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Clarisse et Tom-Jones, en les traduisant ; et peut-être ces romaus ont-ils gagné quelque chose à être traduits de cette manière.

On trouve en tête de ce recueil une vie de Boccace, traduite de Tiraboschi. Nous ne répéterons point ici les faits qu'on peut trouver dans tous les livres; nous nous bornerons à quelques remarques.

D'abord, quoique la plupart des biographies et des dictionnaires fassent naître Boccace à Certaldo, en Toscane, Tiraboschi pense qu'il est né à Paris, et d'une parisienne dont son père, voyageant en France pour son commerce, était devenu amoureux. Cette observation ne peut pas être indifférente à des Français qui doivent se faire une gloire de revendiquer pour leur compatriote un homme si justement célèbre.

Boccace fut en effet un des hommes les plus savans de son tems, et l'un de ceux qui contribua le plus à la renaissance des lettres en Italie.

Il était contemporain et ami de Pétrarque; et l'on peut dire que la prose italienne lui doit autant que la poësie est redevable au chantre de Laure. Ces illustres écrivains ont commencé à fixer la langue de leur

pays.

Pétrarque s'occupa beaucoup de rechercher et de conserver des manuscrits d'auteurs anciens, grecs et latins ; Boccace étudia ces excellens modèles qui avaient été long-tems oubliés ou négligés; ce fut en recueillant de tous côtés, et en copiant les meilleurs auteurs de l'antiquité (l'imprimerie n'était pas découverte alors) que Boccace devint l'un des écrivains les plus élégans dont l'Italie s'honore.

Florence qu'il habitait était alors déchirée par des dissentions civiles; la famille de Pétrarque avait été bannie de la Toscane, et dépouillée de ses biens. Les Florentins Jui députèrent Boccace, pour lui annoncer que son patrimoine venait de lui être rendu, et pour le prier de venir illustrer par sa présence leur Université naissante.

Boccace fut encore chargé d'autres ambassades qui

avaient pour objet des intérêts politiques; il répondit à la confiance des Florentius, et prouva que l'esprit des lettres n'est point incompatible avec celui des affaires.

Savant et homme d'Etat, Boccace se distingua par un, grand nombre d'ouvrages tant en latin qu'en italien.

Le plus célèbre de ces ouvrages, celui qui a fait la réputation de son auteur, est le plus frivole de tous en apparence; c'est le recueil de contes ou nouvelles, si connu sous le nom de Décameron, parce qu'il est divisé en dix journées.

Les sujets de la plupart de ces récits, sont des aventures galantes contées avec beaucoup de gaité et de liberté. Depuis plus de quatre siècles on les lit, on les relit, et l'on s'en amuse: ces contes sont traduits dans toutes les langues; mais si l'on en composait aujourd'hui du même genre, on trouverait difficilement grace devant nos censeurs austères..... Qui Curios simulant.

Presque toujours aussi les héros de ces bonnes aventures sont des moines, des religieuses, des curés, etc..... Boccace peignait naïvement les mœurs des ecclésiastiques de son tems. Car la superstition de nos pères était accompagnée de beaucoup de libertinage; et si l'on veut un échantillon des mœurs de ce bon tems qu'on affecte de ⚫ préférer au nôtre, on le trouvera dans un auteur aussi modéré que savant, dans Robertson (1).

« La plupart des chefs du clergé, tant régulier que sé» culier, étant des cadets de famille noble, qui n'avaient » choisi l'état ecclésiastique que dans l'espérance d'arriver > aux grandes dignités et d'en posséder les revenus, étaient » accoutumés à négliger totalement les devoirs de leurs places, et se livraient sans réserve à tous les vices qui » sont les suites naturelles de l'opulence et de l'oisiveté. » A l'égard du bas clergé, sa pauvreté l'empêchait d'imi»ter le luxe de ses chefs; mais son ignorance grossière » et ses débauches crapuleuses le rendaient aussi mépri

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(1) Hist. de Charles-Quint. Liv. 2.

" sable que les premiers étaient odieux. La loi du célibat, >> cette loi rigoureuse et contre nature, qui assujettissait » tous les ordres, causa tant d'excès qu'en plusieurs en

droits de l'empire on se vit obligé, non-seulement de » permettre, mais d'ordonner aux prêtres le concubinage.... » Long-tems avant le seizième siècle, plusieurs auteurs » célèbres et respectables avaient fait des mœurs dissolues » du clergé, des peintures qui paraissent presqu'incroyables » dans le nôtre. Le libertinage des ecclésiastiques causait > le plus grand scandale (2). Les officiers de la chancel»lerie romaine publièrent un livre qui contenait un tarif » exact des sommes nécessaires pour obtenir le pardon de

chaque péché. Un diacre coupable de meurtre était ab» sous pour ving écus; un évêque et un abbé pouvaient » assassiner pour trois cents livres. Tout ecclésiastique » pouvait s'abandonner aux excès de l'impureté, même » avec les circonstances les plus aggravantes, pour le tiers » de cette somme. Ces crimes monstrueux, dont la vie » humaine ne fournit que des exemples très-rares, et qui » peut-être n'existent que dans l'imagination impure d'un >> casuiste, étaient taxés à fort bas prix.»

