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FLORIMONT, pour briller sans gêner sa paresse,
Aux plaisirs d'une actrice afferme sa jeunesse.
DORIVAL par l'intrigue à la cour introduit
De sa femme vendue étale le produit,
Et du lit nuptial déserteur volontaire,
Adultère mari d'une épouse adulière,
Monsieur vit séparé; mais à payer son train
Des faveurs de madame il fait servir le gain;
Et Vulcain insolent, il a l'effronterie
D'afficher de l'orgueil au sein de l'infamie.
VALCOURT sans bénéfice et Mercure en rabat,
A mis sa complaisance aux gages d'un prélat,
Dresse ses mandemens et ses lettres galantes,
Au nom de Monseigneur visite ses amantes,
Et pasteur en second de ce joli bercail
Pour le sultan mitré veille aux soins du sérail,
En règle la dépense; et sa main corruptrice
Fait du bien de l'autel le salaire du vice.

MONSEIGNEUR pour vicaire a certain orateur
Qui dit de beaux sermons dont un autre est l'auteur.
De la pudicité panégyriste austère,

Monsieur dément chez lui ce qu'il débite en chaire,
Et donnant à sa plume un essor libertin,
Ecrit à sa maitresse en style d'Arétin.

A côté du clergé mettrai-je la finance?
Peindrai-je en son hôtel ce butor d'importance
Qu'on vit, la sonde en main à la barrière assis,
Attendre les ballots qni venaient à Paris ?
Et ce gros régisseur dont le luxe importune,
Qui monta d'une cave au char de la fortune,
Et sa moitié prodigue et d'amour et d'argent
Rançonnant son mari pour gager son amant?
Pâris de cinquante ans, Dorval dans ses fredaines,
Ne pouvant les séduire, achète des Hélènes.
MONDOR, plein d'un diner pénible à digérer,
Dort, s'éveille, au spectacle il se fait voiturer,
Y lorgne, bâille, sort, et chez son Aspasie
Va déposer sa masse encor toute assoupie.
Fatiguant la beauté de ses tristes desirs,

Il lui donne en dégoûts ce qu'il prend en plaisirs ;

Mais

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Mais l'heure du souper met une fin heureuse
A l'insipidité de la scène amoureuse.

SUR son siége étalé l'amphytrion jouflu,
Cherchant son appétit au sein du superflu,
D'un estomac trop lent fatigue la paresse.
Mais il boit, et Mondor inspiré par l'ivresse,
De lui-même étonné, lâche des quolibets

Qui font rougir sa nymphe et rire ses valets.

PRES du temple où notre homme et celle qu'il ennuie
De Vénus et Vulcain offrent la parodie,

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l'abondance

Le jeune auteur Arcas, dans son coin retiré,
Seul, ayant pour Pégase un fauteuil délabré,
Sur un morceau de planche inclinée en pupître,
Expédie un couplet ou fabrique une épitre,
Gai, pauvre, et dédaignant la bourse de Mondor,
Il court après un vers comme l'autre après l'or.
MAIS il est sain, dispos,
tandis que
Qui nourrit du Crésus l'avide intempérance,
De sa lourde machine énerve les ressorts,
Et sous un teint fleuri fait dépérir son corps,
La sève, en un marais, court ainsi sans mesure
Du front d'un saule infirme animer la verdure,
Et frustrant de ses sucs le tronc qui se pourrit,
D'un luxe de feuillage orne un bois décrépit.
J'AIME bien mieux ce pin qui d'un terrain aride
Elève avec fierté sa verte pyramide,

Et ne laisse jamáis en stériles rameaux
S'égarer l'aliment qui filtre en ses canaux.
MAIS laissons et Mondor et ces héros lubriques
Etrillés par Gilbert dans ses jeux satiriques.
HELAS! avant trente ans il est de l'Hélicon
Descendu sur les bords habités par Caron.
Le Juvénal français est mort sans légataire,
Mais, toi! ne pourrais-tu, sans étre téméraire,
Athlète vertueux, à combattre exercé,

T'engager dans l'arène où Gilbert s'est lancé ?

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Vois la vertu languir sous un joug oppresseur,
Endosse ton armure, et sois son défenseur.

Montre-toi, pour sa cause, aux champions du vice,
Sa triste voix demande un bras qui les punisse,
Saisis-les; et sur eux comme sur un poteau
De leurs débordemens applique le tableau.
De déshonneur couverts, qu'ils en portent l'indice,
Pareils au criminel qu'a surpris la justice,
Et qui par un fer chaud publiquement flétri,
Chargé d'un écriteau, figure au pilori.

