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gement de ton. Toutefois, comme vous refrappez à plusieurs reprises ces deux accords siré fa et ut mi sol consécutivement, l'oreille revient peu peu de son étourdissement; et jugeant qu'elle est à présent dans le ton majeur d'ut, elle entend sonner la touche si, sous une tendance à monter sur l'ut, tandis qu'auparavant elle entendait ce même son sous une tendance à des

cendre au sib, mais c'est parce qu'elle le regardait comme un utb. Voilà done deux jugemens différens qu'elle porte sur le même accord, ou plutôt sur l'intervalle de deux mêmes touches de l'instrument, regardant cet intervalle ou comme une tierce mineure si ré, ou comme une seconde augmentée utb ré, selon la route qu'elle voit qu'on lui fait tenir.

Il n'y a pas d'autre manière d'expliquer ceci qu'en disant que la succession des sons et des accords, entonnés justes, est soumise à des lois naturelles que l'oreille prend pour guide, même quand ces sons et ces accords sont légèrement altérés; qu'alors elle se prête à les redresser (non à les adopter), tant que ces mêmes lois sont bien observées; mais, que dès qu'elles cessent de l'être, les sons ont beau être justes, elle les condamne comme s'ils étaient faux. J'ai la preuve que les choses se passent ainsi, car lors

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que je fais prendre, même à mes plus jeunes élèves qui ont 7 à 8 ans, des notes que je touche au piano, ils ne confondent jamais les intervalles différens provenus des mêmes touches: les noms qu'ils leur appliquent dépendent toujours du ton dans lequel je les fais paraître. Ainsi, les touches si fa, qui font une quinte mineure, si je les résous sur ut mi, ne font plus à leur esprit qu'une quarte majeure sous les noms de utb fa, si je les résous sur sib solb, ou sous les noms de si mid, si je les résous sur lad fad. Mais si je les résous alternativement sur uț mi et sur sib solb, ils trouvent tous ces rapports faux, mal sonnans et indéchiffrables: tantôt j'entends si fa, me dit l'un, sur ces deux touches, tantôt utb fa, tantôt si mid, et je ne sais auquel me tenir; est-ce que chaque touche fait sonner plusieurs cordes à votre volonté ?..................... Autre expérience si l'instrument est un peu discord, l'élève prend les notes comme s'il était juste, mais avec cette différence qu'il se récrie sur les sons qu'il entend: voilà un fa, me ditil, mais il est faux; voilà un mauvais réd; ici vous avez voulu faire un sib, mais vous l'avez mal fait, il fallait le faire comme cela.... (et il le chante). Il me semble que ces faits d'expérience confirment bien l'explication qui les précède.

Cette matière m'a conduit à parler du genre enharmonique, ce genre tant vanté chez les anciens Grecs, lesquels pourtant le laissèrent se perdre. On s'étonne de lire dans les auteurs, que, jusqu'au temps d'Alexandre, le diatonique et le chromatique étaient négligés des anciens musiciens, et qu'ils ne s'exerçaient que dans l'enharmonique, comme étant le seul digne de leur habileté. On ne conçoit guère non plus comment Plutarque, venu cinq cents ans plus tard, sentait encore si vivement la sublimité de ce genre alors tout-à-fait abandonné, qu'il apostrophait les musiciens de son temps de ne plus le connaître, et d'oser dire que les intervalles n'en sont pas sensibles, comme, dit-il, si ce qui échappe à leurs sens grossiers devait être hors de la nature. Tout cela, joint aux merveilles qu'on raconte de la musique ancienne, semblerait dire que les musiciens Grecs étaient de bien autres hommes que les nôtres. Mais on ne regarde alors qu'au témoignage des auteurs, et l'on ne considère pas que celui des musiciens mêmes leur était contraire par le fait. D'ailleurs, si l'on veut faire attention que les instrumens de musique des Grecs étaient presque tous composés de cordes qui se touchaient à vide, et qu'ils employaient par conséquent une corde

pour chaque son, on sera moins étonné qu'ils exécutassent des morceaux enharmoniques, et nous en exécuterons comme eux quand nous voudrons; il ne s'agira que de toucher dans un ordre déterminé des cordes prédisposées à cet effet, sans qu'il soit pour cela nécessaire d'avoir nulle idée de ce qui en résultera. L'on pourrait exécuter de cette manière tous les genres bizarres qu'on voudrait imaginer; mais il n'en est pas moins vrai que des violons, et surtout des voix seules, seraient bientôt déroutés à des lectures de cette espèce. Rameau avait composé dans ce genre un tremblement de terre qu'il ne put jamais faire exécuter à l'orchestre : il en accusait la mauvaise volonté des musiciens, ceux-ci se rejetaient sur l'impossibilité de la chose, et depuis lors on ne voit pas que personne l'ait tentée.

A la vérité, les modernes se vantent d'avoir une espèce de genre enharmonique, mais qui est fort différent de celui des Grecs. On nous dit que pour eux c'était une manière de conduire la mélodie par de petites inflexions d'un comma d'intervalle, et nous ne concevons pas que cela fût possible autrement que, comme je viens de l'expliquer, par les instrumens. Mais pour nous c'est une manière de feindre de telles inflexions dans les parties d'un accord et de conduire l'har

monie, comme si elles avaient eu rigoureusement lieu; de sorte que nous n'entendons d'enharmonie que par supposition': car, sur nos instrumens, le même son servant de dièse et de bémol suivant l'occurrence, si nous passons de l'un à l'autre, c'est donc sans réfléchir le son, et il faut alors que l'oreille y suppose une inflexion qui ne s'y est pas faite; c'est ce à quoi l'oblige, malgré elle, la force de la modulation et la marche des autre parties de l'harmonie, comme on a vu qu'il est arrivé ci-dessus, en faisant prendre à l'utb la qualité de si, ou réciproquement: de sorte qu'envisageant un accord sous une face pour y entrer, on l'envisage après sous une autre face pour en sortir. Il est clair que de cette manière c'est une surprise faite à l'oreille, un vrai tour d'escamotage, et, pour bien dire, une fausse intonation. Les exemples que j'ai donnés des deux résolutions de l'accord si ré fa ou utb ré fa, sont donc dans notre genre prétendu enharmonique.

Ces licences feintes dans la modulation en ont amené de réelles dans l'écriture musicale, du côté de l'armure des clefs. Par exemple, une pièce commencerait en mib, mode majeur, que venant à passer au mineur de la même base (relatif de solb), on se permettrait d'écrire une

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