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DU

BIBLIOPHILE

REVUE MENSUELLE

PUBLIÉE PAR J. TECHENER

A VEC LE CONCOURS

DE MM. L. BARBIER, administrateur à la bibliothèque du Louvre;
Ap. BRIQUET; G. BRUNET; E. CASTAIGNE, bibliothécaire à Angoulême;
J. CHENU; de CLINCHAMP, bibliophile; V. Cousin, de l'Académie françoise;
Cuvillier-Fleury; D' Bernard, bibliophile; A. DINAUX; Bon A. ERNOUF,
bibliophile; FERDINAND DENIS, conservateur à la bibliothèque Sainte-
Geneviève; V DE GAILLON; prince AUGUSTIN GALITZIN; ALFRED GIRAUD;
GRANGIER DE LA MARINIERE, bibliophile; P. LACROIX (BIBLIOPHILE Jacob);
J. LAMOUREUX; C. LEBER; LEROUX DE LINCY; P. DE MALDEN; DE MONMER-
QUÉ; FR. MORAND; PAULIN PARIS, de l'Institut; Louis PARIS; D' J. F.
PAYEN; PHILARÈTE CHASLES, conservateur à la bibliothèque Mazarine;
Bo J. PICHON, président de la Société des bibliophiles françois ; SERGE
POLTORATZKI; RATHERY, bibliothécaire au Louvre; ROUARD; S. DE
SACY, de l'Académie françoise; SAINTE-BEUVE, de l'Académie françoise;
A. TEULET; CH. WEISS; YEMENIZ, de la Société des bibliophiles fran-
çois ; etc., etc.,

CONTENANT DES NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES, - PHILOLOGIQUES, HISTO-
RIQUES, LITTÉRAIRES, ET LE CATALOGUE RAISONNÉ DES LIVRES de
L'ÉDITEUR.

JANVIER.

TREIZIÈME SÉRIE

A PARIS

J. TECHENER, LIBRAIRE

RUE DE L'ARBRE SEC, 52, PRÈS DE LA COLONNADE DU LOUVRE.

1857.

Sommaire du n° de janvier de la treizième série

du Bulletin du bibliophile.

pages

3

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DE PIERRE CORNEILLE.

ANALECTA BIBLION.- Mystère de la vie et hystoire de
Monseigneur Saint-Martin, par Doublet de Bois-Thi-
bault..

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29

ÉTUDE LITTÉRAIRE

SUR

VAUVENARGUES

ET SES OUVRAGES.

« Le but des anciens philosophes étoit de porter les hommes à la vertu. Le dessein caché des modernes est de nous en détourner, en nous insinuant que nous en sommes incapables; et moi je leur dis que nous en sommes capables. »

VAUVENARGUES.

(Sur les philosophes modernes.)

Première née dans la foi, chevaleresque, polie dans la plus éminente acception du terme, la France semble destinée à répandre avec sa langue la religion, l'honneur et la civilisation. Elle n'a pas cessé, même dans ses jours de disette de grands modèles, de produire des hommes fidèles à cette mission supérieure et pacifique. Au milieu des philosophes chagrins dont la vie étoit un blasphème le caractère du plus jeune d'entr'eux ne se révèle à nous que comme une aspiration à la vertu, un élan vers l'humanité; la douce figure de Vauvenargues les domine, les fait oublier, et si ceux-ci montrent jus

qu'où l'esprit humain, doué de talents, peut décheoir, celui-là prouve jusqu'où il peut s'élever.

