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ployer des feuilles à l'encre, je me sers d'une grande planchette rayée en portées de musique, sur laquelle j'écris à la craie les airs que je veux faire chanter. Cela donne à ma classe un aspect nouveau d'où l'élève attend de nouvelles jouissances, comme il arrive toujours d'un changement de scène. D'ailleurs, j'ai constamment observé qu'un commençant mesure l'importance des objets à la grandeur des signes : c'est pourquoi il ne faut pas épargner les dimensions si

Mais il y a plus par rapport aux chiffres; c'est qu'ils ne sont pas même dans l'analogie des idées que je viens d'exposer, et qu'en quittant l'exercice de la baguette, l'élève se trouve naturellement introduit aux notes ordinaires sur les portées, sans soupçonner que des chiffres pussent faire le même office. C'est donc de pure fantaisie que je lui enseigne cette notation; mais il faut convenir qu'elle est si commode pour l'usage particulier, par le peu de volume qu'elle occupe, par la facilité et la rapidité de l'écrire, tout papier y étant propre, et par l'économie de l'impression si l'on voulait faire, des recueils de musique à peu de frais, qu'elle mérite bien d'être plus connue, indépendamment de celle dont on se sert. C'est par là que j'ai voulu rendre hommage à la mémoire de son illustre auteur, sans prétendré, comme lui, de la substituer à l'écriture vulgaire.

Il est remarquable que ces chiffres, transportés des

l'on veut frapper ses sens, comme il est indispensable de le faire, puisque c'est par cette porte que les idées lui doivent entrer dans l'esprit.

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Quand je dis que pour lui faire lire un air je n'ai qu'à le lui mettre sous les yeux, je ne disconviens pas qu'il faut auparavant que je lui enseigne comment on représente par écrit, outre les mouvemens de la baguette, les durées

mathématiques dans la musique, ont fait naître l'idée à quelques personnes que ce dernier art n'était sans doute qu'une application de ces sciences; et l'on entend dire encore quelquefois que Rousseau a fait de la musique par les mathématiques: de quoi les uns concluent que sa méthode ne vaut rien, et les autres qu'elle vaut beaucoup. Je peux répondre à ces personnes que leurs conséquences ne portent sur rien, et que la locution d'où elles les tirent ne présente aucune idée à l'esprit; autrement il faudrait dire aussi qu'on fait de l'algèbre par la langue française, parce qu'on y voit figurer les lettres de l'alphabet. Rousseau n'a point fait de musique par les mathématiques; non plus il n'a point donné de méthode pour en faire et si on lui en eût demandé une, il n'aurait probablement pas compris la question. Rousseau a fait un projet de nouveaux signes pour la musique ; ces signes, qu'il a proposés pour remplacer les anciens, sont des chiffres; mais ces chiffres. perdent dès-lors leur qualité numérique pour en prendre

des coups qu'elle frappe. Mais cela n'est pas si difficile qu'on le pense, puisqu'il me suffit de deux ou trois leçons pour le mettre au fait de ce point. Ce qui rend la mesure difficile pour les élèves ordinaires, c'est premièrement qu'ils l'étudient sans savoir l'intonation, et qu'alors ils sont occupés de deux choses à la fois; en second lieu, c'est que les signes par lesquels

une musicale ce ne sont plus des un, des trois, des cinq, ce sont des ut, des mi, des sol. Ceci est tellement vrai, que j'ai parmi mes élèves des enfans qui n'ont connu un 4 sous le nom de quatre, qu'après l'avoir long-temps connu sous le nom de fa. Quoiqu'il en soit, ces chiffres furent mal accueillis des musiciens de son temps, et ce fút sans doute ce qui l'empêcha de donner à la suite de son projet une méthode d'enseignement qu'il s'était proposé de faire, basée sur l'adoption de sa nouvelle écriture. Au lieu d'une méthode, il écrivit force épigrammes contre ces Messieurs, qui achevèrent de les aveugler sur le mérite de son système.

Je ferai voir plus loin quelles sont les modifications nécessaires que j'ai dû apporter à l'écriture de J. J. pour la rendre usuelle; et l'on se convaincra que son adoption dépendait essentiellement d'un nouveau système d'idées, d'un nouveau mode d'enseignement, bien loin d'en pouvoir être la base.

on la leur enseigne sont choisis à contre-sens des idées qu'on veut qu'ils expriment. Mais pour ne pas interrompre le récit des exercices de l'échelle, je renvoie à la fin ce qui concerne la mesure.

Dès que l'élève commence à lire, je lui donne chaque jour un air écrit qu'il emporte chez lui pour l'apprendre par cœur, et le marquer luimême à la baguette. C'est un grand désespoir quand, par manque de sagesse, il n'en peut obtenir un, ou s'il n'en obtient que la moitié! Il ne s'exposera de long-temps à cette terrible punition. Voilà les nouvelles jouissances qu'il s'était promises: lire un air sur un morceau de papier! avoir dans sa poche la romance nouvelle que joue l'orgue par les rues! et celle-là encore qu'une dame chantait l'autre jour, et qu'on lui chantera ce soir !..... Qu'il est vrai ce plaisir, et qu'il est vif pour l'enfance de sentir naître en soi quelque chose de commun avec ce qui l'environne !

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Je passe aux quatrième, cinquième et sixième mois. Je prépare d'abord mes élèves aux changemens de ton et de mode, en leur faisant chanter à la baguette des airs qui participent de deux tons différens, comme ne contenant pas la note sensible ou la sous-dominante. L'air

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de Malborough, par exemple, est de la première espèce; on peut l'écrire en sol sans qu'il y paraisse de dièses; d'autres pourront s'écrire en fa sans qu'il y entre de bémols. Les élèves remarqueront cette singulière circonstance, qu'un même air puisse être exprimé par deux différens systèmes de notes; ils seront étonnés que le sol sonne à leur oreille comme s'il était un ut, le la comme un ré, et ainsi à proportion; ou bien que ce soit l'ut qui sonne sous la propriété de sol, le ré sous celle de la, le mi sous celle de si, et ainsi des autres. C'est qu'ils chantent en sol dans le premier cas, et en fa dans le second; mais ils ne savent point ce langage: ils croyent bonnement de s'être trompés; ils refont l'expérience, et pourtant ils sont jetés sur la même conclusion. Pour les tirer d'embarras, je leur dis que la chose est singulière en effet, que j'en suis surpris comme eux, mais qu'elle est véritable; et que tant qu'un air ne contient que les six cordes ut ré mi fa sol la, il peut s'écrire sur les six cordes sol la si ut ré mi, et réciproquement; que seulement il sera dans un ton plus bas à l'un de ces systèmes qu'à l'autre, mais qu'ils savent de leur propre expérience que nous pouvons prendre l'ut tonique, tantôt plus bas, tantôt plus haut, à notre volonté.

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