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ments ne revenaient pas au jour dans l'ordre chronologique, et ils se suivaient à de grands intervalles, par d'accidents et de contrariétés de plus d'une sorte, sur le chemin de Nippur à Philadelphie. Pour pouvoir ranger tous les textes dans un ordre chronologique approximatif', on devrait même attendre l'entier achèvement des fouilles à Nippur, c'est-à-dire peut-être plus de vingt ans. Il reste, je crois, beaucoup à découvrir à Nippur, et ce que ces ruines ont rendu à l'expédition envoyée par l'université de Pennsylvanie a coûté huit ans de patience et d'efforts (1888-1896).

Le D' Hilprecht s'intéresse vivement au contenu de ses textes, et l'usage qu'il en fait dans ses préliminaires, donne par avance une idée avantageuse des traductions qu'il promet. Au surplus, quels que soient l'acquis et les aptitudes d'un assyriologue, il ne découvrira le sens de ses documents, en dehors des parties qui leur sont communes avec d'autres textes déjà interprétés, qu'à la suite d'efforts renouvelés cinquante et cent fois. Or la condition se réalise nécessairement, et le travail a chance d'aboutir, si les données sont suffisantes, quand on manipule les originaux avec tant de sollicitude dans le dessein de les publier et avec l'arrièrepensée de les interpréter. Ajoutons que si tout essai de traduction suppose établie la valeur des signes phonétiques et des idéogrammes, chose plus difficile dans le cas de textes archaïques, sumériens ou accadiens, le même exercice est aussi indispensable à ce point de vue. Il provoque en effet les mille rapprochements sans lesquels la valeur de plusieurs de ces signes, indéterminée ou encore inconnue, ne se révélerait point.

Voilà pourquoi nous verrons avec plaisir la version de ces sources nouvelles dont les Introductions du D' Hilprecht démontrent facilement l'importance pour l'histoire primitive des Chaldéo-Babyloniens. Ces Introductions, dont nous nous sommes encore occupé ailleurs', complètent et rectifient au

1 Voir dans la Revue des questions historiques, juillet 1897, notre article: Les dernières découvertes aux pays bibliques.

besoin, avec le secours non seulement des textes récemment exhumés mais aussi des découvertes de toutes sortes faites à Nippur, les remarquables travaux de MM. Hommel, Winckler et Heuzey sur le même sujet. Les ruines de Nippur ont donné des inscriptions émanant de quarante-cinq rois d'Ur, Isin, Babylone, etc., où datées de leur règne, et remontant du milieu du v° siècle avant J.-C. jusqu'au quatrième millénaire, et même au cinquième, d'après M. Hilprecht. On y a lu les noms de maints rois inconnus avant les fouilles si heureusement conduites par M. John P. Peters, et après lui par M. J. H. Haynes, qui a été attaché à l'expédition dès le début et ne tardera pas à nous en donner l'histoire.

A.-J. DELATTRE, S. J.

NOUVELLE NOTE SUR LA GHRONOLOGIE CHINOISE

DE L'AN 238 À L'an 87 av. J.-C.

La concordance des dates fournies par les anciens chroniqueurs chinois avec les dates exprimées en calendrier Julien est utile à établir; grâce à elle, nous apercevons mieux l'ordre de succession des événements, et plus d'un texte historique s'éclaire par la simple substitution de notre nomenclature chronologique aux caractères cycliques et aux lu naisons des Chinois. J'ai essayé1 de constituer cette concordance pour la période à laquelle principalement se rapportent les mémoires de Se-ma Ts'ien, à savoir la fin des Ts'in et le commencement des premiers Han (238-87 av. J.-C.). Le père Havret, recteur du collège de Zikawei, s'est donné la peine de contrôler ce travail, et il a trouvé qu'il y avait lieu d'y apporter une correction. C'est une bonne fortune pour moi d'avoir rencontré un critique d'une si haute compé

› Toung-pao, vol. VII, p. 1-38 et 509-525.

2 Toung-pao, vol. VIII, p. 378-411: «La chronologie des Han», par le P. Henri Havret, S. J.

BIBLIOGRAPHIE.

NOTE ADDITIONNELLE

SUR LES INDO-SCYTHES,

PAR

M. SYLVAIN LÉVI.

Les observations de M. Specht à propos de mes Notes sur les Indo-Scythes paraissent appeler une réplique. Je m'en abstiendrai : à la veille de partir pour un long voyage, je n'ai pas le loisir d'engager une controverse; des raisons de convenance me l'interdisent également. Je n'oublie pas que je dois à M. Specht de m'être initié à l'étude de la langue chinoise, et je n'aimerais pas lui avoir demandé des armes pour les tourner contre lui. Au surplus, je ne me sens pas le goût de ces vaines parades qui dégénèrent presque toujours en attaques personnelles. M. Specht estime que j'ai tort; je persiste à croire que j'ai raison : il est à craindre que nos deux thèses demeurent irréductibles. En fait, nous ne discutons pas sur le même terrain. M. Specht me reproche d'être en désaccord avec « la plupart des auteurs catholiques » et de fonder ma chronologie sur les Actes de saint Thomas «sans avoir préalablement examiné la valeur historique de cet ouvrage, qui a été placé par le Concile de Rome de 494 parmi les livres apocryphes ». La discussion des textes chinois s'inspire des mêmes principes. Il me serait facile d'opposer aux condamnations formelles de M. Specht les approbations que j'ai reçues de sinologues éminents, tant français qu'étrangers. Mais des noms ne sont point des faits, et j'ai la présomption de croire qu'ici les faits suffisent. Je prie le lecteur impartial

d'examiner avec une égale attention les deux articles, et de conclure. L'intervention de M. Specht aura véritablement rendu service à nos études, si elle décide un des sinologues qui font autorité à reprendre le débat; il a précisé les points en litige, j'attends l'arbitre avec tranquillité 1.

