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croit sûr d'avoir vu la vérité ; mais sa tâche est loin d'être remplie; il faut la faire voir aux autres; il faut par des descriptions exactes, par des définitions précises faire passer dans l'esprit des autres, les idées qu'il a acquises; il pourrait borner ici son travail; mais comme il est probable que l'observateur connaît mieux que tout autre ses propres observations, il doit donc en tirer lui-même les conséquences; il doit développer les causes ou les lois des phénomènes qu'il a aperçus, suppléer par l'induction et par l'analogie aux faits qui lui manquent pour établir une théorie solide; il doit distinguer avec soin ce qui est vrai de ce qui n'est que systême, hypothèse ou conjecture: alors seulement il pourra croire avoir parcouru toute entière la carrière qu'il avait embrassée.

Ce tableau des fonctions de l'observateur suffit pour donner une idée de l'ouvrage du C. Senebier; car pour le tracer je n'ai eu besoin que de copier la table des chapitres des deux premiers volumes. Le troisième est consacré à l'art des expériences, ou plutôt à indiquer ce qui est propre à cet art, et ce qui le distingue de celui des observations. On ne distingue point assez en général l'observation de l'expérience; cependant leurs procédés et leurs résultats sont fort différens.

« L'observation, dit le C. Senebier, est ce regard ré> fléchi que l'ame porte par le moyen des sens, sur les

objets qui l'occupent pour acquérir une idée exacte de > leurs qualités, de leurs rapports et de leurs causes ; » l'expérience est une ressource pour pénétrer ce qui > échappe aux sens en forçant les objets par une prépa> ration artificielle à mettre au jour ce qu'ils cachent: » l'observation présentera donc les objets tels qu'ils sont » dans leur état naturel; l'expérience offrira seulement le > produit d'un essai imaginaire pour pénétrer l'obscurité > qui enveloppe ce qui frappe les sens. L'observateur re> garde la nature comme un livre dont il doit lire rigou> reusement les caractères sans leur imaginer une signi

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» fication; il l'étudie par ses sens comme elle s'offre à » lui; il se prête seulement aux sensations que les objets >> extérieurs font naître; c'est un amant qui contemple » avec avidité le sujet de son amour, et qui croirait le défigurer s'il changeait un seul de ses traits. Celui qui fait des expériences force la nature à quitter son aspect » ordinaire ; il en fabrique une nouvelle par les nouveaux » phénomènes qu'il enfante; il la met à la torture pour » lui arracher son secret; c'est un curieux qui s'occupe à » faire parler quelqu'un sur le sujet qu'il veut taire. L'obser»vateur voit les phénomènes de la nature livrée à elle» même : celui qui fait des expériences voit le résultat de »ses combinaisons; celui qui observe bien remarquera cons» tamment les mêmes phénomènes; celui qui fait des expériences prépare le sujet de ses observations aussi » variables que les combinaisons qu'il peut faire. L'obser»vation trouve la vérité placée sous ses sens : l'expérience » la cherche par tous les moyens qui peuvent la dévoi» ler: l'observation fait connaître les propriétés des corps; l'expérience mesure leur énergie: l'observation distingue » les effets; l'expérience cherche surtout leurs causes; » l'observation embrasse tous les effets de la nature, le » monde tel qu'il est, voilà ses bornes; l'expérience se procure dans le monde mille spectacles extraordinaires, » ses bornes sont celles que lui prescrit le nombre im» mense des combinaisons que le philosophe peut faire >> avec tous les êtres de l'univers. »

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L'auteur termine son ouvrage par une application de ses principes aux lettres, aux beaux-arts et aux arts mécaniques; cette partie, ainsi que celle qui traite de l'art de faire les expériences, ne se trouvaient point dans la première édition.

D. C.

ESSAI sur l'histoire générale des mathématiques, par CHARLES BOssur, membre de l'Institut national de France, des Académies de Bologne, de Pétersbourg, de Turin, etc. Deux volumes in-8°. A Paris, chez Louis, libraire, rue de Savoye, n° 22.

Il n'y a rien peut-être de plus propre à exciter l'amour des sciences parmi les hommes, que de faire passer sous leurs yeux le tableau des prodiges qu'elles ont opérés. A la vue de tant de merveilles, les ames douées d'une certaine élévation, veulent s'instruire à tout prix, et ne voient plus, ou méprisent les difficultés. Si cette pensée est vraie, l'ouvrage que nous annonçons doit imprimer le plus grand mouvement à l'étude des mathématiques. M. Bossut aurait pu lui donner pour épigraphe ce vers d'Horace qui en indique parfaitement l'esprit : Indocti discant et ament meminisse periti. En effet, ce livre écrit avec éloquence, dégagé d'opérations scientifiques, sera lu avec intérêt par les gens du monde, qui pourront y puiser une idée de ces belles connaissances, si utiles au public qui ne soupçonne guère ce qu'elles ont coûté de tems et de travaux. Mais il sera surtout bien reçu par les savans, qui en apprécieront d'autant mieux la valeur qu'ils seront plus instruits eux-mêmes. Qui pouvait au reste plus dignement traiter un tel sujet, et s'attirer toute l'attention du lecteur, qu'un homme qui s'était ouvert l'entrée de l'ancienne Académie des sciences, après en avoir remporté plusieurs fois les prix, en concurrence avec les plus célèbres géomètres de l'Europe; qu'un savant qui, dans ses nombreux ouvrages, réunit au génie de l'invention, le talent presque aussi rare d'exposer avec élégance et une clarté toujours soutenue, les choses les plus abstraites?

