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tant la conséquence de ses idées acquises. En effet, il tient une musique à la main,. qu'il ne sait pas lire, je suppose, à raison des signes de durées qui lui sont inconnus; mais d'abord il se dit en y jetant les yeux: il n'y a pas là une idée écrite que je n'aie par avance dans la tête, et je suis prêt à l'exprimer correctement, aussitôt que j'apercevrai le rapport de ces signes à ceux qui me sont familiers. Or, cela est-il bien difficile ? en voilà déjà plusieurs tels que je les connais. Voyons les autres : mesure à quatre temps, quatre noires dans une mesure; donc chaque noire est pour un temps: ici, trois noires et deux croches; donc la noire vaut deux croches, et ces croches sont deux demi-temps là, trois noires et quatre doubles croches, qui sont donc quatre quarts de temps ou de noire : ailleurs, une croche simple et deux doubles pour remplacer une noire; c'est donc une moitié avec deux quarts, mais c'est mal écrit de les séparer: là, elles sont bien écrites, parce qu'on les a liées. Maintenant je vois un point qui touche la note qu'il prolonge; il est mal posé, car il appartient au temps suivant, ou à la seconde moitié du même temps: n'importe, il suit une blanche, et une noire vient après; donc il est là pour une noire, pour un temps.

En voici un autre qui suit une noire et qui est suivi d'une croche : là il vaut donc demi-temps, puisque les deux demi-temps de la mesure sont d'ailleurs complets........ N'y a-t-il rien de plus difficile que cela? Eh quoi! ce ne sont que les propres signes qu'on m'a fait connaître, mais qui sont mutilés en divers endroits. Proprement ce sont les lettres des mots du discours, dont on s'est plu à déranger les distances, faisant quelquefois passer à la fin d'un mot les lettres qui commencent le suivant, et d'autres fois séparant toutes les lettres comme si elles faisaientautant de mots. On ne peut pas appeler cela une autre écriture, mais tout au plus une écriture dégénérée de la première.

Voilà les raisonnemens que feraient mes élèves pour apprendre d'eux-mêmes les signes ordinaires, si je négligeais de les leur montrer. Je dis plus: voilà les raisonnemens qu'ils ont fait dans l'impatience de connaître ces signes avant le temps que j'avais marqué pour les en instruire. Mais quand ce temps est venu, je leur ai donné chaque jour une pièce de musique gravée, pour la traduire selon nos signes perfectionnés, je ne dis pas en chiffres, il ne faut pas qu'on s'y trompe, je dis en notes noires bien assemblées sous les traits qui rendent les temps distincts à la vue. Quand ils ont fait cette tra

duction plusieurs mois matériellement, c'està-dire, la plume à la main, alors on conçoit qu'ils la peuvent faire mentalement assez vîte pour chanter la pièce proposée en même-temps qu'ils la traduisent. Mais alors le spectateur ne voit plus une double opération, il n'en voit qu'une seule qui est l'action de chanter, l'autre lui étant cachée, parce qu'elle se passe toute dans l'esprit du chanteur; or, c'est celle-ci qui forme le secret de tout musicien et son vrai procédé de lecture.

Le lecteur a dû remarquer que dans notre manière d'écrire les fractions du temps, le mode de leur génération reste toujours à découvert; ainsi, par exemple, quand on voit que l'unité est divisée en sixièmes, on voit en même-temps si ces sixièmes sont venus en prenant la moitié du tiers, ou en prenant le tiers de la moitié; car dans le premier cas ils se présentent en trois groupes de deux sons, comme 12 34 56 (1), et dans le second cas en deux groupes de trois sons, comme 123 456. (Voyez les classes B et D

(1) C'est ce que les musiciens appellent des six ou sixièmes; dénomination vague, puisqu'elle conviendrait également aux tiers de moitié; mais ils appellent ceux-ci des trois ou triolets.

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ci-dessus. ) Cette double expression des sixièmes, qui est indispensable puisqu'elle répond à deux effets distincts dans le chant, entraîne une triple expression des douzièmes et des dixhuitièmes : les douzièmes, par exemple, peuvent s'engendrer par quart de tiers faisant trois groupes de quatre sons, ou par tiers de quart faisant quatre groupes de trois sons, ou par demi-tiers de moitié faisant six groupes de deux sons répartis en trois groupes et trois groupes; en conséquence ils peuvent s'écrire de ces trois manières :

12 34 12 34 12 34, 123 456 123 456, 12 34 56 12 34 56

la première expression vient, comme on voit, de la division ternaire, et les deux autres viennent de la division binaire.

On doit comprendre à présent pourquoi la pluralité des traits est nécessaire dans l'expression des fractions du temps. Elle est indispensable sous un double rapport: premièrement, pour qu'on aperçoive la génération de ces fractions, condition sans laquelle on ne pourrait les lire, ou on les lirait de plusieurs manières si elles comportaient plusieurs modes de génération; elle l'est encore pour aider l'œil à compter le nombre de sons groupés dans

chaque temps; car l'arithmétique de l'oeil, comme celle de l'oreille, ne s'étend qu'au nombre trois : au-delà de ce terme l'oeil ne voit et l'oreille n'entend qu'une multitude confuse qu'ils ne démêlent qu'à l'aide d'un calcul. Qu'on essaie, par exemple, de se représenter mentalement six points ou six objets également espacés sur une même ligne, ou, qui plus est, assemblés en un tas; on y fera d'inutiles efforts, et l'on sera réduit à la fin à se figurer deux groupes de trois ou trois groupes de deux objets; de même pour se représenter le nombre neuf, on est obligé de le distribuer en trois groupes de trois unités et si quelque cause extérieure vient troubler cet arrangement, le nombre aussitôt s'efface de la pensée. En un mot, les nombres un peu grands ne se peignent à l'esprit qu'à l'aide d'une décomposition qui même ne peut s'étendre fort loin; et l'on remarquera, peutêtre avec quelque surprise, que cette décomposition est exactement la même que celle que nous pratiquons dans l'écriture musicale. Il ne suffirait donc pas de ne couvrir que d'un trait les six sixièmes, ou les huit huitièmes, ou les douze douzièmes d'un temps, comme l'aurait fait J. J. selon ses principes; et c'est là un défaut considérable de sa notation, qui d'une

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