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qu'à ses erreurs politiques. Il faut bien aussi les faire remarquer, et c'est ce qui nous a décidé à traduire et à publier la lettre suivante.

Aux Rédacteurs de la Décade philosophique.

Londres, 5 septembre 1802.

APRÈS une guerre poursuivie avec une animosité sans exemple; lorsque les deux premières nations du globe commencent à s'estimer. mutuellement, il faut être ce qu'il y a de plus vil (pardonnez ce mot à ma franchise auglicane), pour tacher de semer entre elles de Douveaux germes de discorde, et d'y rallumer les torches de la guerre civile, par les impostures et les calomnies les plus grossières. Eh biea! cet homme existe, et c'est celui qui a fait insérer dans plusieurs journaux une suite de lettres signées F..... ( Fiévée. )

Nique extra necessitates belli præcipuum odium gero. Je me bornerai donc à ce qui, dans ses lettres, a rapport à la constitution de TAngleterre. Quoique anglais et fier de l'être, je ne prendrai pas 1 peine de défendre la chasteté de mes belles compatriotes, ou les mœurs de mes concitoyens ; je ne disputerai pas non plus relativement à la supériorité des deux ratious. Ce serait folie à moi de Teatreprendre, après qu'on les a jugées l'une et l'autre, sous le point de vue physique et moral, avec autant de sagesse que de gravité (2). Allons au fait. - M. F., traitant des élections parlementaires, dit au sujet de la qualité d'électeur: « Il n'y a rien de fixe à cet égard. > Je vais lui apprendre en quoi consiste la qualité d'électeur. Je comDence par les comtés.

Dans toute l'étendue de l'Angleterre, quiconque possède un franc fief de 4o schellings de revenu annuel, a droit de voter, conformément à deux statuts de Henri VI, modifiés par un statut de Georges III (3). Ce taux semblera peut-être trop modique pour une prérogative de cette importance; mais l'évêque Fleetwood, qui écrivait du tems de la reine Anne, dit dans sou ouvrage intitulé Chronicum preciosum, que ces 40 schellings équivalaient alors à 12 liv.st. Ainsi ils équivalent aujourd'hui au double de cette somme; et les seules personnes excluès du droit de voter, en vertu de cette clause, sont les employés de l'excise et les percepteurs des taxes (4).

Je crois prouver assez bien, puisque je m'étaye de l'autorité la plus imposante, qu'on a une idée très-claire de ce qui constitue la qualité d'électeur de comté. Je passe aux villes et aux bourgs ourests. Dans les villes, tout homine qui jouit des franchises de lieu a droit de voter. Pour obtenir ces franchises, il faut avoir fait dans la ville l'apprentissage d'un métier (5), ou avoir reçu la bourgeoisie par voie d'hérédité en ligne directe. A Londres seulement, les bourgeois ou hommes francs sont appelés livery men. Voilà aussi, ce.

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(2) Voyez un article intitulé: Des papiers anglais, dans le Journal de Paris, du mardi 22 thermidor an 10: « Pouvez-vous prétendre

⚫ qu'un peuple qui boit de la bierre et mange du bœuf, etc. »

(3) V. le Commentaire de Blackstone. L. I, ch. 2, p. 172.

(4) V. 22° statut de Georges III, C. 41.

(5) L'apprentissage est de sept ans.

me semble, une définition intelligible du droit d'élection dans les villes.

Dans ces bourgs ouverts (6) (et je comprends sous cette dénomination la ville de Westminster, parce que ses habitans votent de la même manière que ceux des bourgs, quoique Westminster soit qualifié de ville et franchises de Westminster), tout chef de maison qui paie la taxe des pauvres a droit de voter.

Les bourgs fermés viennent ensuite. Là, le droit de voter n'appartient qu'aux magistrats, tant qu'ils sont en place. On ne compte qu'un petit nombre de ces bourgs. - J'ai ainsi prouvé sans réplique qu'on entend parfaitement, en Angleterre, ce qui donne la qualité d'électeur. Les deux universités de Cambridge et d'Oxford envoient aussi des députés au parlement; mais le mode de leur élection est très-simple.

Certainement l'Ecosse n'envoie pas un nombre aussi grand de députés, vu que la population n'y est pas égale à celle de l'Angleterre. Il est de toute fausseté que « les catholiques et les non-confor» mistes ne puissent voter pour une élection». Je soutiens que les catholiques, les non-conformistes, les juifs et les quakers ont droit de voter. On ne dit pas un seul mot de religion à l'homme qui émet son vote. Voici toute la formule du serment: « Je N....., jure que » je réside à ....., que je n'ai reçu de présent d'aucune espèce pour > voter en faveur d'aucun des candidats, et que je n'ai point encore » voté à cette élection. Ainsi Dieu m'ait en sa miséricorde. » C'est-là tout ce qu'on demande. Des non-conformistes siégent même dans la chambre des communes. Tels sont W. Smith, député de Norwich, qui l'a emporté dans cette ville sur M. Windham à la dernière élection. (Et M. F. doit être douloureusement affecté de cet échec d'un homme dont il partage sans doute les belliqueuses dispositions.) G. Barclay, député de Bridport; Wilberforce, député de l'Yorkshire; J. Martin, député de Tewkesbury, et quantité

d'autres.