C'étoit une âme d'élite au niveau d'un esprit singulièrement incliné vers ces graves questions morales qui n'ont que l'air d'être abstraites et agiteront constamment le monde. C'étoit un de ces hommes rares qui ne vécurent que pour réfléchir, et, s'il a tracé peu de pages à une époque verbeuse, un de ses prestiges ne consisteroit-il pas en ce qu'une seule de ses pensées, représentant une masse d'idées, dévoile tout ce que son génie pouvoit enfanter si ses yeux ne s'étoient pas fermés à la fleur de son âge? Toujours replié sur lui-même, il n'est pas surprenant que les Mémoires du temps soient sobres de détails. sur son existence isolée; mais ceux qu'ils nous fournissent suffisent pour ratifier avec amour le jugement de Voltaire lui écrivant: «Si jamais je veux faire le portrait du génie le plus naturel, de l'homme du plus grand goût, de l'âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas >> (1).

I.

Le grand roi sous lequel les François furent grands alloit mourir quand naquit Luc Clapiers, marquis de Vauvenargues, sous ce beau ciel de Provence, qui semble féconder l'intelligence en même temps que le sol. Son père étoit Joseph de Clapiers, sa mère Marguerite de Bermond. D'une constitution délicate, peu familiarisé avec cette langue majestueuse qui apprend à écrire toutes les autres, étranger à l'idiome qui est aux sciences et aux arts ce que la lumière est aux couleurs, aucuns indices ne présagèrent d'abord en lui une aptitude particulière; mais bientôt ses nobles instincts, développés par la lecture chérie des chefs-d'œuvre du xvIIe siècle, l'élevèrent promptement audessus des défauts et des obstacles de sa situation, les firent même servir à ne relever que de lui-même. Il étoit pauvre, quoique issu d'une antique famille, existant aujourd'hui dans le

(1) Lettre de Voltaire à Vauvenargues, mai 1746.

pays qui, naguère, exerçoit l'hospitalité la plus large à l'égard -des François dans le malheur (1). A 17 ans, il entra comme sous-lieutenant au régiment du roi, et « c'est dans le tumulte des armes que se forma cet homme éloquent et profond» (2). Il fit la campagne d'Italie en 1734, celle de la succession en 1741. La fatale retraite de Prague, où le maréchal de Belle-Isle perdit sans combat une partie de ses troupes, acheva de détruire sa santé. Après neuf ans de service, il prit son congé avec le grade de capitaine. Il se sentoit porté davantage vers l'état civil. Malgré sa timidité naturelle, il demanda directement au roi de le servir dans les négociations; il adressa une requête à Louis XV et n'en reçut aucune réponse. L'insuccès mortifiant de cette démarche ne lança pas notre jeune moraliste dans le refuge entraînant de l'opposition. Les plus grands déplaisirs fortifient son âme au lieu de la troubler: son cœur ne participe pas à la licence des mœurs de l'époque, pas plus que son esprit à ses chimères. En observant que les corps politiques ont leurs défauts inévitables comme les divers âges de l'humanité, il pressent peut-être une ère nouvelle ; il parle quelque peu de la cause abandonnée des peuples. Il redoute la servitude comme le dernier des maux ; il a en horreur la sévérité inutile; il proclame que l'humanité est la première des vertus, le charme et la perfection de la nature. On aperçoit déjà en lui ce frémissement qui précède les fortes commotions sociales, mais on a en même temps la conviction intime qu'il n'auroit pas trempé dans ces utopies qui se terminèrent par des holocaustes (3). Il n'auroit

(1) Alexandre de Clapiers-Collongues, mort général au service de la Russie, a laissé deux fils qui y ont établi une branche de cette famille, une des meilleures de Provence. Elle est originaire d'Hyères, gouvernée par un de ses membres en 1330 et a donné un évêque à Toulon au xve siècle. Elle possédoit un fief et étoit de robe, lorsqu'elle s'établit à Aix, vers 1460; elle a fait ses preuves pour l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem dès le commencement du xvIIe siècle; mais Vauvenargues ne fut érigé en marquisat que par Louis XV.

(2) Voltaire. Discours de réception à l'Académie françoise.

(3) Cette expression est de M. le comte de Salvandy, que les lettres et la société ne sauroient assez regretter. Discours à l'Académie françoise du 25 août 1854.

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