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autorisés à user de plus de sévérité si, malgré ses dénégations, ils acquièrent la preuve de sa culpabilité. Mais lorsque les moyens de persuasion auront échoué et que l'accusé paraîtra décidé à nier, le rapporteur procédera de la manière suivante, que nous empruntons au Commentaire de l'ordonnance criminelle de 1670, édition de 1743 :

« Quant à la manière d'interroger, voici les principales règles « que le juge doit suivre la première est de ne jamais inter« roger l'accusé sur la substance même du délit, si ce n'est que « cet accusé avouât tout de lui-même. Mais hors ce cas, et lors« que l'accusé paraît disposé à nier, le juge l'interrogera seule«ment sur les circonstances du délit, et sur les différents indices qui sont prouvés au procès, et qui résultent des charges et «< informations, en commençant d'abord par les plus généraux a et par ceux qui ont un rapport plus éloigné au fait principal, «<et venant ensuite aux particuliers. Par exemple, il lui deman<< dera où il était tel jour, et avec qui ; s'il n'a pas connaissance « qu'il ait été commis un tel crime, et par qui; de qui il l'a « appris; qui sont ceux qui y étaient présents, et s'il s'en est << entretenu avec eux; s'il ne s'est pas trouvé dans l'endroit où le « crime a été commis le jour même du crime, etc. Le juge doit « aussi avoir attention de ne pas rédiger son interrogatoire sui«vant l'ordre des événements à l'égard de chaque indice, parce « que, dans cette manière d'interroger ainsi de suite et par « ordre, l'accusé peut aisément inventer des mensonges suivis, « et qui ne se contrediront point, et il ne sera pas facile de le « prendre par ses propres réponses. C'est pourquoi il est beau«coup plus à propos, dans ce cas, d'intervertir l'ordre des interrogations, de lui faire une ou deux questions touchant un « indice, et de passer ensuite à d'autres demandes touchant un << second indice totalement différent du premier; après quoi il « faudra encore passer à un autre, et revenir ensuite au pre«mier, sur lequel on fera de nouvelles questions différentes « des premières, continuant, ainsi de suite, à faire des inter« rogations sans ordre. En suivant cette méthode, il est bien « difficile qu'un accusé qui déguise la verité puisse, lorsqu'il « est interrogé sur tant de faits, se ressouvenir de tous ses mensonges. Ainsi il tombera aisément dans des contradictions « dont le juge pourra faire usage pour le presser de dire la « vérité et de faire l'aveu de son crime.

« En général, le juge doit interroger l'accusé par des circuits « et des interrogations éloignées, de manière que cet accusé ne << puisse pénétrer ce que le juge veut savoir de lui. Car il arrive, << par ce moyen, que l'accusé a coutume de convenir de plu

«<sieurs faits qu'il avait dessein de nier, et que souvent on peut tirer de ses propres réponses des arguments détachés, dont « l'aveu semblait ne pouvoir lui causer aucun préjudice, mais « qui, étant ensuite réunis ensemble, l'obligent nécessairement « à avouer son crime, ou du moins à dire des choses entière«ment contraires à ce qu'il avait dit précédemment, et à le «< convaincre de mensonge. Le meilleur parti qu'un juge puisse prendre dans ces cas est de méditer auparavant sur les inter« rogations qu'il peut faire à l'accusé, et de les écrire d'avance sur un papier qu'il aura à la main, de manière cependant « qu'il ne puisse être vu de l'accusé. Par ce moyen il pourra << faire les questions dans l'ordre et de la manière qu'il jugera à « propos, pour pouvoir convaincre l'accusé par ses propres << réponses.

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« La seconde règle nécessaire au juge pour bien interroger << est que toutes les questions qu'il fait à l'accusé doivent être « claires, précises et sans équivoque. Il doit surtout éviter de « se servir de ruses et de discours captieux pour surprendre « l'accusé; outre que cette voie ne convient point à la dignité a d'un magistrat, c'est qu'en usant de ce moyen il paraîtrait « plutôt agir avec passion qu'animé du zèle et du bien de la << justice.

