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Dépêche, envoyée par le président du directoire exécutif de la République française au général Bonaparte, touchant les vues de la cour d'Autriche sur l'Italie (du 29 Sept.

1797. +).

Paris, le 8 Vend. An. 6.

Au général Bonaparte.

Vous devez maintenant, citoyen général, avoir reçu toutes les pièces et les renseignemens qui devaient vous mettre à portée d'apprécier les résultats du 18 fructidor. Vous savez que ce jour a rattaché la France au seul système politique convenable à sa dignité, à ses engagemens et à ses vrais intérêts.

C'est dans cette balance, dégagée aujourd'hui du poids de l'influence autrichienne, que le gouvernement vient de peser les questions contenues dans votre dépêche du troisième jour complémentaire.

Le ministre des relations extérieures vous trace, en conséquence, avec précision le cercle dans lequel il est tems, d'enfermer les négociateurs qui abusent (depuis six mois) de notre patience. Vous trouverez dans sa dépêche l'ultimatum du directoire.

Le directoire en même tems veut vous développer les motifs qui l'ont décidé à s'ouvrir entièrement à vous, et vous associer ainsi à la délibération que la gloire nationale vient de lui commander.

Les républiques n'ont péri que par la défiance et la pusillanimité. La confiance et le courage sont désormais les seuls mobiles du directoire exécutif. Quand il s'explique sur ce ton avec un homme comme vous, il est bien sûr d'être entendu, puisqu'il ne fait que vous parler dans votre langue naturelle.

L'Autriche eut de tout tems le désir et la volonté de s'établir en Italie, d'engloutir par degrés tous les petits états qui partageaient ce beau pays, et de réaliser par-là les titres chimériques de son saint empire romain.

(†) Correspondance inédite de Napoléon Bonaparte. zième Livr. P. 232.

L

Un autre projet favori de la maison d'Autriche était de devenir une puissance maritime.

L'intérêt de la France fut toujours d'empêcher l'exécution de ces vues, et, sous la monarchie, on réclamait sans cesse contre la perfidie ou l'erreur monstrueuse du traité d'alliance de 1756, qui nous subordonnait et nous liait nous-mêmes aux vues ambitieuses de la maison d'Autriche. Ainsi donc, sous les rois, on sentait la nécessité d'arracher l'Italie à l'influence germanique.

La république cisalpine nous en présente le moyen; mais, pour remplir ce grand objet, il lui faut de grandes ressources. Une république précaire ne les offrirait pas : son existence passagère donnerait un nouvel et déplorable exemple des efforts impuissans que l'Italie a faits pour regagner sa liberté, et qui n'ont jamais réussi, parce qu'ils étaient partiels.

Il est trop évident que si on laisse à l'empereur Venise, le Frioul, le Padouan, la terre- ferme jusqu'aux bords de l'Adige dont le cours se dessine de manière à la faire entrer dans le coeur de la Lombardie, l'Autriche donnera la main à Naples et à la Toscane; sans parler de l'Istrie et de la Dalmatie, qui, par la convenance et par leur valeur intrinsèque, l'emportent seules de beaucoup sur la Lombardie même. La république cisalpine, cernée presque de tous côtés par cette puissance vorace, en deviendra bientôt la proie. Loin de pouvoir la maintenir, nous serons expulsés nous-mêmes de toute l'Italie: nous n'aurons donc pas fait la paix, nous aurons ajourné la Nous aurons fourni à l'Autriche le moyen de nous attaquer avec plus d'avantage; nous aurons traité en vaincus, indépendamment de la honte d'abandonner Venise, que vous croyez vousmême si digne d'être libre. Et ce serait la France qui gratifierait l'empereur des élémens d'une marine faite pour s'emparer de son commerce du Levant! Combien de fautes nous ferions, et qu'elles seraient graves! Que l'Autriche en profiterait! Et que diraient la France et la postérité de nous voir prodiguer à la maison d'Autriche de pareils dédommagemens pour cette Lombardie, qu'il vaudrait mieux cent fois lui rendre que de la payer à ce prix?

guerre.

