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ment au livre des faillites, presque entièrement refondu. Les lois maritimes, cependant, laissent beaucoup à désirer, et ne sont peut-être pas en harmonie avec l'état des choses actuel 1. C'est que, rédigés à une époque où prédominaient les Idées de conquête et de blocus continental, il ne consacre pas assez ce respect des nations dont le besoin s'accroît tous les jours en Europe. Ce Code, tel qu'il est, n'est pas moins adopté généralement dans tous les pays, même dans ceux où les autres Codes français ne sont pas ou ne sont plus en vigueur. A Rome il fut conservé, après l'occupation française, sous le nom de Règlement provisoire du

commerce.

M. Carnevalini, dans l'ouvrage que nous annonçons, donne les éléments de cette législation commerciale avec certains développements d'autant plus précieux, que les autres Codes français, émanés de la même source et empreints du même esprit, ayant fait place à la restauration de l'ancien régime, aux constitutions des papes et aux lois justiniennes et canoniques, on chercherait en vain dans la législation civile romaine le commentaire et le complément nécessaire de la loi commerciale. Aussi doit-on savoir gré à l'auteur d'avoir présenté une concordance avec la jurisprudence et le droit commun romain, et d'avoir expliqué les dispositions du Code de commerce à l'aide de citations tirées des Pandectes et du Code, par les opinions des auteurs et les décisions de la Rota romana, et d'avoir fait précéder le titre des sociétés d'une théorie des contrats et obligations, selon le précepte de Cicéron, qui demandait à tout traité de droit ce aliquid uberius, quam forensis usus desiderat. Dans cet ouvrage, quoique élémentaire, le droit positif est éclairé par les principes de droit naturel, par des observations historiques et des aperçus généraux, et on y voit appliquée la maxime de Celse: Scire leges non est earum verba tenere, sed vim et potestatem. TODROS.

1 V. la Revue, 1845, t. II, p. 732 et 912 (Études sur le contrat d'assurance), et 1845, t. V, p. 98.

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QUESTIONS CONSTITUTIONNELLES, par M. de Barante.

Compte rendu par M. E. BONNIER, professeur à la Faculté de droit de Paris.

Lorsqu'il éclate une de ces crises qui bouleversent toute l'existence d'une nation, le brusque revirement opéré dans la politique du pays a nécessairement son contre-coup dans la littérature. Si l'on voit alors des esprits aventureux, sortis souvent des rangs infimes de la société, justifier par leur incroyable élévation le mot de Danton : De l'audace, encore de l'audace, et toujours de l'audace, on voit en même temps le public littéraire éprouver un engouement passager pour des productions médiocres qui n'ont d'autre mérite que de flatter la passion du jour, de caresser le paradoxe à la mode. Il semble que la fumée sortie du puits de l'abîme, suivant les expressions de l'Apocalypse, obscureisse toutes les intelligences. Les réputations les plus solidement acquises, les illustrations les plus légitimes doivent s'éclipser devant les grands hommes du moment; on va jusqu'à révoquer en doute les découvertes astronomiques, lorsque l'auteur de ces découvertes ne paraît point muni d'un certificat de civisme en bonne forme.

Mais ces produits que l'ardeur des révolutions avait fait éclore en serre-chaude, ne tardent point à inspirer le dégoût. Le vrai et solide mérite reprend bientôt son empire sur l'opinion un moment égarée, et l'on finit par reconnaître qu'il est plus aisé de détruire un trône que d'effacer une de nos illustrations littéraires. C'est ainsi que l'auteur de la Démocratie en France, reconquérant en quelque sorte son titre de citoyen par une publication remarquable, a survécu comme écrivain au coup terrible dont avait été frappé l'homme d'État. Nous croyons toutefois devoir laisser à la presse quotidienne, qui s'est amplement acquittée de cette tâche, l'appréciation de ce livre dont l'importance, au surplus, a déjà été signalée au lecteur dans l'Introduction de la Revue de cette année. Tout en admirant le talent de l'écrivain, nous nous trouverions peut-être un peu gêné si nous

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voulions examiner en détail toutes les opinions de M. Guizot: ce nom réveille presque inévitablement des débats que la postérité seule pourra juger en connaissance de cause. Nous n'éprouvons point le même embarras en ce qui concerne une autre publication, que le public, revenu aux saines traditions littéraires, a accueillie avec non moins de faveur, les Questions constitutionnelles de M. de Barante. Homme littéraire bien plus qu'homme politique, l'illustre historien des Ducs de Bourgogne peut se prononcer sur les institutions démocratiques. sans qu'on l'accuse de plaider pro domo suâ; et s'il nous arrive de nous trouver en dissentiment avec lui, nos critiques ne paraîtront jamais franchir le domaine de la théorie pour remonter jusqu'aux actes mêmes de l'auteur.

Le but que s'est proposé M. de Barante est l'examen des questions fondamentales qui touchent aux entrailles mêmes de la société actuelle, et qui sont résolues d'une manière plus ou moins complète par la Constitution de 1848: c'est pour cela qu'il les a désignées sous le nom de Questions constitutionnelles. Il aborde ces questions, soit au point de vue de la théorie, soit en même temps, ce qui amène des rapprochements aussi curieux qu'instructifs, au point de vue des précédents historiques.