Il est vrai que le juge peut user d'adresse, et quelquefois « même d'une espèce de surprise et de feinte pour découvrir << la vérité et tirer l'aveu du criminel, à l'exemple du plus sage « des rois; la considération de l'intérêt public et la nécessité « d'entretenir le bon ordre dans la société par la punition des « coupables, ont fait adopter ce moyen, qui est approuvé géné«ralement par tous les auteurs, et qui a été employé par des << juges intègres; mais il doit entrer beaucoup de sagesse et de « prudence dans l'usage qui en est fait. Il faut que l'artifice soit << innocent, sans reproche, exempt de fraude et de mensonge; « et lorsque le juge se sert de ces sortes de feintes, il doit faire << mention de ses demandes dans l'interrogatoire, et faire mettre << le tout par écrit. En un mot, il faut que les moyens d'adresse << que le juge emploie soient justes et légitimes, et il doit tou<< jours être sur ses gardes, pour ne pas devenir le ministre « de la calomnie et de l'oppression. S'il doit user de beaucoup << d'art pour découvrir la vérité, ce doit être aussi toujours sans «< aucune tromperie, et sans alarmer le criminel par de fausses << craintes ou sans le gaguer par de fausses espérances, et il ne << doit jamais rien faire contre la justice; autrement, il mérite « d'être puni.

« Ainsi, il doit bien prendre garde, en interrogeant un accusé « qui n'est pas encore convaincu : 1o de lui faire des interroga<<tions comme s'il avait commis le crime; s'il lui demandait

<< s'il s'est servi d'un bâton ou d'une épée pour frapper celui <«< dont on poursuit l'homicide, et ainsi des autres. Cette maanière d'interroger doit être regardée comme captieuse et «< indigne de la sagesse d'un juge. 2o Le juge doit éviter de sug« gérer des réponses à l'accusé. Par exemple, en l'interrogeant << sur ses complices, il ne doit pas lui demander si un tel était « du nombre de ceux qui ont commis le crime avec lui, mais << seulement quels sont ceux qui étaient avec lui dans le temps « que le crime a été commis, parce que la première de ces deux «< manières d'interroger est plutôt une suggestion qu'une de<< mande.

« Un autre artifice dont le juge ne doit jamais user à l'égard « d'un accusé est de ne lui pas promettre l'impunité, et qu'il ne <«<lui sera rien fait, afin de l'engager par ce moyen à avouer; <«< car il n'est pas au pouvoir du juge de lui tenir parole. Ainsi, « c'est une tromperie indigne, et pour laquelle un juge qui use « de cette fraude mérite d'être puni. D'ailleurs, quel jugement << peut-on asseoir sur une concession ainsi extorquée? Julius « Clarus (Quest, 55, no 9) prétend avec raison que l'accusé ne << peut être condamné sur une concession de cette espèce, s'il << n'est convaincu d'ailleurs; et c'est aussi le sentiment de Fari« nacius (Quest. 81, chap. VIII, no 280), à moins qu'elle ne soit << ratifiée ou soutenue d'autre indice (Ibid., nos 287 et 992). La << voie de promettre à un accusé qu'on le ménagera ou qu'on <«<lui diminuera la peine, afin de l'engager à avouer, est encore << un moyen dont le juge ne doit jamais user, et qui, quoique moins criant, n'en est pas moins répréhensible.

4o Le juge doit aussi éviter avec beaucoup de soin, en inter«rogeant un accusé, d'user de menaces; par exemple, qu'il le << fera mettre au cachot, ou dans les fers, s'il n'avoue pas. Toutes <«< ces voies sont injustes et tyranniques, parce qu'il arrive « souvent que la crainte, la terreur et les menaces du juge <«< étonnent tellement le criminel, qu'il lui arrive de faire des « réponses toutes contraires à ce qu'on lui demande, et que, quelquefois même, il avoue des faits qui ne sont pas vrais. «La troisième règle que le juge doit observer est de ne point « interroger l'accusé sur ce qui concerne le droit, mais seule«ment sur ce qui regarde le fait. C'est pourquoi ce serait lui <«< faire une question ridicule de lui demander si ce n'est pas lui <«< qui a tué ou empoisonné, etc., mais on doit seulement lui « demander si ce n'est pas lui qui a frappé, présenté un breu❝ vage, etc.

«La quatrième règle que le juge doit suivre en interrogeant «< un accusé est de lui laisser dire tout ce qu'il a envie de dire, << et cela non-seulement dans son premier interrogatoire, mais << encore dans les interrogatoires suivants; et il aura attention

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a de ne le point interrompre ni le contredire, mais de l'écouter patiemment; autrement, ce serait une tyrannie d'accorder la « parole à un accusé et de lui laisser la liberté de dire tout ce « qu'il croit nécessaire pour sa défense. C'est pour cela que les « juges intègres et prudents ont attention que l'accusé soit libre « et sans fers lorsqu'ils lui font subir un interrogatoire, afin qu'il puisse répondre plus librement, à moins que des cir«< constances particulières, de crainte de violences de l'accusé, « ne lui permettent pas de le faire.