Calculons tout au pis, citoyen général; admettons l'hypothèse que repoussent votre génie et la valeur de votre armée; supposons-nous vaincus et expulsés de l'Italie: alors, ne cédant qu'à la force et au hasard des armes, notre

honneur sera sauf, nous serons demeurés fidèles aux vrais intérêts de la France, et nous n'aurons pas connivé à une perfidie qui n'aurait point d'excuse, puisqu'elle entraînerait des effets plus sinistres que les chances de guerre les plus défavorables.

songez

La seule objection qui nous aurait fait balancer, c'était de supposer qu'avec vos forces actuelles, vous ne seriez pas en mesure de résister à celles que l'empereur a eu le tems de rassembler autour de vous; mais d'abord que vos forces seraient moindres encore dans quelques mois après la paix que nous aurions la honte et l'imprudence de conclure. Songez que ce serait alors que l'Autriche, placée par notre propre fait au sein de l'Italie, pourrait nous prendre au dépourvu et nous détruire sans ressource.

Toute la question se réduit à savoir si nous voulons, si nous devons livrer l'Italie à l'Autriche. Or le gouvernement français ne le doit et ne le veut pas.

Ainsi donc, il préfère les chances de la guerre plutôt que de changer un mot à son ultimum, dėja trop favorable à la maison d'Autriche. En reprenant les armes, il conserve l'honneur et les intérêts de la France, et il ne peut douter que ces puissans motifs n'émeuvent aussi en vousmême, citoyen général, l'amour de la patrie et celui de la gloire, ces deux passions des grands coeurs, qui caracté. risent le vôtre.

Le directoire exécutif voit bien votre position, il ne s'abuse pas sur l'état de vos forces: vous ne pouvez guère compter que sur vous-même et sur votre armée accoutumée à vaincre. Les secours directs du Piémont ne vous conviennent point. La république cisalpine peut enrôler des Piémontais; vous pourrez exciter les vénitiens, les dalmates, peut-être même les hongrois. De leur côté, le directoire, le corps législatif sont disposés à vous aider de tout ce qui sera possible: vous en verrez la preuve dans la dépêche du ministre, et vous pouvez compter que les yeux du gouvernement vont être constamment fixés sur l'Italie et sur l'Allemagne.

Le directoire exécutif aurait voulu sans doute ne point commettre votre gloire à de nouveaux hasards. C'est à regret qu'il s'y résout; mais vous devez juger vous-même, citoyen général, que c'est la patrie qui l'exige: c'est elle qui par notre voix vous redemande encore ce que vous avez dėja montré avec tant de succès, connaissance du caractère

du soldat que vous conduisez, activité dans les apprêts; vitesse dans la marche, vivacité dans les attaques, diligence après la victoire. Soyez vous-même enfin, citoyen général, et la France pourra dicter les conditions d'une paix glorieuse et durable.

Réveillère-Lépaux.

IX.

LETTRES DE CRÉANCE, DE RAPPEL ET DE

RECRÉANCE.

LETTRES DE CRÉANCE.

Lettre de créance envoyée à M. D'Eon, ministre plénipotentiaire de France auprès du Roi de la Grande - Bre

tagne.

Monsieur mon frère, Comme mon cousin le duc de Nivernois, ayant terminé heureusement sa mission, doit prendre incessament congé de vous; et que je fais trop de cas des liaisons d'union et de bonne intelligence qui viennent d'être rétablies entre nous et nos sujets, pour souffrir la moindre interruption dans le soin de les cultiver, j'ai nommé le Sieur D'Eon de Beaumont (suivent ses titres et qualités) pour être mon ministre plénipotentiaire à votre cour et suivre en cette qualité sa correspondance jusqu'à l'arrivée du Sr. comte de Guerchy nommé mon ambassadeur près de vous. Comme il est parfaitement instruit de mes sentimens à votre égard, je ne doute pas qu'il ne s'acquitte de cette commission à notre satisfaction réciproque, et que vous ne vouliez bien ajouter une entière créance à ce qu'il vous assurera du désir constant que j'ai de vous donner en toute occasion, des preuves de l'amitié sincère et inaltérable que je vous ai vouée et avec laquelle je suis,

A Versailles,

le 3 Juillet, 1763.

Monsieur mon frère,

votre bon frère cousin

et ancien allié
LOUIS.

Le Duc de Praslin.

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