La souveraineté, tel est le grave problème que pose en première ligne le savant académicien. On se rappelle que l'article 1er de la Constitution est conçu en ces termes :

« La souveraineté réside dans l'universalité des citoyens fran» çais. >>

Cette doctrine de la souveraineté du peuple doit s'entendre d'une manière raisonnable, comme le fait fort bien sentir M. de Barante. Autrement, elle deviendrait dans notre Constitution ce qu'était l'article 14 dans la Charte de 1814, un principe d'une telle portée qu'il suffirait d'en appliquer les conséquences pour détruire tout le système auquel il se rattache. Si la souveraineté du peuple était réellement inaliénable, elle devrait être perpétuellement en exercice, et alors le gouvernement serait tenu constamment en échec; car il ne suffirait point d'appeler les assemblées primaires à délibérer sur chaque loi, ainsi que le faisait la constitution de 1793, il faudrait soumettre sans cesse à la sanc

tion populaire la nomination des fonctionnaires publics de tous les degrés Et, en effet, la souveraineté du peuple ne saurait se dél guer, puisque, rigoureusement parlant, déléguer la souveraineté, c'est la perdre. D'un autre côté, ce principe, posé sans aucune restriction, peut devenir la source du plus intolérable despotisme. En fait, et surtout dans une grande nation, les opinions ne sont jamais unanimes. Dès lors la souveraineté, attribuée à l'uversalité des citoyens, est en réalité exercée par la majorité : ce qui conduit à poser comme un principe de souveraine justice l'utilité, vraie ou prétendue, du plus grand nombre. Une fois entré dans cette voie, on peut aller loin, comme le faisait observer le publiciste éminent enlevé naguère à la science par le poignard d'un assassin : « S'il était prouvé, » dit M. Rossi (Traité de droit pénal, liv. 1, chap. 6), « que seize millions de Français » se trouvant fort bien d'un état social donné, ne peuvent le con» server qu'en égorgeant les autres quatorze millions, ils auront > donc le droit de les égorger! Si on recule devant cette consé» quence, tout l'édifice s'écroule..... Mais aussi faut-il accorder » que des seize millions restants, neuf pourront en égorger huit; >> cinq auront ensuite le droit d'en mettre à mort trois; jusqu'à >> ce que deux seuls individus restant en présence, l'un assom» mera l'autre à bon droit, si par hasard le plus fort des deux > avait le goût de la solitude. »

Hatons-nous d'ajouter qu'il n'y a que la république rouge qui puisse entendre de cette manière le principe de la souveraineté du peuple. Les auteurs de notre Constitution ont, au contraire, posé à l'avance la limite de ce principe, lorsqu'ils ont reconnu (art. 3 du préambule) des droits et des devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives. C'est assez dire que le peuple n'est Souverain qu'à condition de respecter les lois éternelles de la raison et de la justice, et que sous le régime démocratiqué, comme sous le régime monarchique, on peut toujours dire avec Bossuet: Il n'y a point de droit contre le droit. Sous ce rapport, les justes scrupules de M. de Barante se trouvent levés par le texte mêine de la Constitution.

Quant à la théorie, renouvelée de Rousseau, qui ferait de cette souveraineté une épée de Damoclès toujours suspendue sur les

institutions politiques, l'auteur des Questions constitutionnelles fait voir clairement que ce n'est là autre chose qu'une anarchie organisée, s'il est permis d'employer une pareille expression. Aussi la Constitution de 1848 présente-t-elle la souveraineté de l'universalité des citoyens comme la source primordiale de tous les pouvoirs, mais non comme un pouvoir en activité perpétuelle, qui rendrait tout gouvernement impossible. Toutefois nous verrons bientôt, quand nous en viendrons à la question de la révision, qu'après avoir combattu dans la première partie de son livre l'application exagérée du principe de la souveraineté du peuple, M. de Barante tombe lui-même plus loin dans l'abus de ce principe. Mais n'anticipons point sur les développements de l'ouvrage.

A la souveraineté se rattache intimement le mode d'exercice de la souveraineté. C'est aujourd'hui par le suffrage universel direct que la nation exerce son droit souverain. Tout en reconnaissant que le suffrage universel a produit des résultats beaucoup plus heureux que ne l'espéraient les hommes modérés, l'habile écrivain ne veut en considérer l'emploi que comme une ressource tout à fait exceptionnelle. Il s'arrête avec complaisance sur le danger d'élections purement démocratiques. « Une condi» tion indispensable, dit-il, pour que le suffrage ait une valeur » véritable, c'est l'indépendance du votant. Qui pourrait pré>> tendre que tous les membres de la société en jouissent au » même degré? La liberté de l'intelligence demande une cer»taine mesure d'étude et de réflexion; autrement elle obéit aux >> intelligences qui lui sont devenues supérieures par la culture. » La volonté est aussi plus ou moins libre: il y a telle situation » qui comporte la déférence ou même la soumission, telle autre » où domine l'étroit calcul de l'intérêt ou du besoin. >>>

Tout cela est fort bien pensé et fort bien dit. Mais qu'en conclure? Qu'il conviendrait peut-être d'introduire certaines conditions de capacité, telles que l'instruction primaire'; certaines conditions de moralité, notamment en faisant de la mendicité et du vagabondage des motifs d'exclusion. Soit; mais ce n'est point

1 En supposant cette instruction mise à la portée de tous, de manière à ce que l'ignorance de l'électeur lui soit personnellement imputable.

« FöregåendeFortsätt »