M. F. dit encore que la constitution anglaise n'a pas empêché trois ou quatre révolutions. » Quel pitoyable raisonnement ! N'y a-t-il pas dans tous les pays, parmi les princes et parmi les sujets, des ambitieux qui desirent sans cesse des changemens, et qui brûlent de s'arroger le pouvoir, quelle que soit la bonté de la constitution et des lois? J'admets qu'il y ait eu des révolutions en Angleterre; notre constitution n'a jamais changé. Elle existait aussi pure sous Alfred que dans les premières années du règne de Georges III. Jamais la constitution n'a varié; il n'y a eu de changement qu'à l'égard des familles régnantes ; et du tems même de Cromwell le titre de protecteur, substitué à celui de roi, fut le seul changement qui eut lieu dans le chef du pouvoir exécutif. M. F. dit que « des » concessions furent arrachées à divers souverains. » Le mot est dur, mais je consens à l'admettre; et je pense que cette violence salutaire ne peut nous être imputée à crime que par les plus déhontés

(6) J'expliquerai la signification des mots, tourgs ouverts et bourgs fermés.

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partisans du pouvoir arbitraire. Si, pour me servir de l'expression de M. F., on arracha quelque chose au roi Jean, ce fut parce que les innovations de ce prince blessèrent les droits des sujets ; et les barons obtinrent la grande charte, comme une garantie de leurs droits et franchises, et pour servir de barrière aux ordres arbitraires d'un despote capricieux. Lorsque, sous le règne de Charles II, on donna force de loi à l'acte d'habeas corpus (l'une des opératious législatives les plus sages et les plus libérales); et, sous Guillaume III, au bill des droits, ce fut uniquement afin d'empêcher qu'on ne renouvelât l'horrible chambre étoilée.

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M. F. ajoute: « Malgré l'ambition naturelle à tous les hommes, jamais on n'a vu ces villes réclamer pour obtenir le droit de coopérer à la représentation nationale. Ici, il se contredit luimême; car il dit plus loin : « Ils (les argumens pour une réforme ■ parlementaire) sont tous pris dans des discours adressés au parlement par des membres du parlement. Aussi la nécessité d'une › réforme parlementaire est-elle le grand cheval de bataille des > jeunes gens qui veulent se faire un nom. C'est par-là que M. Pitt > a cominencé. » Il admet donc qu'il y a eu des efforts pour obtenir une réforme parlementaire. Au reste, il parait si peu au fait de ce qui s'est passé en Angleterre depuis vingt ans, que je me vois forcé de lui donner les renseignemens qui lui manquent.

Il se forma en 1780 une société qui avait pour objet d'obtenir une réforme dans le parlement. Elle était composée du duc de Richemand, du colonel Sharman, du major Cartwright, de sir Cécil Wray, de l'alderman Sawbridge, du duc de Norfolk, de John Horse-Tooke, du lord Stanhope, de M. Pitt et de beaucoup d'autres membres; tous, excepté lord Stanhope et M. Pitt, étaient des vétérans dans la cause de la liberté (7). Cette société subsista jusqu'en 1794, où quelques-uns de ses membres furent poursuivis judiciairement comme coupables de haute trahison, et déclarés innocens. Voilà les hommes que M. F. appelle a des jeunes gens qui veulent › se faire un nom. » Depuis dix ans, les villes de Sheffield, Birmingham et Manchester, ont adressé plusieurs pétitions au roi et au parlement, afin d'obtenir une réforme parlementaire.

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En guise d'éclaircissement sur cette dernière fausseté, M. F. dit: On a vu des villes présenter des pétitions pour être exemptées de > ce droit. Des villes ont en effet présenté des pétitions dans cette Tue, il y a 150 ans, parce qu'alors les membres du parlement recevaient de leurs commettans un salaire de deux schellings par jour, équivalant à une liv. st. d'aujourd'hui; mais André Marwell, député de Hull, sous le règne de Charles II, fut le dernier qui reçut un salaire de ses commettans.

Je crois avoir réfuté les principales erreurs de M. F., en tant qu'elles ont trait aux affaires constitutionnelles. Quant à ce qu'il avance par rapport à la duchesse de Devonshire, qu'elle a distribué des baisers à des bouchers pour obtenir des votes en faveur de M. Fox,

(7) Ils étaient jeunes à cette époque.

