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L'élève comprend donc maintenant pourquoi l'on est obligé d'écrire la musique à divers tons: cela s'est fait d'abord à cause des instrumens qui ne peuvent pas changer les noms des notes en en changeant les propriétés, au lieu que les voix peuvent transporter une même échelle de noms à tous les degrés possibles. En second lieu, quoique les voix puissent se passer à la rigueur des diverses armures de la clef, et prendre toujours sous le nom d'ut la tonique de départ, néanmoins, quand elles s'accompagnent de quelqu'instrument, on préfère qu'elles dénomment les notes de la même manière que l'instrument lui-même. Toutefois il faut avouer que ce n'est pas indispensable, et que le chanteur peut là-dessus se mettre à son aise, sans que l'instrument en soit ni plus ni moins dérangé que si l'autre exprimait les paroles d'une ariette en place des syllabes de la gamme. Mais, par une raison beaucoup plus importante, je préfère que mon élève prenne ordinairement l'ut pour tonique de départ (quoiqu'on ait vu qu'il puisse faire autrement): c'est pour que dans la lecture des bons auteurs dont il fera son étude, il puisse plus aisément remarquer et retenir les entrelacemens de tons et de modes, et comparer un auteur à un autre; car, par exemple,

deux chants renfermeraient des traits et des transitions analogues ou presque pareils, que, pour le reconnaître au juste, il faudrait nécessairement les rapporter à un même ton écrit ; alors seulement les ressemblances ou les différences sont à découvert et se montrent d'ellesmêmes: ainsi il faut faire à l'élève cette recommandation expresse à la fin de son étude, autrement il solfierait au premier ton venu, parce que ce lui serait indifférent, et néanmoins il n'en retirerait pas de beaucoup le même fruit. Je parle ici par expérience autant que par spéculation. J'éprouve tous les jours, en dictant des phrases à mes élèves, qu'ils les notent, si je les laisse faire, avec le premier alphabet qui leur tombe dans l'esprit, c'est-à-dire, qu'ils supposent partir indifféremment du ton de fa, ou de sol, ou de la, ou d'un autre ton, et qu'ils continuent dans cette hypothèse. Mais je les oblige à prendre toujours un même point fixe de départ, pour qu'ils remarquent mieux la diversité des routes qui, dans la modulation, les en éloignent et les y ramènent.

Que l'on mette maintenant sous ses yeux une pièce de musique, il me semble que l'on doit trouver dans la masse d'idées qu'il a acquises une raison suffisante de croire qu'il va savoir la

lire à la première vue, ou du moins après quelques minutes d'examen, si le cas l'exige (1) (sans parler du fait d'expérience qui a déjà précédé l'exposition de mes moyens). En effet, à l'armure de la clef, il reconnaît 'sur quelle ligne de la portée est posée la note tonique; il dé

(1) Le mot de livre ouvert pourrait être pris par quelques-uns dans un sens si étroit, si rigoureux, qu'ils me nieraient tout court l'assertion; mais il faut dire qu'ils la nieraient de même au premier musicien du monde. S'il s'agissait d'une gageure, par exemple, l'adversaire ne manquerait pas de chicaner sur la matière inépuisable de la justesse des sons et de l'égalité des temps, qu'il ne trouverait jamais assez parfaites à son gré; car il verrait soi-disant dans l'une des comma de différence, et dans l'autre des millièmes de seconde. Surtout il ne souffrirait pas que le lecteur se reprît subitement d'une faute, si légère ou si grossière qu'elle fût. Je doute que quelqu'un, à ces conditions, voulût hasarder de lire deux pages d'un livre, ni qu'en même temps cela lui parût une raison suffisante d'avouer qu'il ne sût pas lire à livre ouvert. Ainsi, pour diminuer autant que possible cette espèce de chicane, je modifie ici le texte, et je demande le quart-d'heure pour mon élève. Ceux qui trouveront que c'est beaucoup, trouveraient encore trop de cinq minutes. Ces gens-là sont trop difficiles à contenter. Qu'ils cherchent ailleurs une meilleure méthode.

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nomme cette note ut ou autrement; il prend le ton, soit d'après la clef, soit d'après les limites observées du chant qu'il va exécuter; il prend le mouvement de la mesure de la manière qui sera dite ci-après; il lit (c'est-à-dire, il chante): s'il rencontre des dièses ou des bémols, il sait les entonner; s'il rencontre des bécarres pour détruire l'armure de la clef, il les traite comme bémols quand la clef est armée par dièses, et il les traite comme dièses quand la clef est armée par bémols: il remarque, à l'oreille, les changemens de tons et de mode par le changement de propriété des notes; même il les remarque, y a lieu, avant l'apparution du dièse ou du bémol qui doit les confirmer, et il sait alors que ces signes se trouvent dans les autres par ties de l'harmonie (1). En un mot, on ne s'attend

s'il

(1) Quant aux bécarres employés pour détruire les dièses ou les bémols d'une mesure antérieure, et quant aux dièses ou bémols employés pour rentrer dans le ton de la clef d'où quelque bécarre aurait fait sortir, ces signes-là sont d'abord inutiles, puisque les musiciens ont posé pour principe qu'un dièse ou un bémol n'a d'effet que dans la mesure actuelle (encore vaudrait-il mieux que ce ne fût que sur la note actuelle), et n'en saurait avoir sur les mesures ultérieures. En second lieu,

pas qu'il lui soit plus difficile de chanter sur une suite de points noirs écrits que sur une suite imprévue de coups de baguette.

Dès qu'il connaît la destination des touches blanches du piano, l'élève me demande comment on fait les dièses sur cet instrument; je lui réponds que c'est par les touches noires. -Et les bémols, continue-t-il?-Par les touches noires aussi.Comment! dièses et bémols par les mêmes touches!....Oui, lui dis-je ; et que faut-il en conclure?-En conclure, dit-il, que l'instrument est faux; la chose est évidente, car les dièses ne ressemblent point aux bémols. Et pourquoi donc veut-on les faire ressembler?

Ce n'est pas, lui dis-je, pour la pureté de l'harmonie, mais c'est, sans doute, pour sim

ils sont nuisibles à la lecture, puisqu'ils trompent le lecteur en l'avertissant de chercher une note qu'il avait sans cela sur les lèvres ou sous les doigts. Par cette double raison ces signes doivent être exclus d'une écriture correcte et régulière, outre qu'ils ne sont pas d'un usage universel; car, il faut le dire, ces signes-là ne sont que de pur caprice, et se sont glissés dans la musique contre toutes les règles. Pourquoi est-on si facile à laisser corrompre la pureté des bons signes, tandis qu'on est si sévère sur la conservation des mauvais?

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