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qu'alors ils savent la tre et l'écrire du moins à l'égard de l'intonation). Cela n'est-il pas évident, s'ils savent tracer des caractères avec la plume? Voici comment ils écriront, d'abord, la première reprise de l'air de Gabrielle, par exemple:

sol sol ut si la sol ut ut mi sol mi ut ré ut.

Si ce n'est pas là tout-à-fait la notation de cet air, on conviendra qu'il s'en faut bien peu, et qu'il sera facile de perfectionner cette ébauche, en leur faisant remarquer qu'il y entre des sons aigus et graves qui portent le même nom, et des sons d'inégales durées que rien ne distingue à la vue. Ce sera alors le lieu de leur apprendre à distinguer dans l'écriture les diverses octaves d'un son par des points marqués au-dessus ou au-dessous du mot qui le représente; puis de leur faire séparer sur les signes comme elles le sont dans l'esprit, les durées égales appelées temps, qui sont composées tantôt d'un son unique ou d'une prolongation de son, tantôt de plusieurs sons brefs réunis ou entremêlés de silences. Enfin, ils apprendront bientôt à former des mesures par un nombre égal de temps, soit de deux ou trois ou quatre; alors ils écriront de cette manière, très-claire et très-correcte, la la même idée.

| sol sol ut | si la sol | ut ut mi | sol sol mi | ut rẻ rẻ | ut ut ut

Qu'ensuite, pour abréger, on substitue aux mots des lettres a b c d e f g, ou des chiffres 1 2 3 4 5 6 7, ou des portées, ou tout ce qu'on

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voudra, et l'on aura ces nouvelles notations plus simples que la précédente, et tout aussi bien qu'elle entendues des élèves :

ggcbagcc egge | caà | c c è ||

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|| 5 5 1 | 765 | 113 | 5 5 3 | 1 2 2 | 1 1 1 ||

Je ne m'étends pas davantage sur ce qui concerne la notation et la mesure, parce que j'y reviendrai ailleurs, et qu'à présent je n'ai en vue que de prouver cette thèse, que l'intonation à l'aspect des signes est la principale difficulté en musique, et que cependant il est possible et même facile de l'enseigner aux commençans, quoique jusqu'à ce jour on ait mal réussi à le faire. J'espère avoir démontré ce point, et qu'il résulte de mes analyses cette conséquence singulière, mais pourtant incontestable, que le fait qui a paru le plus étonnant dans mes élèves, je veux dire cette légèreté avec laquelle ils prennent les notes des airs qu'ils entendent, et qui ne se trouve que chez les musiciens exercés; en un mot, la facilité qu'ils ont de parler la musique est précisément le moyen qui fait qu'ils savent la lire. En effet, comment ne la liraient-ils pas, s'ils savent au juste, non par définition, mais par sensation, ce que valent les mots de sol, de mi, d'ut, de fa; s'ils voyent, pour ainsi dire, le son attaché à ces syllabes; et s'il leur est impossible d'en nommer une sans faire éclater à la fois ce son qu'elle porte avec elle? Mais essayez de leur déguiser ces noms sous de certains signes tels que vous voudrez en imaginer, qu'arri

vera-t-il ? que d'abord ils chercheront des mots où vous aurez mis des signes ; qu'avec très-peu d'efforts ils vont bientôt savoir les dénommer, et que dès-lors vos signes ne seront plus pour eux que comme les mots dont ils tiennent la place; ils n'y verront réellement que ces mots, et tout se passera, malgré vous, comme si vous aviez écrit en toutes lettres.