Quoique l'Essai sur l'histoire générale des mathématiques diffère en plusieurs points d'une histoire ordinaire, il en est d'autres cependant qui l'en rapprochent. Car les sciences ont leurs révolutions comme les empires, et le sceptre du

génie comme celui de la domination passe d'un peuple à un autre. Ces deux genres ont donc des règles communes. Aussi l'auteur de l'Essai, adoptant la méthode des meilleurs historiens, peint tout à grands traits; les petites circonstances, les personnages médiocres sont mis à l'écart; il ne conserve que ce qui est digue des regards de la postérité, que les théories qui ont eu de grands résultats. Dans l'histoire, on pèse la politique et les mœurs des nations; dans l'Essai, les productions de leur génie. Mais l'une souille plusieurs de ses pages du récit des dévastations des peuples barbares; si l'autre prononce quelquefois leur nom, c'est pour les dévouer au mépris. L'une emprunte ses plus brillantes couleurs des époques les plus fatales au genre humain; l'autre tire les siennes des nobles inventions de ces génies qui ont éclairé et consolé la terre. Enfin l'une captivera toujours indistinctement l'attention de toutes les classes de lecteurs, parce qu'elle flatte cet inexplicable penchant de l'homme, qui lui fait trouver du plaisir dans le récit des désastres qui l'épouvantent; l'autre plaira particulièrement aux esprits droits, à ces lecteurs assez philosophes pour s'intéresser plus aux sublimes découvertes d'un Archimède et d'un Newton qu'à la plus éloquente peinture des conquêtes d'un barbare.

Il se présente naturellement deux manières d'écrire l'histoire d'une science. La première, en entre-mêlant à la narration les théories les plus essentielles, traitées suivant les formes de l'art; la seconde, en ne quittant jamais la forme historique, mais en développant toutefois, autant que peut le permettre le discours ordinaire, l'esprit de chaque méthode, et en indiquant les sources où le lecteur pourra puiser une plus ample instruction. La première adoptée par Pappus, Wallis, Weidhler, Montucla, etc., comporte tous les développemens auxquels un auteur veut s'abandonner; elle peut quelquefois tenir lieu des livres originaux. M. Bossut a suivi la seconde, plus resserrée et plus appropriée au goût général des lecteurs, mais présentant par-là même de grandes difficultés, pour éviter

tout à la fois les longueurs, l'obscurité et la sécheresse. Il ne se borne pas à faire connaitre les résultats des travaux des mathématiciens; il sème souvent sur son chemin des vues nouvelles qui tendent aux progrès des sciences. Jusqu'ici, ceux qui y étaient étrangers, n'en pouvaient juger que sur parole; il n'existait aucun ouvrage où ils pussent s'en former eux-mêmes une opinion raisonnée, et cependant on n'ignore pas combien il importe aux sciences et à ceux qui les cultivent, que les hommes en général sachent les apprécier. Le livre de M. Bossut produira ce bien.

L'auteur divise son sujet en quatre âges. Dans le premier, il offre les faibles lueurs de l'origine des mathématiques, ensuite leur accroissement rapide chez les Grecs, et enfin leur état languissant jusqu'à la destruction de l'école d'Alexandrie. Dans le second, il nous les montre ranimées et cultivées par les Arabes, qui les font passer avec eux dans quelques contrées de l'Europe, d'où elles se répandent bientôt après, chez les peuples les plus considérables de ce continent; ce second âge dure à peu près jusque vers la fin du quinzième siècle. Le troisième nous mène jusqu'à la découverte de l'analyse infinitésimale. Là commence la quatrième et dernière période.

La briéveté d'une notice nous interdit le plaisir de suivre l'auteur dans chacune de ces périodes; contentous - nous de remarquer que les hommes les plus célèbres des deux premières, y ont vécu presque ensemble. L'une, dont la durée est de 1176 ans, à compter depuis Talès, renferme dans l'espace d'un seul siècle, Euclyde, Eratosthènes, Archimède, Apollonius. Alfraganus, Thébit, Albatenius qui font le plus d'honneur à la seconde, étaient contemporains. Les deux dernières offrent une ample moisson de richesses.

Dans la troisième, on voit briller avec un éclat qui ne s'obscurcira jamais, les noms de Copernic, de Ticho-Brahé, de Képler, parmi les astronomes; ceux de Viette, de Neper, de Harriot, de Galilée, de Descartes, de Rober

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