en montant depuis l'ut, on arrive en douze quintes au sid qui ne diffère que trèspeu de l'ut auquel on voudrait qu'il fût égal; donc, si l'on augmente chaque quinte (1) d'une quantité

1) Je dois relever ici une erreur grossière dans laquelle tombent quelques partisans de ce système, quand ils disent qu'il faut affaiblir les quintes pour aller atteindre l'ut supérieur, sous prétexte que la suite de douze quintes conduit à un sid plus haut que l'ut voisin. Il ne faut pas savoir ce que c'est qu'un dièse, pour émettre une telle opinion. Mais ceux-là soutiennent que quatre quintes font

imperceptible qui soit la douzième partie de cette première différence, celle-ci sera, pour ainsi dire,

une tierce majeure trop forte, que deux quintes font une seconde majeure trop forte aussi, c'est-à-dire, en d'autres termes, qu'ils nient la parfaite égalité des six quintes majeures qui sont dans la gamme : fa ut, ut sol, solre, ré la, la mi, mi si; et par conséquent ils nient de même la parfaite égalité de tous les intervalles d'une même espèce, comme des tierces majeures d'un côté, des tierces mineures de l'autre, des secondes majeures entr'elles, etc., etc.; en un mot, ils renversent les principes les mieux établis de la musique, ceux sur lesquels aucun musicien n'élève le moindre doute, Il faut donc les renvoyer à ce qui a été dit plus haut sur la manière de démontrer aux commençans ces vérités qui sont d'expérience journalière. Ici je vais examiner sur quoi ils se fondent dans leur dénégation: ils disent que c'est sur une expérience contradictoire aux premières qu'on a pu établir avant que la science eût fait assez de progrès; voyons si cela est possible on accorde parfaitement juste, me dit-on, douze quintes de suite........ Ici je demande qu'on me prouve d'abord qu'il n'y a pas sur chacune de ces quintes parfaites un dixième de comma de trop. Je ne pense pas qu'on ose dire que l'oreille d'aucun musicien en puisse décider. De-là, si l'on me fait voir que le sid de la douzième quinte est plus haut que l'ut voisin, je crois être fondé à l'attribuer à l'erreur douze fois répétée qu'on a faite.

Mais ce n'est pas ainsi que raisonnent les partisans des quintes inégales ; ils forcent l'expérience dans sa préparation, afin de lui faire exprimer un résultat qu'ils avaient découvert par une autre voie. Il est même probable que cette expérience n'a jamais été faite, parce qu'on a dû la croire assez bien démontrée à priori, par le calcul que l'on va voir, qui est fondé sur de fausses hypothèses.

en

effacée sans que l'on s'en soit aperçu et si l'on renforce de cette même quantité les quintes descendant, on formera une suite de bémols égale à celle des dièses que l'on vient d'obtenir. En réduisant ce paradoxe à sa plus simple expression, on trouve qu'il revient à partager l'octave en douze

[ocr errors]

Le rapport de quinte majeure, pose-t-on en principe , est de 2 à 3, et le rapport d'octave est de 1 à 2 ( cela signifie que deux cordes dont les longueurs sont prises dans ce rapport, sonnent à peu près la quinte majeure ou l'octave, en leur supposant d'ailleurs même tension même grossenr, même densité, etc.); or, quatre quintes majeures consécutives donnent (octaves retranchées) une tierce majeure dans le rapport de 64 à 81, parce que.... , dont le est ; en outre, trois tierces majeures de suite, à partir de l'ut, font l'équivalent de douze quintes (octaves retranchées), et conduisent à un sid dont le rapport avec l'ut de départ est de 262144 à 531441, parce que 84 Or, ce dernier rapport est plus grand que celui de 1 à 2 qui exprime l'octave; donc, conclut-on de là, le sid dont il s'agit est plus haut que l'ut qui lui est adjacent.

81

81

81 8 I
34

[ocr errors]

531441 262144

Ce n'est pas ce qu'il fallait conclure; il fallait faire ici la réduction à l'absurde, et dire au rebours: donc le rapport de quinte, qu'on a supposé être de 2 à 3, implique contradiction avec celui d'octave supposé de 1 à 2; et si ce dernier est juste, le premier n'est pas rigoureusement tel (puisqu'il pourrait s'en suivre l'absurdité qu'un sid fût plus haut que l'ut voisin ); mais il est un peu moindre, quoique ce soit d'infiniment peu. En effet, la différence n'est que d'une septième ou huitième partie de comma, ou la quinzième partie d'un demi-ton mineur.

« FöregåendeFortsätt »