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tombe bien des fois d'un étonnement dans un autre opposé, avant de s'apercevoir que la cause en est dans la précipitation de ses jugemens. Vous lui démontrerez donc que l'accord de si ne ressemble ni à celui d'ut, ni à celui de la, auxquels vous le ferez comparer successivement. Il faudrait donc donner à cet accord un nom différent qu'aux autres; vous le ferez appeler accord de quinte mineure, pour des raisons qui seront dites plus tard.

Ces comparaisons, d'un genre entièrement neuf, méritent toute l'attention du lecteur; c'est sans doute la première fois qu'il en voit faire de telles aussi je tâche de les décrire avec toute la précision dont je suis capable. On en verra ci-dessous bien d'autres exemples; mais, dès à présent, l'on doit remarquer que je fais superposer les intervalles et les phrases musicales pour en reconnaître l'égalité, tout comme en géométrie on superpose les lignes et les figures qui en sont formées.

Il est temps de faire chanter des airs à changement complet de ton, c'est-à-dire, dans le courant desquels surviennent des dièses ou des bémols; l'élève va le faire à la première fois aussi facilement, aussi bien que s'il l'eût tou jours fait.

Dièses et bémols.

Il faut ici que l'élève connaisse à fond les changemens de clefs, c'est-à-dire, qu'il sache marquer avec une égale célérité un air à la baguette, quelque place qu'on assigne à l'ut sur les barreaux de l'échelle. Or, on a vu combien il est aisé de le rendre indifférent à cette position de l'ut; fort de cette habitude et de toutes celles qu'il a déjà acquises; bien affermi sur l'intonation dite naturelle, ainsi que sur la mesure (du moins jusqu'aux sous-divisions par quarts du temps), on va lui faire changer à souhait le ton avec la clef sans aucun effort. En effet, que faut-il pour cela, que lui dire de nommer ut le son quelconque où il sera parvenu sur l'échelle, et où l'on voudra que s'opère la transition; on pourra convenir, pour cela, d'une certaine situation de baguette, comme, par exemple, de la relever perpendiculairement à l'échelle dans ce moment-là.

On sait que tous les degrés ne sont pas également favorables à la transition; mais, par cette manière, j'assure qu'il n'y en aura aucune de difficile. Néanmoins, il est clair qu'il faudra premièrement habituer l'élève aux transitions les plus communes en musique, qui sont dé

passer au ton de la dominante et de la sousdominante, c'est-à-dire, de porter le nom d'ut au cinquième degré, ou au quatrième, de la gamme que l'on quitte, pour faire de ce degré le premier de la gamme que l'on prend: il sera cent fois plus aisé que je ne puis dire, de promener ainsi l'élève sur tous les tons où l'on voudra passer.

Or, s'aperçoit-on que mon élève sait désormais tous les dièses et les bémols imaginables? Cela étonne peut-être, mais rien n'est plus vrai néanmoins; car, qu'est-ce qu'un fa dièse, par exemple, sinon une note sensible? Et quand l'élève vient d'appeler ut le son qu'auparavant il appelait sol, le si de ce nouvel ut, qu'il entonne sans hésiter, est-il autre chose qu'un fa dièse, relativement au ton du départ?..... De même, qu'est-ce qu'un si bémol, sinon une sous-dominante ? Et quand il vient d'appeler ut le son qu'il appelait d'abord fa, le fa de ce dernier ut, qu'il entonne pour ainsi dire à la course, est-il autre chose qu'un si bémol, en le rapportant à l'ut primitif?....

Mais, dira-t-on peut-être, l'élève faisant un dièse ou un bémol de cette manière, le fait sans le savoir. Que veut dire cela? Peut-il faire une opération nouvelle, sans savoir qu'il

fait une opération nouvelle? Et qui donc le saurait pour lui? Mais on veut dire qu'il ne sait pas qu'on appelle dièse ou bémol le nouveau son qu'il exprime. De cela j'en conviens; et c'est précisément ce que je n'ai pas voulu qu'il sût encore. Lequel vaut mieux de savoir, la chose ou le nom qu'elle porte, et par lequel faut-il commencer? Croit-on que le nom doive entrer avant la chose dans son esprit ? Croit-on que les noms aient existé avant les choses autour de nous ?

Mais qu'on soit sans inquiétude; je vais lui apprendre sur l'heure ce que c'est qu'on appelle fa dièse, et ce que c'est qu'on appelle si bémol. Le lecteur, qui m'a suivi jusqu'ici, prévoit que je n'y aurai pas grand'peine, puisqu'il ne me faut qu'imposer un nom nouveau à une nouvelle idée que vient d'acquérir l'élève. Cependant il faut la saisir au passage, cette idée, pour lui jeter le collier qui doit la retenir. Voici com→ ment je procède :

Je rappelle à l'élève la comparaison déjà faite des deux hexacordes de sol et d'ut; je lui fais remarquer qu'il manque au premier le tricorde sol fa mi, et au second le tricorde ut si la, pour compléter l'octave. Je lui demande s'il croit que ces deux tricordes soient égaux; il me répond

qu'il faut les comparer pour le savoir (1), et incontinent il les compare dans sa tête, en essayant de chanter l'air sol fa mi sur les syllabes ut si la. Il n'y coïncide point; il fait au rebours, il veut chanter l'air ut si la sur les syllabes sol fa mi.... pas plus de similitude. Il s'assure ainsi que ces deux airs sont différens, et il me l'annonce. Or, remarquez la force de cette vérité dans son esprit : je feins de croire qu'il se trompe; il recommence aussitôt en m'invitant à suivre ses comparaisons. Vous voyez bien, termine-t-il, que ces deux airs ne se ressemblent pas.

D'accord, lui dis-je alors; mais par où diffèrent-ils? Il les compare encore. Sa première observation est que le sol sert bien d'ut; cellelà est incontestable, puisqu'elle est d'hypothèse. Sa seconde est que le mi sert bien de la. Sa troisième, enfin, est que le fa le fa ne sert point de si: ce qui est le nœud de la question.

On voit qu'il a voulu rapporter l'air út si la aux syllabes sol fa mi. Je lui fais faire le contraire;

(1) L'enfant devient tous les jours plus sobre d'assertions. Il s'est convaincu, par sa petite expérience, qu'il est nécessaire de penser avant de répondre; aussi, avant d'affirmer, il examine. N'est-ce pas une utile règle de conduite qu'il puise dans cette agréable étude?

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