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ni le zéro à queue, dans mon système; car ce serait la preuve qu'on ne l'aurait pas compris : la valeur relative de ces signes est tout-à-fait indéterminée, tant qu'on les considère épars et isolément; mais elle se détermine sans équivoque, quoique très-diversement, à l'aspect des temps où on les a diversement groupés.

Pour bien apprécier la clarté de cette écriture, il ne faut que voir comme elle est conforme à la génération des idées qu'elle exprime. L'oreille ne juge des durées que par les retours équidistans d'un choc continuel qui l'affecte; et, s'il était possible de suivre les progrès de l'éducation de cet organe depuis sa naissance, nous trouverions que dans son premier période elle n'est affectée que de l'uniformité de ces retours, qu'elle ne sent que des durées égales, que des unités de temps. Ce n'est qu'ensuite qu'elle apprend à diviser ces intervalles par un choc intermédiaire ou par deux seulement; et alors il lui est nécessaire d'affaiblir ces coups interposés, pour ne pas laisser se perdre l'idée de l'unité génératrice. Plus tard elle parvient à distinguer de nouveaux coups au milieu ou aux deux tiers des précédens; mais elle n'étend guère plus loin cette sous-division, sans être obligée de changer son unité primitive et de

la réduire, par exemple, à moitié ou au tiers de ce qu'elle était. D'un autre côté, si le choc unitaire cesse d'agir en quelques endroits, l'oreille y supplée en empruntant le secours d'un autre sens : le tact (1), par exemple, la sert très-bien dans cette opération; c'est par lui que le médecin compare les intervalles des pul sations; c'est par lui encore que le musicien compte des silences et des syncopes, même lorsque le spectateur n'en remarque rien. Tout indique donc qu'il faut retracer aux yeux, dans l'écriture comme elles le sont à l'esprit, ces époques équidistantes de la durée, ce choc unitaire que l'oreille a besoin de sous-entendre aussi nécessairement qu'une note tonique parmi les intonations,

Il s'ensuit encore qu'elle ne juge pas de la durée individuelle des sons consécutifs, mais qu'elle a besoin qu'ils soient rassemblés dans les intervalles des chocs fondamentaux, sans se confondre avec eux. Si, par exemple, on exprimait une suite de sons à intervalles inégaux,

(1) Le toucher est le sens le plus général; et l'on pourrait dire que les autres n'en sont que des modifi cations, et que l'ouïe, la vue, l'odorat, le goût, ne sont que le tact rapporté à de certaines parties du corps,

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et dont les durées fussent, je suppose, telles

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l'oreille ne saurait s'en rendre compte et n'y trouverait que confusion, quoique pourtant ces durées soient de celles qu'elle peut mesurer dans d'autres cas. C'est parce que le choc unitaire ne tombant sur aucune de ces époques, on n'y voit plus de terme commun de comparaison. Par conséquent, une écriture qui ne ferait que représenter ces époques irrégulières, avec la simple indication de leur durée individuelle, comme serait dans cet ordre une double croche

pour le, une croche de triolet pour le, une croche ordinaire pour la , une croche pointée pour le une noire pour le I, deux croches de triolets liées pour représenter les ; une telle écriture, dis-je, serait complétement illisible, et arrêterait à coup sûr les plus habiles praticiens; non que le passage dont il s'agit soit impraticable de sa nature, mais c'est qu'il le devient par la manière obscure de le présenter; car, d'ailleurs, il cesse de l'être aussitôt l'on que y a fait la distribution des temps, et que l'on y a mis en évidence l'unité de durée que cherchent l'oeil et l'oreille pour se diriger;

en cette sorte:

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d'où j'infère que les notes ordinaires, employées isolément comme on le fait, n'ont pas la puissance de rappeler à l'esprit les diverses fractions du temps, et que ce n'est pas en les considérant de cette manière qu'on parvient à les lire. Les mêmes considérations nous font voir pourquoi les silences et les syncopes mis à l'entrée des temps font un effet si peu naturel et qui paraît si étrange aux oreilles inexpérimentées. Je veux parler des coupes de cette espèce

02, 02, 023, 023, 034, 034, etc.

c'est que la durée d'un son n'a pas de terme distinct comme son origine, et qu'on n'est averti qu'il finit, qu'à l'instant précis où un autre commence. Or, le silence dont il est ici accompagné ne laisse plus entendre cette limite, puisqu'il n'en est que la suppression; et c'est de quoi sont d'abord choquées les personnes qui n'ont pas ajouté l'éducation de l'art à celle de la nature. Aussi, quand on fait alterner des sons et des silences dans la mélodie avec une certaine vitesse, tout ce qu'on y peut connaître, c'est que les uns et les autres se succèdent de telle façon que le temps en est rempli; mais

il est physiquement impossible de dire pour quelle fraction chacun y entre. Ainsi, à la vue de ces deux exemples:

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dont l'un présente plusieurs demi-temps de son séparés par des demi-temps de silence, et l'autre plusieurs quarts de son séparés par trois quarts de silence, vainement l'œil décide qu'ils doivent produire un effet différent; car cette différence échappe à l'oreille dans l'exécution. Par conséquent, il serait illusoire d'avoir une préférence scrupuleuse pour l'une ou l'autre de ces façons d'écrire, si ce n'est pour la plus simple des deux; et je dois observer à ce sujet, que cette considération diminuera d'autant le nom

bre des variétés qu'apportent la syncope et le silence dans les coupes du temps.

C'est toujours par les mêmes principes qu'on s'expliquera le bizarre effet que produit le concours de deux parties de chant, quand l'une est soumise à la mesure binaire et l'autre à la mesure ternaire. On doit comprendre pourquoi l'oreille a tant de peine à saisir ce double effet, et les lecteurs plus de peine encore à l'exécuter; c'est que l'attention se partage pour diviser içi

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