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continue ses batteries, et cependant l'accord est changé....; c'est parce que l'autre baguette a fait un mouvement. Voici de simples notes de passage qui ne sont de rien à l'harmonie ; mais voici des dissonnances préparées et sauvées par des consonnances. Ici le ton va changer, parce que je transforme dans ma pensée cet accord de dominante, où nous sommes, en un accord de tonique; modifiez vos idées sur cet averti: quittez l'impression du ton précédent, et tenez-vous prêt aux accidens de celui-ci. Maintenant je change le mode en conservant la même tonique.... Prévoyez-vous les bémols ou les dièses qui vont survenir?

Voilà par quelles pratiques saisissant les idées au passage, nous attachons invariablement à chacune les règles qui s'y rapportent. En mêmetemps on voit que par-tout où seront réunis mes élèves, il sera aisé de tirer du plaisir de leur instruction, en les rangeant de cette manière sous la conduite d'un maître qui se chargera de tenir la baguette et d'improviser des chants. Comme ce clavier naturel sera d'autant plus étendu qu'on réunira plus de différentes espèces de voix, on pourra y marquer du moins deux parties, comme je viens de faire; et peutêtre trouvera-t-on quelque jour le moyen d'y

conduimarquer une harmonie complète en y sant plusieurs baguettes. Je ne doute pas que la facilité qu'il y aura de se procurer cette jouissance, quand la méthode sera plus répandue, ne développe parmi nos amateurs, hommes de goût, ce talent d'improviser qu'on dit qui est poussé si loin en Italie.

Il me reste à discuter une question importante, relativement aux modulations: c'est de savoir si elles ne sont bien déterminées que par le concours de la basse et du chant, ou s'il n'appartient qu'à l'harmonie de donner l'impression du ton, et si la mélodie n'a pas comme elle ce privilége. Il est permis de s'étonner que cette question ait été agitée. Il paraît cependant que ce qui y a donné lieu, est d'avoir remarqué qu'une même phrase de chant puisse prendre la couleur de différens tons par la diversité des basses qu'on lui assigne. Mais ce fait, qui est exact, comporte-t-il la conséquence qu'on en a tirée ? c'est ce que nous allons apprendre.

Il faut considérer d'abord que la détermination du ton ne dépend pas seulement des cordes qui vont être frappées, et qu'elle dépend aussi de l'ordre dans lequel on les frappera. A cet égard, un seul tétracorde peut se trouver dans deux tons différens, soit dans celui de sa der

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nière corde quand on le monte, ou dans celui de sa première corde quand on le descend. II est incontestable, par exemple, que si je répète plusieurs fois dans cet ordre le tétracorde ut ré mi fa, l'oreille prendra naturellement l'impression du ton de fa; et qu'au contraire, si je le répète plusieurs fois dans cet ordre fa mi réut, elle prendra l'impression du ton d'ut. D'où vient cela? le voici.

La tonique est une note de repos vers laquelle tendent toutes les phrases musicales qu'on enchaîne. Celles-ci s'en écartent et s'en approchent sans cesse, à peu près comme les balancemens d'un corps suspendu l'éloignent de la verticale et l'y ramènent. L'oreille préjuge le terme de ces espèces d'ondulations; et dès qu'elle l'aperçoit, elle le sous-entend jusqu'à la fin, prenant plaisir à lui comparer tous les sons qui se succèdent. Or, quand elle entend répéter plusieurs fois, en notes égales, cette succession fa mi ré ut, elle ne peut s'empêcher de prévoir ou du moins de désirer que l'ut soit le terme de ces répétitions; aussi est-on sûr de la choquer, si l'on se repose sur une autre note: vous vous écrieriez alors que le chant n'est pas fini; qu'est-ce que cela veut dire? car le chant est fini du moment qu'on ne chante plus.... Cela

veut dire que la terminaison de ce chant n'est pas telle que vous l'aviez prévue, et voilà ce qui vous choque.

Mais par quelles règles l'oreille déterminet-elle ainsi une base sur laquelle le chant doit se résoudre ? Il ne faut pas alléguer ici le sentiment secret, le goût naturel, qui sont des mots vides de sens. Il vaut mieux avouer qu'on n'a pas encore découvert les règles de nos jugemens à cet égard, et qu'on les a mieux senties qu'on n'a su les exprimer. En y réfléchissant davantage, on pourra, je crois, reconnaître qu'elles sont de deux espèces : les unes se rapportant à l'intonation des sons et à leur arrangement de phrases en phrases, les autres se rapportant à leur durée et même à leur coïncidence avec les temps forts ou faibles de la mesure: car, par exemple, si vous réduisez le tétracorde fa mi ré ut en deux mesures de trois temps, savoir: une mesure pour le fa, et un temps pour chaque autre note, que vous le répétiez plusieurs fois de cette manière :

||fa| mi ré ut | fa | mi rẻ ut | fa | etc.

l'oreille attribuera naturellement au fa la propriété de tonique, et attendra ce fa pour conclusion du chant; tandis qu'au contraire, si vous

faisiez quatre temps ou trois temps de chaque note, elle attendrait le repos sur l'ut. En résultat, il paraît qu'un seul tétracorde mis en mesure, et même un seul mouvement de quarte ascendante, suffit souvent à l'oreille pour lui faire préjuger le ton, et que si la suite du chant ne répondait pas à ce début, elle en serait chagrinée.

On peut s'expliquer à présent pourquoi quelques modernes ont regardé notre gamme comme étant en deux tons différens. Cela dépend de la combinaison qu'ils formaient de nos deux tétråcordes ut ré mi fa et sol la si ut; car, en les montant tous les deux par notes égales, le premier annonce à l'oreille le ton de fa, et le second celui d'ut; au contraire, en les descendant, le premier annonce le ton d'ut, et le second celui de sol. C'est ce qui a fait dire à Grétry que notre mauvaise gamme est composée de deux morceaux pour faire une seule pièce. Mais en cette matière, comme en toute autre, nous ne devons pas accuser la nature de se contredire, nous ne pouvon sque nous accuser nous-mêmes de n'avoir pas découvert ses vraies voies.

Les analyses précédentes assurent donc à la mélodie la propriété de déterminer le ton qu'on lui a contesté quelquefois, prétendant que l'har

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