Sidor som bilder
PDF
ePub

ministrative. Il y voit, non-sculement le gage de la considération, mais la condition essentielle de l'autorité. Il eut donc accepté, avec empressement, le projet d'une haute École d'administration, s'il eût cru y trouver la réalisation véritable de vues qui lui sont communes avec les auteurs de cette création. Mais, d'accord sur le but, il diffère radicalement sur le moyen.

Le but avoué du premier projet était d'assimiler les étudiants en droit administratif aux étudiants en sciences exactes, et de leur appliquer, tôt ou tard, le régime de l'interrat tel qu'il existe déjà pour l'École polytechnique et l'École militaire. Le projet de loi que nous vous soumettons est conçu sous une inspiration contraire; il pose en principe que le grand art de l'administration, dans un pays libre surtout, est essentiellement distinct de toute science spéciale, et que l'étude des hommes y marche de pair avec l'érudition proprement dite. L'École d'administration, telle qu'elle avait été comprise par le gouvernement provisoire, avait pour inévitable résultat d'arracher annuellement aux départements les jeunes gens destinés à y rentrer, et de commencer leur noviciat par l'isolement des intérêts locaux et des mœurs avec lesquels ils auraient plus tard à compter. Le projet de loi actuel, au contraire, évite ces déplacements forcés, maintient à portée des conseils généraux ou des conseils d'arrondissement l'étudiant destiné plus tard à concerter son action avec la leur.

Indépendamment de ces dissidences fondamentales, le projet actuel, citoyens représentants, vient aussi vous signaler des difficultés d'exécution. Les élèves admis à l'École d'administration, sans que leur avenir fût assuré par des mesures régulières et certaines, ont cru pour la plupart, qu'ils recevraient, en en sortant, un emploi assuré d'avance; il faut donc maintenant, ou les préserver de tout mécompte, ou les avertir de leur erreur.

Le projet de loi qui vous a été présenté le 31 août 1848 porte simplement, dans son article 8, « qu'il sera statué, par voie de règlement d'administration publique, sur les services publics auxquels les élèves pourront être attachés à leur sortie de l'école; sur le nombre des emplois qui leur seront réservés dans chacun de ces services, et sur les conditions de stage auxquelles ils seront assujettis. >>

Or ce que la loi a négligé de préciser, le gouvernement, à son tour, se reconnalt impuissant à le déterminer lui-même. Cette impuissance, il a le courage de l'avouer, et, ne pouvant rien garantir, il se refuse loyalement à rien promettre. Depuis longtemps déjà les divers pouvoirs qui se sont succédé en France sont entrés résolument dans la voie des améliorations. Depuis longtemps les fonctions administratives ne sont plus livrées au caprice ministériel; à presque toutes déjà sont imposées les conditions d'admission dont il n'est plus permis de s'affranchir. Une commission de l'Assemblée s'occupe, en ce moment même, de combler les lacunes qui peuvent exister encore. Enfin quelques emplois nombreux, mais inférieurs, étaient exempts de ces règles absolues: un projet, appartenant également à votre initiative, les réserve, dans une certaine proportion, aux militaires en retraite. Quelle part demeurerait donc au libre arbitre, à la responsabilité du gouvernement? Si nous sommes impatients de voir la centralisation rentrer dans ses limites naturelles, pouvons-nous consentir à dépouiller l'autorité de toute intervention dans le choix de ses agents? Pouvons-nous surtout faire concession pour les carrières administratives, celles de toutes où, de l'aveu des esprits les plus ombrageux, l'identité doit rigoureusement exister entre la pensée supérieure et son instrument direct?

Si maintenant l'on envisage la difficulté au point de vue des élèves, de leur

avenir, elle n'est pas moins insoluble. Que leur conférait le gouvernement provisoire? Un droit absolu, ou un simple titre de préférence! Il ne l'a pas dit, et cependant c'était là le point capital. Si vous ne créez qu'un simple titre de préférence, il peut être sans cesse méconnu; il aura besoin par conséquent, comme tous les titres contestables, de s'appuyer sur la brigue et de rechercher la faveur, Est-ce là un moyen efficace de parer aux abus? Est-ce là un prix suffisant des sacrifices de la famille et des travaux de l'étudiant? Si c'est un droit absolu que vous avez créé, droit aux sous-préfectures, droit au conseil d'État, droit aux contributions directes et indirectes, consultez alors ces administrations mêmes, et cherchez y la place que vous pouvez y préparer d'avance : nulle part vous ne la rencontrerez. Pour la satisfaction de quelques-uns, au contraire, vous soulevez les réclamations du plus grand nombre, vous jetez le trouble et le découragement dans la classe si nombreuse des surnuméraires, fils d'employés eux-mêmes, attachés à tous nos ministères.