MAIS, diras-tu, je veux, passager sur la terre,
Poursuivre mon trajet sans me mêler de guerre.
Et du monde aujourd'hui les puissans corrupteurs,
Maltraités par ma muse, en seront-ils meilleurs ? ·
J'irrite contre moi leur haine furieuse,

L'obscurité vaut mieux qu'une gloire orageuse.
Ta erainte est légitime. Eh bien done! laisse au tems
A châtier ces nains que l'on appelle grands,
Despotes effrontés, sultans dont l'insolence
A la pudeur publique ose imposer silence,
Qui du moindre censeur craignent la liberté,
Et voudraient dans son puits noyer la vérité.
Mais un autre ordre, ami, ne peut tarder à naître,
Encor quelques instans! et nous verrons peut-être
Le peuple las d'un joug par l'orgueil imposé,
Secouer ce fardeau qui tombera, brisé.
Epargnant ces messieurs que la décence accuse
Sur un autre sujet exerce au moins ta muse.
Doué d'un talent pur, d'un goût juste et piquant,
Qui sait toujours de l'or distinguer le clinquant,
Disciple de Boileau, jamais un mot postiche
De ton vers bien rempli n'a chargé l'hémistiche.
De l'art d'associer la rime à la raison,
Donne à nos écoliers l'exemple et la leçon.-
Et fais-leur abjurer la facile méthode
Qui du tour poëtique exclut la période,
Triste abus qui réduit le langage des Dieux
A n'offrir que des vers accouplés deux à deux,
Et qui, l'appauvrissant de graces harmoniques,
Fait d'un poëme entier un amas de distiques.

Sous le sceau des censeurs que l'on nomme royaux,
La sottise circule en pamphlets, en journaux,
En drames, en romans, en chansons, en épitres,
Sous différens formats et sous différens titres.
Le critique a beau jeu, le peuple auteur jamais
Ne fut si mal armé pour repousser ses traits.
Lance les tiens. - Eh! quoi? ta muse hésite encore!

Saus doute! heureux, dis-tu, le mortel qu'on ignore!
A quoi bon m'engageant dans de fâcheux débats,
Prodiguer des leçons que l'on ne suivra pas?
Peu fait pour manier la férule ou la fronde,
Js suis, commé Sosie, ami de tout le monde.
Vive la paix! - Fort bien ! c'est donc un parti pris!
Tu ne veux pas médîre. Il est d'autres écrits
Qui pourraient en effet mieux occuper ta plume.
Ton esprit poëtique est exempt d'amertume ;
Et dans le champ des arts passant tes doux loisirs,
A des moissons de fleurs tu bornes tes desirs.
MAIS quoique peu jaloux d'une illustre mémoire,
En cherchant le plaisir tu peux trouver la gloire.
Je connais tes travaux, je sais que ton talent,
Facile et varié, va du simple au brillant,
Et que tu fais entendre aux échos du Parnasse
Les pipeaux de Gessner et la lyre du Tasse.
Poursuis; et si le ciel dans sa faveur borné
A prendre un même essor ne m'a point destiné,
Si je ne puis te suivre en ton vol poëtique,
J'imiterai du moins ta vertu pacifique.

Permets que je m'y tienne; et ne demande plus,
Que, démasquant le vice et frondant les abus,
Je fasse, dans l'accès d'un cynique délire,
Claquer autour de moi le fouet de la satire,
Ou que j'aille aux passans, Diogène nouveau

Décocher des lardons du fond de mon tonneau.

QUE m'en reviendra-t-il? le vice et la sottise
Pourraient à poings fermés répondre à ma franchise,
Et quelque fat peut-être étayé d'un grand nom,
Enverrait ma vertu gronder dans un donjon.

Un donjon! à ce mot ma main est arrêtée !

Ma plume sous mes doigts s'échappe épouvantée!

Ma

Mon encrier recule! et mon faible Apollon
S'enfuit par ma fenêtre, effrayé du donjon!
Je le rappelle en vain. Courbé sur mou pupitre
Je cherche en vain des vers pour finir cette épitre,
Il ne m'inspire plus. Dans ma perplexité,

Il m'envoie à sa place une divinité;

Mon œil à son maintien reconnait la Prudence.
Que viebs-tu m'ordonner? lui dis-je ? Le silence.
Ce mot d'un trait subit éclaire ma raison.

Il me dit de me taire, et je suis la leçon.

LEFEVRE.

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