A quoi dut-on la réforme qui s'introduisit peu à peu dans les mœurs du clergé? Le même auteur nous l'apprend en traçant de main de maître le tableau de ce seizième siècle qui a eu une si grande influence sur les destinées du monde. Les mêmes causes qui ont alors réformé le clergé, ont changé et amélioré l'espèce humaine de toute l'Europe. Ces causes ont été les progrès des lumières et de la raison depuis la découverte de l'imprimerie, la culture des lettres, l'agrandissement du commerce, la facilité des commu

(2) A propos d'une nouvelle intitulée : la Bulle d'Alexandre VI, dans laquelle se trouve un portrait de ce pape et de son fils, César Borgia, le Journal de Paris a reproché à l'auteur d'avoir fait connaître les secrets de la famille Borgia. Le journaliste ne sait pas qu'il y a trois cents ans que ces secrets- là sont des secrets de comédie, que tout le monde sait, et qu'on lit dans tous les historiens.

en

nications de peuple à peuple et d'un hémisphère à l'autre..... C'est ainsi que les peuples européens ont conmencé à ouvrir les yeux; les progrès de leur perfectionnement depuis cette grande époque sont lents, mais sensibles; c'est ainsi que les papes et les ministres de l'église, eu perdant une autorité monstrueuse et absurde, en ont acquis une convenable à leur caractère, celle de la persuasion et de l'exemple. Nos pasteurs sont vertueux pour être respectés; ils ne sont plus ni fanatiques ni persécuteurs. François Ier, pour complaire aux prêtres, fit tourmenter et brûler vifs des hérétiques (3); et de nos jours, nous entendons de dignes prêtres prêcher la tolérance, nous les voyons la mettre en pratique !.... Ce trait seul suffirait pour décider la question, sinon de la perfectibilité indéfinie, au moins du perfectionnement réel de l'espèce humaine. Mais revenons à Boccace.

Sa réputation de conteur et d'écrivain est faite il y a long-tems; nos grands hommes du siècle de Louis XIV lui ont emprunté mille traits dont ils ont enrichi leurs immortels ouvrages. La Fontaine en a imité beaucoup de contes; Molière a pris dans Boccace les sujets de Ecole des Maris, de l'Ecole des Femmes, de Georges Dandin, etc...., et il y avait alors, comme aujourd'hui, des prudes et des bigots qui criaient au scandale, à l'obscénité et Molière leur répondait en faisant la critique de l'Ecole des Femmes et le Tartuffe, et La Fontaine disait avec sa charmante naïveté :

Irait-on après tout s'alarmer sans raison
Pour un peu de plaisanterie ?

Je craindrais bien plutôt que la cajolerie
Ne mit le feu dans la maison.

Chassez les soupirs, belles; souffrez mon livre
Je réponds de vous corps pour corps.

Censurez tant qu'il vous plaira,

Méchans vers et phrases méchantes;

(3) Hist. de Charles-Quint. Liv. 6.

Mais pour bons tons, laissez-les là,
Ce sont choses indifférentes.

Je n'y vois rien de périlleux.

Les mères, les maris me prendront aux cheveux
Pour dix ou douze contes bleus!

Voyez un peu la belle affaire !

Ce que je n'ai pas fait, mon livre irait le faire!

On lit depuis quatre siècles les nouvelles de Boccace; on continuera probablement à les lire, surtout dans une traduction qui les rend plus agréables, en les abrégeant. L'exécution typographique de ce livre, et les gravures qui l'embellissent, y ajoutent un charme de plus.

BEAUX-ARTS. THEATRES.

MOYENS de régénérer les théâtres, de leur rendre leur moralité, et d'assurer l'état de tous les comédiens, sans qu'il en coûte rien au Gouvernement; présentés au ministre de l'intérieur en l'an 9, par J. MAUDUIT LARIVE, membre associé de l'Institut national.

Tous les chefs-d'œuvre qui composent nos théâtres, semblent n'avoir été enfantés que pour rendre les hommes meilleurs, les instruire en leur montrant tous les dangers du vice, et tous les avantages que procurent les vertus.

Corneille, Racine, etc., etc., ces peintres de la nature, ont eu l'art difficile de fouiller dans le coeur de tous les hommes, de leur arracher leurs secrets, et, en développant toutes leurs passions, d'apprendre à l'homme à counaître l'homme.

Le divin Molière, dans les jeux de Thalie, n'a pas moins fait en arrachant le masque au vice et en soulevant celui des ridicules.

Le seul privilège que la nature ait donné à l'homme, est sa pensée; aucun pouvoir n'a le droit de la pénétrer; il n'appartenait qu'à nos sublimes auteurs dramatiques de

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