L'École polytechnique, l'École de Saint-Cyr, l'École des mines, l'École forestière, l'École d'Alfort, les Écoles d'arts et métiers ne regorgent-elles pas d'ailleurs de sujets auxquels les issues sont trop souvent et trop longtemps fermées? Réduirez-vous les élèves de l'École d'administration aux emplois obscurs qui échappent à ce laborieux et vaste mode de recrutement? Mais alors vous établissez trop de disproportion entre les prétentions que vous faites naftré et celles que Vous vous proposez de satisfaire. Le noviciat à Paris, au sein de la plus haute émulation intellectuelle, au foyer de tous les emportements et de toutes les passions politiques, en butte à la captation des partis, prépare mal aux fonctions modestes, aux travaux pénibles et ignorés. N'est-ce pas là fausser les vocations plutôt que les favoriser ?

Enfin, comment faire concorder la vacance des emplois, qui dépend de la mort, de la retraite, de la destitution, toutes choses inévitablement et éternellement mobiles, avec la date immuable des examens et des sorties? Si un titulaire disparait au mois de mars, l'emploi devra-t-il vaquer jusqu'au mois d'août? La commission de l'Assemblée nationale a prévu ce cas, et elle y pourvoit par un stage avec appointement de 1,200 fr.; mais ce stage sera forcément une sorte de sinécure. Il n'y aura d'effectif qu'une pension de 1,200 fr. assurée à des jeunes gens sans emploi. Est-ce là véritablement le devoir de l'État, l'intérêt des jeunes gens euxmêmes et le vœu des familles? Est-il possible d'accepter, de laisser grossir d'année en année cet état-major oisif, et ne serait-ce pas là organiser le désordre moral aussi bien que le désordre financier ?

Toutefois, si la création d'une école centrale nous paraît, sous quelques rapports, une superfluité, et, sous d'autres aspects, un péril, il demeure hors de doute que l'enseignement du droit administratif en France doit être à la fois fortifié et popularise. Ici nous n'avons pas seulement en vue les fonctions salariées, la connaissance des règles de l'administration est nécessaire aussi pour les fonctions électives que notre Constitution multiplie, et dont les attributions se développent de jour en jour. Il est indispensable que les citoyens qui formeront plus tard le conseil de la commune, de l'arrondissement, du département, se familiarisent de plus en plus avec les matières de leur compétence.

La création trop précipitée du 8 mars aura donc rendu un service au pays, celui de hâter la réalisation d'une pensée à laquelle, sous une autre forme, nous tenons á honneur de nous associer. C'est pourquoi nous ne nous contentons pas de retirer le projet primitif. Un gouvernement ne doit critiquer celui qui l'a précédé qu'en

essayant de faire mieux que lui. C'est là l'objet du présent projet de loiDéjà, à toutes les Facultés de droit, on avait ajouté une chaire de droit administratif; à quelques-unes, un cours de droit public. Cependant les cours qui sont ouverts aujourd'hui l'ont été dans une autre pensée; ils ont pour but de compléter l'étude spéculative du droit. Aussi, bien qu'à ce point de vue d'excellents résultats aient été obtenus, il n'en est pas moins vrai qu'il reste beaucoup à faire sous le rapport qui nous occupe. L'enseignement actuel fait partie d'une série d'études élevées auxquelles tous les jeunes gens n'ont pas le moyen de prendre part. Il importe donc désormais de créer, dans chaque Faculté de département, des cours d'administration pratique, comme il existe, par exemple, des cours de géométrie appliquée aux arts et métiers. Ce mode d'enseignement, peu dispendieux, maintenu à la portée des familles par sa dissémination sur la surface du territoire, réalise plus efficacement que tout autre les prescriptions de notre Constitution sur Padmissibilité universelle à tous les emplois.

