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Les élèves s'étant bientôt habitués aux inégalités de la baguette, il sera facile de les amener à voir une certaine proportion dans ses degrés de vitesse. On pourra la faire reposer un temps ou deux, ou plus, sur certains barreaux, tandis qu'elle ne passera que demi - temps sur d'autres. Ces proportions sont suffisantes pour lui faire chanter une foule d'airs dont le mouvement ne soit pas trop vîte, et dans lesquels la sous-division des temps n'aille pas jusqu'aux quarts (1). Encore, quand on en rencontre de tels, est-il aisé de se tirer d'embarras, soit en faisant deux temps d'un seul dans toute l'étendue de l'air, soit, si les quarts ne s'y voient qu'en un ou deux endroits, en modifiant ces passages, n'y tenant compte que des notes principales que le maître doit savoir distinguer des notes de liaison et de goût. On commencera naturellement par les plus simples de ces airs, par ceux, qui ne contiennent pas d'intervalles qui soient totalement inconnus à l'élève; ou bien on l'y préparera d'abord en isolant la phrase qui présente ces difficultés, et en la modifiant sous la baguette de plusieurs manières,

(1) Il me semble que le lecteur doit mieux m'entendre par ce langage, que si je lui parlais de doubles-croches.

ce qui est très-facile. On fera même bien de choisir d'abord quelque air que l'élève connaisse; on aura eu soin d'en découvrir un : on le lui marquera sans l'en avertir; il le chantera correctement sans s'en apercevoir; on l'interrogera, il ne se sera pas entendu ; mais la curiosité de tous est vivement excitée. On le lui fait répéter. Ses camarades l'entendent plutôt que lui qui le chante; ils le reconnaissent, le nomment, et c'est une grande joie pour eux de voir ce premier fruit de leur étude. C'en est un effectivement, et ils ne peuvent en douter puisqu'ils se trouvent en communication de pensées avec leur maître, puisqu'ils voient au bout d'une baguette des idées telles que le maître les conçoit, et puisque tous les voient de la même manière. Ils sont donc convaincus qu'ils ont fait des progrès. Ce sentiment profond est la vraie cause du plaisir qu'ils éprouvent. Aussi ils aiment une étude qui leur procure de telles jouissances, et leur esprit fait tout l'effort dont il est capable pour seconder la méthode qui les instruit. Je n'ai besoin pour entretenir ces bonnes dispositions, que de leur faire continuellement sentir que leurs progrès vont croissant; or, c'est ce que je fais depuis la première leçon.

En effet, le lecteur a dû remarquer que, dès

que son

le premier instant, l'élève est obligé de chercher ma pensée au bout de la baguette, qu'il est soumis à la règle de chanter seul d'après ses mouvemens, et que ma voix ne lui est d'aucun secours. Ce n'est pas comme dans les autres méthodes où sa voix ne fait que suivre celle du maître en l'imitant: il en résulte esprit ne fait aucun exercice, et que, n'essayant jamais ses forces, il n'est jamais au point de marcher seul. Ici il marche seul dès les premiers pas; s'il bronche, il se redresse, et à tout moment il apprend à se raffermir. Jamais le maître ne l'aide, même sur les passages difficiles, car s'ils sont bien amenés, l'élève ne les trouve pas tels. Ceci est fondé sur le principe, que ce que nous savons le mieux est ce que nous trouvons de nous-mêmes. Mon élève peut donc se rendre le témoignage qu'il découvre une à une toutes les idées qui entrent dans sa tête, et que je ne fais que le placer dans le point de vue propre à les lui faire découvrir. Je suivrai scrupuleusement ce principe qui ne doit jamais plier devant les difficultés, et j'en ferai voir plus loin des applications assez neuves qui pourront sembler surprenantes.

Au point où nous sommes parvenus, les élèves connaissent beaucoup plus de rapports (d'in

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tervalles) qu'on n'a cru leur en apprendre, et il peut être curieux d'en remarquer la cause. D'abord, l'ut a été pour eux le grand terme de comparaison de tous les sons de la gamme : sans doute parce qu'il est celui sur lequel la mémoire se fixe le mieux, que son impression est si profonde qu'elle se conserve même au milieu du chant, et qu'il est le dernier son qu'on oublie quand on est près de s'égarer. Or, ils n'ont pu apprendre les rapports de divers sons à l'ut sans y trouver implicitement les rapports de ces sons entr'eux; tout comme, dirai-je aux géomètres, quand on sait les rapports que deux quantités ont à une troisième, on sait le rapport qu'elles ont entr'elles. Que, par exemple, les deux intervalles ré ut et sol ut soient connus de l'élève, et qu'il les chante dans cet ordre ut ré-sol ut, il exprimera sans y penser le rapport de quarte ré sol dans le passage du premier intervalle au second; et ce même rapport lui reviendra ensuite par mille autres chemins, parce qu'à mesure qu'il avance, il prend pour nouveaux termes de comparaison d'autres sons sur lesquels il s'est affermi. Le sol, par exemple, est un point considérable de la gamme, et le premier après l'ut qu'il aura remarqué; il s'en servira donc de la même manière.

Nous pouvons maintenant conduire la baguette dans le tétracorde aigu sol la si ut, ainsi que dans le quintacorde grave sol fa mi rẻ ut, c'est-à-dire, qu'on peut lui faire parcourir tout ce champ :

UT ré mi fa SOL la si UT ré mi fa SOL la si UT.

pas

Bien entendu que comme les voix des élèves n'ont deux octaves d'étendue, ils ne pourront faire d'exercice à l'aigu qu'en quittant le ton par lequel ils en pouvaient faire au grave, et réciproquement. Il suffit que la baguette embrasse comme les voix une dixième ou onzième d'intervalle; et quand celles-ci n'embrasseraient qu'une octave, l'élève n'apprendrait pas moins à donner aux deux limites de la sienne la propriété de tonique, ou celle de dominante, ou toute autre.

A proportion que ses idées s'étendent, l'élève cherche à faire des combinaisons neuves des rapports qu'il connaît. Il faut seconder son désir, et lui apprendre à faire d'abord des combinaisons régulières. On lui fera donc, par exemple, parcourir l'échelle en montant de tierce et descendant de seconde alternativement, et réciproquement; mais surtout on lui fera connaître les accords parfaits contenus

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