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ne s'arrête plus, tant qu'il voit du chemin devant lui; il veut à présent faire le dièse sur le mi et sur le si. Mais alors son principe semble le conduire à cette singulière conséquence, qu'il n'y a pas de dièses sur ces deux notes, ou du moins qu'ils sont la même chose qu'elles; car, dit-il, si je donne la propriété d'ut à l'ut qui l'a déjà, celle de si tombe sur le si qui l'a pareillement; et si je donne au fa la première propriété, il se trouve que le mi luimême acquiert la seconde...... Je le laisse aujourd'hui dans cette idée, lui disant que nous ne ferons pas effectivement de dièses sur ces deux notes, mais que nous en reparlerons dans un autre temps. Le lecteur voit d'où elle lui vient; c'est que l'élève ne se doute pas encore que les sons consécutifs de notre gamme fassent des intervalles de seconde qui soient différens les uns des autres ; et il y pense d'autant moins qu'il les voit distribués sur les barreaux de l'échelle également espacés entr'eux. Cependant la remarque qu'il vient de faire le conduira inévitablement à cette vérité, ou, pour mieux dire, elle n'est pas autre chose qu'elle. Il apprendra facilement ensuite que c'est au fa dièse qu'il devait porter la propriété d'ut, pour faire le mi dièse contre lui sous la propriété de si;

et que c'est à l'ut dièse qu'il devait supposer la même propriété d'ut, pour prendre le si dièse de la même manière. Du reste il verra bien, et je le lui ferai remarquer, que jamais le mi dièse (ou le si dièse) n'entre dans le chant, que le fa dièse (ou l'ut dièse) n'y soit déjà entré.

Si nous venons aux bémols, nous en dirons des choses analogues; c'est-à-dire, que l'élève généralise d'abord la définition donnée du si bémol, et que, pour l'appliquer à toute autre note, il regarde comme un mi la note qui est inférieure à celle-là, et qu'alors il entonne le bémol demandé sous la propriété de fa. C'est ainsi que, pour trouver les cinq bémols des notes si mi la ré sol, il attribue une propriété de mi aux cinq notes respectives la ré sol ut fa qui leur sont immédiatement inférieures. Bientôt, voulant généraliser davantage, voulant faire aussi le bémol sur l'ut et sur le fa, et ne soupçonnant pas que c'est à une seconde majeure d'intervalle par-dessous le son proposé qu'il doit porter la propriété de mi, c'est-à-dire ici, sur le si bémol et sur le mi bémol, il se contente de la supposer sur le si et sur le mi, et de là il est porté à croire qu'on ne fait pas d'ut bémol ni de fa bémol, du moins différemment que ces notes naturelles, comme tout-à-l'heure il ne croyait

pas qu'on pût faire de mi dièse et de si dièse. Mais il ne restera dans cette idée que le temps que je voudrai, c'est-à-dire, celui qui sera nécessaire pour faire assez d'exercice sur les cinq bémols fondamentaux. Je lui ferai connaître ensuite qu'on peut faire un fa bémol pourvu que le mi soit déjà tel, et qu'on peut faire un ut bémol pourvu que le si soit bémol d'avance; mais qu'autrement on ne peut faire l'un ni l'autre (1).

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(1) Il est nécessaire de nous arrêter un moment sur les idées précédentes, et de les comparer avec celles qui règnent à ce sujet. Tous les solfèges commencent ainsi il y a cinq tons dans la gamme et deux demitons; il y a cinq dièses et cinq bémols, etc. On voit combien il y avait de chemin à faire avant d'en venir au point de comprendre ces paroles, et qu'il ne faut pas s'étonner si la plupart des élèves ordinaires ne les comprennent pas d'abord, et si bien souvent ils abandonnent la musique avant de les avoir comprises. C'est qu'au lieu de présenter à l'élève des observations à faire, on lui présente à retenir de ces principes généraux qui supposent en lui les observations faites, la science acquise, et ne sont que des formules pour se rappeler ce que l'on sait, que des étiquettes pour le retrouver aú besoin. On lui dit que le dièse est un signe qui élève la note de demi-ton mineur; que le bémol en est un autre qui l'abaisse d'autant. C'est comme si on lui disait

Voilà donc l'élève en état d'attaquer solidement un dièse ou un bémol à quelque note de

d'élever la voix ou de l'abaisser de moins que demi-ton, sans lui assigner de combien moins. Mais quand on pourrait le lui assigner, et lui dire que c'est, par exemple, d'un dixième de ton de moins, comment voudrait-on qu'il divisât de la voix cet intervalle pour compter de telles différences? Se retrancherait-on sur l'à peu près? Mais cette matière n'en souffre point, et l'à peu près d'ailleurs n'a pas de bornes. Or, ce serait bien pis si, comme quelques-uns qui ne se piquent pas de tant d'exactitude et qui ne font pas distinguer le demi-ton en majeur et mineur, on lui disait de faire le demi-ton juste. Voilà certainement ce qu'il ne ferait jamais, ni le maître avec lui.

Mais, pour ne parler que de la première hypothèse, c'est une chose singulière que les maîtres y veuillent fonder l'idée du dièse et du bémol sur celle supposée acquise du demi-ton mineur qui, au contraire, est subordonnée et postérieure à celle-là. Par exemple, pour enseigner le fa dièse, ils font prendre le fa à l'élève, et lui disent de s'élever de demi-ton..... Ignorent-ils donc que le fa dièse ne saurait se prendre par comparaison au fa, que ce n'est pas ainsi qu'ils le prennent eux-mêmes, que c'est bien au contraire par comparaison au sol, fondés sur l'idée bien établie du demiton majeur (seconde mineure); que, pour y réussir, ils s'efforcent d'oublier l'impression de ce fa, loin de lui

l'échelle qu'on le lui demande. Mais ce qui est bien remarquable, c'est que, comme il les atta

comparer le fa dièse; qu'enfin, il est impossible de faire de la voix une batterie sur ces deux notes fa fad, preuve incontestable qu'elles ne se comparent point? Il en faut dire autant du si bémol.

Que conclure de tout cela, sinon qu'on n'a pas découvert jusqu'ici la vraie génération du dièse et du bémol, puisqu'elle est restée enveloppée sous d'obscures ou de fausses définitions? Malheureusement les savans qui ont traité de la musique s'étant trop livrés à la spéculation, trop peu à la pratique de cet art, n'ont pu remonter jusqu'à la source de cette idée : d'Alembert, dans le livre qu'il a laissé sous le titre impropre d'Elémens de musique, ne paraît pas avoir connu cette génération; Rousseau même n'avait pas d'idée arrêtée sur ce point, car on le voit s'y contredire en plusieurs endroits de son dictionnaire; et c'est faute de cette connaissance, que nos auteurs d'acoustique ont publié des systèmes erronés en théorie comme en pratique, et que les Pythagoriciens anciens et modernes, se livrant à de pures spéculations de nombres, ont attribué au calcul une puissance qu'il n'a point: par exemple, celle de démontrer que les intervalles de la gamme, appelés tons, soient inégaux; que le mi, venu de la progression de ces quatre quintes consécutives ut sol ré la mi, ne fasse pas tierce juste avec l'ut; que le si dièse, venu de la progression de douze quintes

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