L'engagement doit en être immédiatement contracté au nom de l'État, et, si les crédits nécessaires ne sont pas demandés ici pour les Facultés de département comme pour la Faculté de Paris, c'est que plusieurs difficultés de détail ne sont pas encore suffisamment aplanies. Deux mesures sont à prendre dans les Facultés de département : création de chaires nouvelles, répartition différente du travail et du temps pour les chaires déjà existantes. Cette seconde partie du plan ne peut s'introduire au milieu de l'année scolaire, et exige quelques ménagements auxquels je ministre de l'instruction publique s'efforcera de pourvoir sous le plus bref délai possible.

Bien que les considérations qui motivent la présente lol nous paraissent, citoyens représentants, d'une utilité générale et absolue, nous ne pouvons manquer de nous préoccuper du sort des jeunes gens admis à l'École, qu'elle vient atteindre dans leurs espérances. Nous avons à cœur que ce sacrifice à l'intérêt général de la société, que cette interruption de leurs études ne leur fassent encourir aucun dommage personnel, et que pas une des connaissances acquises ne demeure sans fruit. Nous vous proposons donc de faciliter exceptionnellement pour eux le retour à la situation normale que leur a fait quitter un sentiment de confiance envers l'État, dont les citoyens ne doivent jamais avoir å se repentir. Le ministre de l'instruction publique use ici des seuls dédommagements dont il dispose. Il eût désiré pouvoir les étendre davantage; mais du moins ne perdra-t-il de vue aucun des jeunes gens dont les noms et les succès sont ou seront authentiquement constatés, et son concours est d'avance offert à toutes les réclamations individuelles, équitablement examinées.

En conséquence, citoyens représentants, nous avons l'honneur de vous soumettre le projet de loi suivant :

PROJET DE LOI (Séance du 22 janvier 1849).

Art. 1. Il est fondé, dans toutes les Facultés de droit de la République, un enseignement du droit public et administratif.

Cet enseignement sera complété à la Faculté de droit de Paris, et organisé dans le plus bref délai près les Facultés de droit des départements, conformément aux articles ci-après.

Art. 2. L'enseignement du droit public et administratif comprend deux années.

1 Aix, Caen, Dijon, Grenoble, Poitiers, Rennes, Strasbourg, Toulouse.

Art. 3. Après la seconde année d'études, les élèves inscrits pourront obtenir le grade de licencié en droit public et administratif.

Art. 4. Nul n'est admis à s'inscrire s'il n'est pourvu du diplôme de bachelier en droit, sauf Pexception spécifiée plus bas 1.

Art. 5. Des règlements d'administration publique détermineront les fonctions administratives pour lesquelles le grade de licencié en droit public et administratif sera exigé.

Art. 6. Les élèves faisant actuellement partie de l'École d'administration, anDexée au Collège de France par le décret du gouvernement provisoire du 8 mars 1848, seront admis à se faire inscrire pour les cours de droit public et administratif, sans avoir à justifier du diplôme de bachelier en droit.

Ils seront également admis à suivre les cours ordinaires des Faculté de droit et de médecine, auquel cas le temps qu'ils ont passé à l'École d'administration sera compté pour quatre inscriptions aux élèves de la première promotion, et pour deux aux élèves de la seconde.

Art. 7. Il est ouvert un crédit de 20,000 fr. sur le budget de 1848 pour être affecté aux dépenses de l'École d'administration pendant le second semestre de 1848. Art. 8. Il est ouvert, sur le budget de 1849, un crédit de 6,000 fr. pour la création d'une seconde chaire de droit administratif à la Faculté de droit de Paris.

OBSERVATION.-A la suite du premier projet sur l'École d'administration, nous avons rappelé sommairement le plan qui fut arrêté en 1846 par la commission des études de droit. Il avait deux parties: 1° le développement de l'enseignement administratif dans les Facultés; 2o la création d'une école spéciale des sciences politiques et administratives. Le projet présenté par M. Vaulabelle, le 24 août 1848, n'admettait que l'École spéciale Fadministration;- le projet présenté par M. de Falloux n'admet que le développement de l'enseignement administratif dans les Facultés de droit de Paris et des départements. - Ne serait-il pas possible d'amener les opinions opposées à une transaction, en prenant pour base l'ensemble du plan qu'avait adopté la commission de 1846, dans laquelle tous les doyens des Facultés et plusieurs professeurs en droit figuraient à côté des plus éminents magistrats? C'est ce plan de conciliation que nous avons présenté et développé dans un autre recueil (la Revue de législation, numéro de janvier 1849) dont la publication pouvait avoir de l'opportunité. Le vou exprimé par les Facultés et la Commission, des études de droit est certainement le plus favorable aux intérêts généraux de l'enseignement et à ceux de l'administration publique. Nous reviendrons sur cet important sujet.

