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Maintenant je lui fais observer qu'il y a plusieurs octaves consécutives dans le clavier, et que les clefs mises aux portées sont pour désigner dans laquelle de ces octaves doit être exécuté le chant écrit; car il pourrait également s'exécuter dans toutes. Je lui fais voir l'ut du milieu du clavier, et je lui dis que c'est cet ut que désigne toute clef d'ut sur les lignes noires de la portée ; qu'ensuite la clef de sol désigne la quinte au-dessus de cet ut, et la clef de fa la quinte au-dessous. Voilà pour ce qui concerne

les clefs.

Cela posé, je lui représente que les mots ut, ré, mi, etc. ne désignent à son esprit que des sons relatifs à celui d'entr'eux qu'il veut prendre pour tonique, et dont l'intonation plus ou moins haute a jusqu'ici été entièrement de son choix. Je l'avertis qu'il n'en est pas de même pour les autres musiciens, et que, par ces mots, il leur plaît d'entendre des sons fixes, tels que le caprice a pu les établir sur le piano; car aucune règle naturelle n'a pu y concourir, puisqu'il n'y a pas de sons fixes dans la nature, que ceux qu'on croit rendre tels par la tension des cordes, la longueur des tuyaux, ou autrement, sont sujets à varier par les influences de l'atmosphère, par le froid ou le chaud, le sec ou l'humide, etc.;

et que l'oreille, enfin, ne pouvant rigoureusement conserver le souvenir d'un tel son, la voix elle-même ne peut le reproduire que par une assez grossière approximation (1). Cependant, continuai-je, cette approximation, toute grossière qu'elle est, n'étant pas regardée comme indifférente, voici ce qu'il y a de mieux à faire pour l'obtenir : c'est de mesurer au piano les limites de notre voix, de remarquer où atteint le son le plus grave ou bien le plus aigu qu'elle puisse exprimer nettement: ce sera un la pour les uns, un sol pour les autres, etc.; d'où il est clair qu'en partant de cette limite une fois connue, l'élève doit parcourir sur-le-champ la série des sons du clavier et aller prendre avec assurance la tonique indiquée par la clef d'une musique qu'il a sous les yeux; je dis du moins cette tonique telle que la contient l'instrument

(1) Ce serait donc une peine inutile que de faire étudier ton par ton aux élèves l'intonation absolue de l'instrument dont ils se servent, qui est monté d'après l'orchestre du lieu, et même ordinairement plus bas; car ceci ne leur servirait de rien pour un autre orchestre, supposé même qu'ils parvînssent à reconnaître les tons sur celui-là. Il y a un moyen plus simple à prendre : voyez-le dans le texte.

sur lequel il a mesuré sa voix; car il faut bien lui avouer que tous les pianos ne sont pas montés au même ton, ni même tous les orchestres du monde; en outre, faut-il lui dire que les limites de sa voix (sans parler de son timbre) sont mobiles aussi par les mêmes influences qui font varier le ton des instrumens; qu'à cela près, il aurait un moyen rigoureux de retrouver en luimême tel ou tel ton, et qu'il serait sûr alors de chanter aujourd'hui au même ton qu'il aurait chanté hier.

J'ai dit que mon élève a une autre manière de prendre le ton convenable à un chant proposé. Cette manière est d'autant plus remarquable, qu'elle n'exige pas que la clef annonce ce ton; il suffit que le chant soit écrit dans un ton quelconque, quand même il serait trop bas ou trop haut: voici en quoi elle consiste. L'élève remarque dans toute la suite de ce chant les deux limites entre lesquelles il est compris (1), ou seulement l'une de ces limites; il y applique

(1) Il serait commode au lecteur que l'on écrivit ces deux limites en tête de la pièce de musique, à la clef, pour lui éviter la peine de la recherche. Il est des améliorations si simples, qu'elles semblent n'avoir besoin que d'être indiquées pour être admises.

la limite analogue de sa voix sous la propriété que l'exige celle du chant, c'est-à-dire, comme sensible, ou comme médiante, ou, etc.; et de là il atteint aisément la tonique, soit sous le nom d'ut, soit sous tout autre qu'il veut lui donner. Voilà le ton effectif (1) établi convenablement à l'espèce de sa voix, quoique le chant ait pu être fait pour une autre espèce. En outre, il mesure ce ton par l'échelle des sons fixes, d'après les limites connues de sa voix relativement au piano, c'est-à-dire, qu'il examine sous quelle propriété sonnent ces limites dans le ton effectif qu'il a pris; et leur appliquant les noms absolus que le piano leur impose; il voit tout de suite le nom absolu que sa tonique porterait sur le même instrument. Il peut donc dire à quel ton le chant proposé aurait dû être écrit pour l'espèce de sa voix, c'est-à-dire, comment la clef aurait dû être armée. C'est par la même raison,

(1) Le lecteur doit se rappeler ici la distinction que j'ai faite ailleurs du ton effectif au ton noté ; le premier étant celui que prend réellement la voix du chanteur, et le second étant celui d'après lequel il solfie les notes: en sorte qu'il peut chanter, par exemple, au ton effectif de la, en solfiant au ton noté de ré ou d'ut, ou de toute

autre note.

qu'en écrivant un chant sous dictée, il l'écrit à volonté au ton et à la clef qui convient pour chaque espèce de voix dont je lui ai aussi appris les limites. Sur quoi je n'ai pas besoin d'avertir que, si les limites du chant sont plus rapprochées celles de la voix à laquelle on le

que

destine, ce chant peut évidemment être écrit en plus d'un ton, sans gêner le chanteur.

Pour donner un exemple de la manière de prendre le ton, qui vient d'être décrite, je suppose que la limite grave du chant qu'on a sous les yeux soit une médiante, et que l'on veuille solfier à l'alphabet d'ut; alors on prend sous le nom de mi le son le plus grave de sa voix, et de là on atteint aisément l'ut qui est la tonique cherchée. Mais si l'on voulait, dans la même hypothèse, solfier à l'alphabet de la, alors on prendrait sous le nom d'utd la limite grave de sa voix, d'où l'on s'éleverait au la, qui est la tonique. D'un autre côté, le lecteur sachant que la limite grave de sa voix est, je suppose, un sol du piano, il se demande quel est le ton où le sol sert de médiante; et comme il trouve que c'est le ton de mib, il en conclut que c'est dans ce ton effectif qu'il vient de chanter, et qu'il aurait pu de prime abord en employer l'alphabet.

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