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cette assertion est fausse (8). Cette illustre lady alla solliciter, il est vrai, des votes ; et si un boucher demanda un baiser à une lady, ce ne fut pas de la faute de cette dernière: rien ne prouve qu'elle ait accordé ce baiser. - Sans doute les bouchers français ont des manières plus civiles.

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M. F. parait très-choqué de voir l'agitation de cette canaille anglaise si fière. » Je dirai à M. F. que si la canaille est fire, c'est qu'elle a une juste idée de l'indépendance. Malheur au militaire qui oserait se montrer à une élection! Cette cana lle, ainsi qu'on l'appelle, ne regarde pas les militaires comme ses concitoyens, et cela par une assez bonne raison, c'est qu'un soldat est sujet à des punitions auxquelles les Anglais ne peuvent être légalement soumis.

M. F. est révolté de ce que le peuple a sifflé l'amiral Gardner à la dernière élection. » Le motif de cet accueil est évident. L'amiral Gardner est un candidat ministériel. Pendant la dernière cession il a voté dans le sens des ministres, en opposition formelle au vœu de ses commettans, surtout à l'occasion de la taxe des revenus, impot vexatoire et odieux qui a été rejeté depuis. Il demande Si » un autte peuple serait assez faible pour se conduire ainsi envers » un homme qui aurait défendu sa patrie.» Je lui répondrai qu'aucune autre nation que la nation anglaise n'aurait eu ce courage. Un amiral anglais, hors de l'exercice de ses fonctions, n'est pas plus qu'un autre homme, et le public a le droit de blamer sa conduite politique de la manière qu'il lui plaît. La canaille d'Angleterre, car suivant M. F. toute l'Angleterre n'est peuplée que de canaille, sait très-bien comment elle doit aborder les hommes rocommandables par leur mérite et leur intégrité politique. Je citerai pour exemple Charles Fox, ce respectable homme d'Etat, qui est demeuré fidèle à la cause de la liberté et de la réforme, à une époque où la corruption politique a détruit les liens de la société. Il y a environ trois ans qu'il fut fait des ouvertures pour le nommer à une place dans l'administration. Il les rejeta, d'après des principes dignes de lui. « Non, dit ce Patriote anglais, si vous changez de mesures et de principes, » je consentirai à devenir ministre. Sans cela, je ne puis faire aucun bien. Un simple changement d'individus ne sera d'aucune > utilité à la patrie. » Citez-moi, dans tout autre pays, l'homme qui refuserait le poste séduisant de premier ministre. Aussi, avec quel intérêt, je pourrais dire avec quelle vénération le peuple anglais ne voit-il pas Fox, cet incorruptible défenseur de ses droits et de son indépendance!

Mais c'est trop prolonger cette discussion. Une autrefois, si l'impartiale et estimable Décade veut bien me sacrifier encore quelques-unes de ses feuilles, je donnerai à M. F. quelques renseignemens sur la banque d'Angleterre, qu'il me parait connaitre tout autant que notre constitution. ANGLUS.

(8) L'auteur du Tableau de la Grande-Bretagne, onvrage trèsrecommandable par sa sagesse et son exactitude, donne ce fait pour constant. (Note du Traducteur.)

De l'Impr. de la Ve PANCKOUCKE, rue de Grenelle, No 321, F. G.

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LA DÉCADE PHILOSOPHIQUE, LITTÉRAIRE

E T POLITIQUE.

AN XI de la République Française.ier TRIMESTRE. 20 vendémiaire.

HISTOIRE NATURELLE.

HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS, par le C. LACÉPÈDE, membre du Sénat conservateur, de l'Institut national de France, professeur au Muséum d'Histoire Naturelle, etc. Tomes II et IV. A Paris, chez Plassan, imprim. - libraire, rue de Vaugirard, no 1195. An X.

Nous avons rendu compte des deux premiers volumes de cet ouvrage dans les Nos 1 et 2 an 7, 35 an 8. Les volunes suivans, composés sur le même plan, présentent d'abord le tableau des genres, et ensuite la description des espèces. Cette dernière partie, qui est proprement leur histoire, est précédée de discours où l'auteur, à Texemple de Buffon, élève sa pensée vers l'origine des choses, et agrandit son sujet tantôt par des considérations tirées de la nature des êtres en général et de leurs rapports, tantôt par des vues d'utilité relatives à l'homme et au bonheur social. Quoique cette partie de son travail ne soit qu'accessoire, et comme épisodique dans l'ouvrage que nous annonçons, elle est cependant la seule que nous puissions faire connaître, sans être obligés d'entrer dans des détails qui passeraient les bornes d'un extrait. An XI. 1er. Trimestre.

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