F. LAFERRIERE.

1 Les articles 1, 2 et 3 comportent quatre ans d'études; ce serait peut-être imposer un trop grand sacrifice aux familles; mais il serait facile de coordonner les études et les cours de manière à ne pas dépasser pour les licenciés en droit administratif les trois années de la licence en droi'.

CHRONIQUE.

PRUSSE. Le ministère a convoqué des délégués des diverses industries de toute la monarchie à Berlin, pour délibérer sur un projet de loi destiné à compléter le règlement général des industries (Gewerbordnung) du 17 janvier 1845. — La Gazette de l'État du 20 janvier contient un projet de règlement communal (Gemeindeordnung) en 87 paragraphes, et un autre en 84 paragraphes, relatif aux circonscriptions des cercles, arrondissements et provinces.

AUTRICHE. Il a été publié un projet qui est destiné à introduire provisoirement .ne nouvelle procédure criminelle fondée sur le débat oral, la publicité et le jury. Cette procédure sera appliquée dans toutes les instructions relatives : 1° aux crimes qui sont punis d'un emprisonnement de cinq ans; 2o à tous les crimes d'État, d'abus de pouvoirs, de concussion, d'attentats contre les personnes, en matière de duel, d'incendie, de concussion, de bigamie, d'escroquerie; 3o pour complicité aux mêmes crimes, et en cas de concours de plusieurs délits ou contraventions (§§ 1, 2). L'instruction ne devra plus être dirigée dans le but d'obtenir l'aveu du prévenu, mais dans celui de recueillir un ensemble de faits pouvant être présenté au jury (S$ 3, 4). Le procureur de l'État enverra dans le délai de quinze jours, les actes de l'instruction et ses conclusions à la chambre criminelle : celle-ci composée de quatre juges et d'un président statuera à huis clos sur la mise en accusation; sa décision sera signifiée aussitôt au prévenu et au ministère public (S$ 8, 9). Ils pourront se pourvoir contre cette décision devant la cour supérieure criminelle de la province, le prévenu dans les trois jours, le ministère public dans les dix jours de la signification (§§ 10, 11). Celle-ci, composée de six juges et d'un président, statuera en dernière instance : si elle prononce qu'il n'y a pas lieu de suivre, le prévenu sera aussitôt mis en liberté (§ 14). En cas contraire, le ministère public devra dans les huit jours dresser l'acte d'accusation (§ 15). H sera signifié immédiatement à l'accusé, et il choisira ou il lui sera désigné un défenseur à peine de nullité. Tous les intéressés pourront prendre connaissance des actes de la procédure (§§ 16-20). Le tribunal indiquera le jour de l'audience, en accordant quatorze jours pour la préparation de la défense (§ 21). Les sessions auront lieu périodiquement de trois mois en trois mois (§ 25). La cour (d'assises) sera composée de cinq juges et du président, sur lesquels quatre seront désignés par ce dernier, ainsi que du procureur de l'État et d'un greffier (§§ 26–30). Le jury sera tiré au sort sur trente-six jurés qui devront être présentés; l'accusé et le ministère public exerceront le droit de récusation à nombre égal (§§ 31-39). Le jury sera au nombre de douze jurés, avec deux suppléants (§§ 31-39).

FRANCE. Une loi du 28 décembre 1848 réduit l'impôt du sel à 10 francs par 100 kilogrammes, à dater du 1o janvier 1849.— Une autre loi, du 13 janvier 1849, détermine à quelles conditions les sels étrangers seront admis en France.

- Une loi du 3 janvier abroge le décret du 29 mars 1848 portant prorogation du délai de quinze jours accordé par l'article 165 du Code de commerce aux porteurs d'effets de commerce protestés, pour exercer leur recours contre leur cédant.

-Une loi du 9 janvier abroge le décret du 24 mars dernier, qui avait suspendu le travail dans les prisons et à l'égard des militaires en activité de service.

« FöregåendeFortsätt »