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DE LA MESURE.

On se rappelle que tout en exerçant mon élève à l'intonation de la gamme d'ut, je l'habituais à mettre une certaine cadence dans ses phrases, c'est-à-dire, que je lui faisais sentir les effets de la mesure, ou des diverses proportions de durée sons, avant que de lui en montrer les signes écrits: fidelle à ce principe, que les idées doivent précéder les signes dans l'esprit de l'étudiant; mais il sentait ces effets sans en remarquer suffisamment la cause bientôt je la lui fis découvrir, en lui enseignant à multiplier et à diviser une durée quelconque prise pour unité, et qu'on appelle temps de la mesure. Voici de quelle ma

nière.

Je lui mis une baguette à la main avec laquelle il frappait une suite de durées égales ou de temps; en frappant deux coups pour un, il exprimait les moitiés du temps. Il frappait, donc alternativement un temps entier, puis deux moitiés. Cet exercice lui fut d'autant plus facile qu'il imitait fidellement l'effet de la grosse caisse, que tous les enfans ont remarqué de bonne heure. Presqu'aussitôt je lui fis accompagner ces coups de baguette d'un son de voix arbitraire qu'il pouyait varier à son gré, ou répéter souvent le même.

Les syncopes, ou les prolongations du son d'un temps à l'autre, furent exprimées sans peine, en faisant une légère aspiration à l'entrée de chaque temps. Ce fut la voix seule qui indiqua d'abord cette circonstance du chant, car la baguette ne faisait jamais que frapper un coup ou deux; cependant par la suite la baguette aussi désignait la même chose, en ne frappant que le temps ou la moitié de temps qu'articulait la voix, et en figurant une légère pression sur la moitié aspirée ou de prolongation.

Les silences entrèrent ensuite dans ces combinaisons, de la même façon que les syncopes, soit pour un temps entier, soit pour une moitié de temps, et soit dans la première moitié du temps, soit dans la seconde. Dès que l'élève eût suffisamment remarqué ces circonstances, je lui enseignai à les écrire par les principes que j'exposerai tout-à-l'heure. Tout cela n'exigea pas plus de deux semaines d'exercice au milieu de nos autres opérations.

J'ai laissé l'élève à ce point jusqu'au quatre óu cinquième mois, c'est-à-dire, sans le faire passer aux sous-divisions du temps plus petites; d'abord, parce qu'avec ces seules données, il est une classe immense d'airs connus qu'on peut lui faire chanter; ensuite, parce que pour lui

faire chanter des sons plus brefs, il fallait qu'il eût acquis de la volubilité à l'intonation. Ce ne fut donc qu'alors que je lui enseignai à diviser le temps par quarts; or, il fallut lui faire comparer cette sous-division à toutes les combinaisons de celles qu'il connaissait. Pour cela, je lui fis premièrement frapper les quarts à la suite des moitiés, ce qu'il fit de la même manièreque pour frapper les moitiés à la suite des temps entiers, parce que dans cette opération il pouvait considérer momentanément la demie comme étant l'unité à diviser en deux parties égales. Il fit ensuite succéder les quarts aux temps entiers, et réciproquement il apprit à revenir des quarts aux unités ou aux demies. Je lui fis ensuite diviser le temps en une moitié et deux quarts, soit la moitié devant les deux quarts, soit les deux quarts devant la moitié. Je n'abordai les syncopes et les silences, entre les quarts, que quand il fut suffisamment exercé aux combinaisons que je viens de dire, et qu'il sut passer des unes aux autres à commandement ; quelquefois aussi je frappais moi-même les durées, et l'élève les désignait à partir de l'unité convenue. Enfin, les syncopes et silences furent soumis aux mêmes combinaisons; puis, après un temps convenable, j'appliquai l'écriture à ces

nouvelles idées, comme je l'avais fait la première fois, et par les mêmes principes.

Le lecteur comprend comment j'ai pu passer à la sous-division par huitièmes, en supposant l'unité de temps assez lente pour la comporter. Voilà pour ce qui regarde la division binaire du temps; quant à la division ternaire, si elle est uniforme dans la suite du chant, c'est-à-dire, si le temps n'est pas alternativement divisé par tiers et par demies, elle n'offre aucune difficulté, parce que le tiers du temps, si bref qu'il soit, devient alors l'unité de durée à laquelle tous les sons se comparent, et qui n'est plus soumise qu'à la sous-division par deux. Il est même remarquable que, quand on chante un seul son dans le temps, on y sous-entend trois parties, et qu'on les exprime même intérieurement par trois coups de gosier, très-légers à la vérité, mais néanmoins d'autant plus nécessaires au chanteur, que la durée du temps est plus lente. Or, cette attention est inutile quand il ne s'agit de diviser le temps que par moitié : ce qui semble indiquer que la division binaire est plus naturelle, plus facile que la division ternaire, outre qu'on peut dire que celle-ci ne se redouble pas comme celle-là ; c'est-à-dire, qu'on n'exprime guère les tiers de tiers ou neuvièmes parties du

temps, au lieu qu'on exprime les demi-tiers, les quarts de tiers, etc.; en sorte qu'on peut dire que la division par deux est réellement la plus usitée en musique.

Mais quand la division fondamentale est binaire dans la suite du chant, et qu'accidentellement un temps se présente à diviser en trois parties, ce qu'on appelle un triolet, alors ce changement de rhythme offre une vraie difficulté qu'il faut apprendre à vaincre par l'exercice. J'exercerai donc mon élève à frapper des tiers à la suite des temps, puis à la suite des demies et à la suite des quarts, et à revenir de l'une de ces divisions à l'autre, après l'avoir quittée. Cette pratique est nécessairement plus longue que les deux premières dont j'ai parlé soit parce qu'elle offre un plus grand nombre de combinaisons, soit parce qu'elle est moins naturelle et moins facile. Du reste, on la terminera par l'insertion des syncopes et des silences entre les tiers du temps, et on y appliquera l'écriture.

Désormais l'élève sait multiplier et diviser l'unité de durée ou le temps de toutes les manières possibles, car il est aisé de voir qu'il en a épuisé toutes les combinaisons. Cependant je n'ai pas dû attendre qu'il en fût à ce point pour

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