A la vérité, vous pouvez faire vos signes plus ou moins difficiles à nommer, plus ou moins indistincts à la vue; les nuancer par de si légères différences, que vous les oublieriez vous-même après les avoir établies (1). Si, plus encore, il fallait faire un calcul pour parvenir à dénommer vos signes, si le nom de chacun était non-seulement subordonné au nom du précédent, mais encore à la position respective qu'il aurait prise à son égard; s'il fallait continuellement décompter de l'un à l'autre plusieurs degrés intermédiaires, et pourtant franchir ces degrés d'un clin-d'oeil ; et si, à ce premier calcul déjà considérable pour la nomination des notes, il en fallait joindre un

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(1) C'est ce qui arrive infailliblement pour ces deux signes, dont le premier s'appelle soupir, et le second demi-soupir; et pour ces deux-ci" qu'on appelle pause et demi-pause. J'oserais affirmer que le lecteur, après avoir lu vingt fois cette note, confondra encore ces deux signes, et attribuera à l'un le nom de l'autre. C'est ce qui arrive même aux musiciens; seulement, il faut dire qu'ils n'ont pas besoin de savoir mieux les distinguer, et qu'ils ne s'en inquiètent jamais quand ils exécutent, parce qu'ils jugent facilement du vide de la mesure, en voyant qu'elle partie est occupée par des sons.

second non moins compliqué pour en découvrir la durée, alors, convenons-en, l'élève trop occupé de ce double calcul, tant qu'il ne lui est pas devenu familier, ne lira pas si vîte sur de tels signes que sur d'autres mieux choisis. Vous lui avez masqué les mots qui contiennent sa science et sur lesquels il fondait sa lecture; il les cherche dans une loi compliquée où vous les avez assujettis, et comme dans une énigme où vous les auriez renfermés ; mais remarquez qu'il ne cherche point l'idée. S'il hésite, c'est sur le mot; non sur la chose; s'il se trompe, ce sont ses yeux qui jugent mal des distances; non son esprit qui ne peut mal juger des rapports qu'il connaît. Il vous nommera peutêtre un fa pour un sol; mais si vous l'écoutez, c'est bien un fa qu'il chante, et point un autre son. Au reste, ses yeux ne le tromperont pas long-temps; il apprendra bientôt ce singulier calcul qui n'est pas de la science, et vous pourrez sous peu lui en proposer quelque autre qu'il apprendra de même. Ne voit-on pas que tous ces signes et tous ces calculs sont indépendans de la science musicale? que cette science existera toujours hors des signes par lesquels on en écrira les idées, et quels que soient ceux de ces signes auxquels l'usage voudra se fixer.

Si l'on disait que des enfans instruits de cette manière ne seront pas distingués plus que d'autres par une adresse étonnante à se servir de leur voix ou d'un instrument, que si jeunes ils ne seront pas artistes enfin, je répondrais d'abord que la méthode n'avait pas ce but; mais qu'ils seront

musiciens, qu'ils sauront lire et écrire les idées mélodieuses, et que c'est par-là qu'il fallait commencer. En outre, qui ne voit qu'ils deviendront artistes aussi, et beaucoup plus sûrement et plus vite que les autres élèves? C'est parce que leur imagination et leur voix auront un sujet continuel d'exercice dans les signes articulés. Les autres élèves ne savent étudier qu'au pupitre, les miens étudieront en tous lieux et à toute heure, même en jouant et en sautant beaucoup plus qu'à l'école.

Puis donc que tout dépend de faire parler la musique à l'élève avant de le mettre à la lire, avant de lui poser un cahier de notes sous les yeux, avant de lui dire qu'il y ait des notes au monde, toutes nos vues doivent tendre à ce point capital. J'ai dit que, pour y parvenir, il suffirait, à la rigueur, de graver dans sa mémoire un certain nombre d'airs, ou seulement de phrases musicales ramenées dans un même ton, et de s'en rapporter ensuite à la seule activité de son esprit du soin de faire sur ces phrases les analyses nécessaires; mais le comble de la perfection serait de trouver un moyen de diriger nous-mêmes à tout moment sa pensée sur les endroits où nous voudrons qu'elle opère, sans être obligés d'attendre que le hasard l'y amène par des détours (1).

(1) Il est très-remarquable que Galin, publiant son livre en 1818 (à une époque où il n'était nullement question des théories d'enseignement de M. J. Jacotot) ait dit, point pour point, relativement à la musique, ce que dit, à l'égard d'autres branches d'études, le fondateur de

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