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« La cinquième règle nécessaire pour bien interroger est que <«< si, dans un interrogatoire, l'accusé commence à avouer son crime, le juge ne doit point l'interrompre; mais il doit lui <«< laisser dire librement tout ce qu'il voudra, et faire rédiger «le tout par écrit, et promptement. Ensuite, lorsque l'accusé « aura cessé de parler, le juge doit poursuivre son interroga<< toire sans interruption, jusqu'à ce qu'il ait de lui un aveu « complet; lorsque le juge se trouve dans cette circonstance, << la longueur de l'interrogatoire ne doit point le rebuter, et il « doit profiter de l'instant favorable où l'accusé paraît disposé à << avouer tout. Car si une fois il venait à lui laisser le temps de « la réflexion, et qu'il remît la suite de l'interrogatoire à une «< autre séance, il courrait risque de ne plus rien tirer de lui, <«<et il arriverait peut-être, comme l'expérience le prouve tous « les jours, que l'accusé viendrait à changer d'avis, et à révo«quer ou corriger ce qu'il aurait avoué.

« Lorsque le juge aura une fois la concession de l'accusé, il << ne inanquera pas de l'interroger sur toutes les circonstances « du crime qui concernent le lieu, le temps, l'occasion, les armes, << la manière dont il a été commis, et autres semblables. Sur << quoi il faut observer que le juge ne saurait entrer dans un

trop grand détail sur toutes ces circonstances qui accompa<< gnent le crime; et si ce crime est du nombre de ceux qui, << vraisemblablement, ne se commettent point sans complices, «< comme sont les crimes de vol, de fausse monnaie, etc., ou <«< qu'il y ait des indices que le crime ait été cominis par plu«sieurs, alors il faudra l'interroger sur ses complices.

« Le juge persévèrera ainsi à interroger l'accusé jusqu'à ce « qu'il ait tiré de lui toute la concession; et cela afin d'avoir « par ce moyen une information ample et exacte, et de pouvoir «< conclure, par le moyen de toutes ces circonstances, si effec«tivement le crime a été commis conformément à la déclara«<tion de l'accusé, ce dont il sera facile de juger.

<< Mais si l'accusé répond d'une manière équivoque et ambiguë « aux questions que le juge lui fait, en se servant, par exemple, « de ces réponses: Je ne sais, je ne me souviens point, etc., il << faudra le presser d'expliquer ses réponses, et faire en sorte

«< qu'il puisse répondre d'une manière claire, distincte et exempte << de toute ambiguïté.

« Si l'accusé dénie des faits ou indices prouvés au procès, le « juge lui remontrera qu'il ne dit pas la vérité, et que le con<< traire de ses réponses est justifié par l'information. De même, « si l'accusé avance des choses qui n'ont aucune vraisemblance << ou qui se contredisent, le juge lui représentera que ce qu'il « dit n'est pas vraisemblable et est contraire à ce qu'il a déclaré précédemment, afin que l'accusé tâche d'expliquer et de con<< cilier ses réponses, et rendre, par ce moyen, la concession « vraisemblable, ou qu'il puisse être convaincu de mensonge « et de contradiction.

« Il arrive aussi quelquefois qu'un accusé disposé à nier vient, <«< dans la suite des interrogations qui lui sont faites, à avouer <«< un fait qui peut servir d'indice: alors le juge doit le presser << sur ce fait, et tâcher, en tirant de lui la vérité à cet égard, d'en << tirer des conséquences pour le fait principal, auquel le juge << tâchera de ramener peu à peu l'accusé, en l'interrogeant par « degrés.

« La sixième règle nécessaire est que le juge doit avoir les « yeux fixés sur l'accusé pendant tout le temps qu'il l'interroge, << et observer avec attention tous ses mouvements: s'il tremble, « s'il pleure ou soupire, il lui demandera la cause de ces mou«vements; pareillement, s'il chancelle ou s'il hésite, s'il est «<lent et médite ses réponses, le juge le pressera par des inter« rogations réitérées et fera mention de tout dans l'interroga«toire. » (V.Audition et Interrogatoire.)

RAPPORT sur l'affaire.

« Art. 108, J. M. L'instruction terminée, le rapporteur trans« met les pièces, avec son rapport et son avis, au commissaire impérial.... »

«

Cet acte est le dernier de la procédure faite par le rapporteur. C'est aussi le seul qui, après l'ordre de convocation, doive, aux termes de l'article 121, être lu à l'audience du Conseil de guerre.

Il doit être rédigé avec le plus grand soin, puisqu'il tient lieu d'acte d'accusation, et mentionner toutes les circonstances de la cause, tant à charge qu'à décharge, à l'égard du prévenu. En un mot, il doit être le résumé exact de toute l'information.

Il se termine par l'avis du rapporteur, avis qui doit être

« FöregåendeFortsätt »