Je profite de la circonstance pour publier un nouveau conte du cycle de Kanişka3. Je l'ai recueilli dans le Fa-iuen

Il serait injuste de ne pas reconnaître que les recherches de M. Specht ont contribué à éclaircir les difficultés. M. Specht a eu l'obligeance de me signaler la présence de l'expression ts'un k'eou dans le Pei-wen-iun-fou. La citation ne laisse pas de doute sur le sens : ts'un k'eou signifie «garder en sa bouche, conserver ce qui a été communiqué oralement ». L'interpréta tion de la phrase I ts'un k'eou cheou, etc.... telle que je la propose gagne ainsi en vraisemblance. Encadré par deux verbes avec lesquels il peut se combiner régulièrement, le mot k'eou exerce pour ainsi dire une double fonction; il modifie ts'un et cheou: servavit ore; ore receptos libros.....» Les deux nouvelles versions de l'épisode que j'ai fait connaitre suggèrent une correction fort simple et naturelle au texte du Compendium des Wei. Le caractère Ewang qui signifie «roi», y tient lieu sans doute, comme il arrive fréquemment, de l'homophone #wang, qui signifie « s'en aller », et qui parait dans la phrase du Fa-iuen-tchou-lin et du Che-kia-fang-tchi. — Enfin je dois aux sinologues un avertissement. M. Specht, qui dénonce aux indianistes mes prétendues «confusions » de caractères chinois me dénonce d'autre part aux sinologues comme un révolutionnaire de l'indianisme. J'ai le tort de m'insurger contre l'explication de l'ère Çaka, «qui a été généralement adoptée par tous les indianistes comme la plus probable», et de passer sous silence «les recherches des numismatistes et les découvertes des archéologues». Par une coïncidence piquante, dans le numéro même où paraissent les observations de M. Specht, M. Boyer publie un essai qui tend à fixer l'origine de l'ère Çaka au sacre d'un roi entièrement étranger à la famille des Kouchans, le Kṣatrapa Nahapâna. Si le témoignage de M. Boyer ne suffit pas, je citerai à M. Specht l'opinion d'une autorité considérée comme la plus haute dans les questions d'ères indiennes. Après un examen minutieux des données qui concernent l'ère Çaka, M. Kielhorn conclut la série de ses articles (Indian Antiquary, vol. XXIV-XXVI) en déclarant que rien ne permet d'établir la moindre relation entre le sacre de Kanişka et l'origine de l'ère Çaka, et, comme M. Boyer, il en rapporte l'institution aux Kṣatrapas de l'Ouest. La même opinion était soutenue, dès 1888, par Bhagvânlâl Indraji (Journal of the Royal Asiatic Society, 1890, p. 642). Si j'ai eu l'audace d'attaquer un dogme de chronologie, j'ai du moins l'heureuse fortune de partager la faute avec des complices respectables.

Un critique bienveillant a exprimé des doutes sur l'identité de Ki-ni

tchou-lin (chap. 50; coll. Fujishima, boîte xxxvi, vol. 8, p. 14") qui cite comme sa source le Pi-p'o-cha-lun (Vibhâșâçâstra, composé par Kâtyâyanîputra et traduit en chinois par Sanghabhuti en 383).

Jadis Kia-ni-che-kia (Kaniska), roi du Kien-t'o-lo (Gandhâra), avait à son palais une porte toute jaune'. Il passait tout son temps à surveiller les affaires de l'intérieur et sortait à peine dans la ville et au dehors. Or il vit un troupeau de cinq cents têtes de bœufs qui arrivait à l'entrée de la ville. Il demanda au toucheur de bœufs : « Qu'est-ce que ces bœufs ?» Le toucheur de bœufs répondit : « Ces bœufs dépassent de beaucoup leurs pareils. Arrivés devant la porte jaune, ils conçurent cette pensée Par l'effet des mauvaises actions que nous avons autrefois commises, nous avons reçu un corps sans virilité. Maintenant il faut qu'à l'aide d'un objet de prix nous anéantissions ce mal d'être des bœufs, de telle sorte qu'en nous rachetant avec la valeur de l'objet nous obtenions la délivrance, grâce à la force des bonnes actions. Faisons que cette porte jaune nous vaille un corps viril. Au fond de leur être, ces créatures se réjouissent de rentrer en ville comme elles faisaient jadis, et elles restent à la porte du palais et elles présentent par mon intermédiaire une requête respectueuse au roi pour obtenir d'entrer et de recevoir directement les faveurs royales. » Le roi donna l'ordre de les laisser entrer, et s'informa, au comble de la surprise, du motif qui les dirigeait. Alors, à la porte jaune, ils présentèrent respectueusement leur requête. Le roi en les entendant s'étonna, se réjouit et

tch'a et de Kaniska. Je me permets de le renvoyer à l'Itinéraire d'Ou-K’ong (Journal asiatique, 1895, II, p. 337). Ou-K'ong, ou plutôt son porte-parole, y mentionne brièvement un épisode conté en détail par Hiouen-Tsang; il désigne sous le nom de Ki-ni-tch'a le roi que Hiouen-Tsang appelle Kiani-che-kia. D'autre part, le Chenn-i-tien (liv. LXXVII, fol. 44) rapporte la conversion miraculeuse de Kanişka de la même manière que Hiouen-Tsang (Mémoires, I, 107), mais il substitue à la forme Kia-ni-che-kia de HiouenTsang la forme Ki-ni-tch'a de nos textes.

1 Cf. la Porte d'or du palais royal à Bhatgaon, dans Oldfield sketches ¡ from N pal, I, 131, et Le Bon, Les Monuments de l'Inde, fig. 369.

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