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haler vos plaintes, mais vraiment le succès de la cause, le résultat définitif, n'accordez pas à ces erreurs, à ces fautes locales, plus d'importance qu'elles n'en ont réellement; ne les amplifiez pas, ne les grandissez pas jusqu'à en faire les fautes volontaires d'un grand gouvernement. A ces conditions, vous pouvez espérer de faire prévaloir une grande et bonne politique générale par-dessus ces méprises dispersées sur la face du globe. Mais si vous voulez sérieusement atteindre ce but, ménagez, respectez les grands gouvernements avec lesquels vous êtes en rapport; éclairez-les sur la réalité des choses, amenez-les à voir les choses comme elles sont, demandez-leur la justice après leur avoir montré la vérité : c'est ce que nous avons essayé de faire dans le cours de cette difficile affaire, et je ne désespère pas que nous ne finissions par réussir. »

Après quelques mots de M. le comte de Montalembert, qui exprimait le doute qu'une communauté d'action de la France avec les autres puissances put réussir dans des questions qui sont principalement de son ressort, M. le comte de Sainte-Aulaire protesta avec une noble chaleur contre les accusations de criminelle indifférence qui avaient été portées contre la diplomatie en matière d'humanité. N'oublions pas, dit l'illustre diplomate, que des ménagements ne sont ni l'indifférence, ni la faiblesse, et qu'un catholicisme sans charité pour les personnnes est la pire des hérésies.

Une autre question, celle du Texas, fut soulevée par M. le comte Pelet (de la Lozère). Après avoir fait l'historique de ce pays depuis 1815, l'honorable pair critiqua le système suivi par le ministère, et soutint que la France avait le droit de s'immiscer dans la question, au point de vue de son intérêt commercial et de ses relations maritimes. Il y avait, selon lui, des choses qu'il ne faut pas faire en commun, et, malgré l'entente cordiale, chacun devait agir dans sa sphère d'action. M. le comte Pelet (de la Lozère) acceptait, comme s'appliquant à ses observations, le vœu exprimé dans le projet d'Adresse, de voir les deux gouvernements de France et d'Angleterre agir d'intelligence quand les circonstances le comporteraient, en se réservant leur liberté d'action dans la sphère politique qui leur est propre.

C'était là, répondit M. le ministre des affaires étrangères, la seule politique honorable que la France et son gouvernement

pussent professer, la seule qu'elle pratiquât tous les jours. Ainsi, dans l'affaire du droit de visite, sur les rives de la Plata, l'Angleterre et la France avaient des intérêts communs, des intentions communes : aussi avaient-elles concerté une action commune. Mais, dans d'autres questions, celles, par exemple, de Tunis, c'est-à-dire de la Porte, celle du Maroc, la France ne poursuivait-elle pas sa politique propre, sans se préoccuper de l'action de l'Angleterre, sans rechercher son concours actif? Bien plus, il y avait des lieux où les deux politiques différaient, en Grèce, par exemple: là le gouvernement français suivait ses idées, ses sympathies, sans s'inquiéter d'idées ou de sympathies contraires.

Au Texas, qu'avait voulu la France ? Elle avait désiré, conseillé l'indépendance de cet État, indépendance reconnue par les États-Unis en 1837, par la France en 1838, et par la GrandeBretagne en 1840. En conseillant à cet Etat de maintenir son indépendance, en engageant le Mexique à la reconnaître, la France n'avait fait qu'user d'un droit incontestable. Elle avait, de plus, au Texas, des intérêts commerciaux devenus l'objet d'un traité, intérêts qui eussent pu prendre plus tard une grande importance. En outre, son intérêt politique était dans l'interposition d'un Etat indépendant entre les États-Unis et le Mexique. Il avait paru au gouvernement français que son avantage était à ce qu'aucune des deux races anglaise et espagnole ne fût détruite et absorbée par l'autre, à ce que la race méridionale catholique conservât dans le Nouveau Monde un certain degré d'importance, d'action, de population. Il lui avait semblé qu'il n'y aurait rien de plus profitable à cet intérêt que l'établissement d'un certain nombre d'États indépendants en Amérique, et, par conséquent, le maintien d'un certain équilibre entre ces États.

La crainte constante, en Europe, avait toujours été celle de la prépondérance d'une monarchie unique, universelle, et toutes les fois qu'on avait vu apparaître cette perspective, sous le nom de Charles-Quint, de Louis XIV, de Napoléon, tous les amis éclairés de la civilisation et de la liberté s'étaient alarmés

à bon droit. Ce qui n'était pas bon, en Europe, sous la forme de la monarchie universelle, serait-il meilleur, en Amérique, sous la forme de la république universelle? Il y avait donc là un intérêt d'équilibre général, et cette idée avait dirigé la politique française dans la question du Texas.

Lorsque la question était encore diversement jugée au Texas et dans les États-Unis, la France avait pu donner son opinion, sans prétendre gêner en rien la liberté d'action de l'État auquel elle adressait ses conseils. Elle avait apporté dans cette affaire la plus grande réserve, s'empressant de déclarer que son rôle serait fini le jour où le Texas renoncerait à son indépendance, refusant de se porter garante lorsqu'il fut question de la reconnaissance par le Mexique, et ménageant enfin la susceptibilité des États-Unis jusqu'au point de ne leur faire, à cet égard, aucune communication qui pût compromettre leur nom.

A cette occasion, M. le ministre se trouvait amené à parler de la politique générale des Etats-Unis, politique hautement professée l'année dernière dans le message du président (voyez l'Annuaire précédent, p. 489). Cette politique reposait sur deux bases principales: d'abord, à l'égard de l'Europe, une politique isolée, une neutralité indépendante; en second lieu, une théorie contraire à la théorie européenne de la balance des pouvoirs, et cette maxime qu'aucune action européenne ne doit être exercée sur le continent du nord de l'Amérique. Quant à l'isolement, la politique américaine était sans doute parfaitement légitime, et puisque le président déclarait cette neutralité absolue la règle d'avenir des États-Unis, la France n'avait, à l'égard des États-Unis, d'autre position à prendre que celle d'une indépendance aussi absolue, d'une politique uniquement dirigée par intérêt national, complétement dégagée de toute tradition, de tout souvenir, de toute vue d'alliance.

Mais, ajoutait M. Guizot, la seconde maxime est étrange. Les États-Unis ne sont pas la seule nation du nord de l'Amérique; il y a là d'autres nations indépendantes, d'autres États constitués, le Mexique, par exemple; ces États ont les mêmes

droits que les États-Unis eux-mêmes, la même liberté de chercher ou de refuser des alliances, de former des combinaisons politiques qui leur paraissent d'accord avec leurs intérêts. Or ces nations indépendantes, ces États constitués dans le nord de l'Amérique, la France a avec eux des rapports naturels, des rapports écrits, des traités de commerce entre les deux parties, avec un droit plein et entier qui ne peut blesser en rien les droits des États-Unis; ce droit, la France le maintiendra toujours, sans aucun sentiment d'hostilité contre les États-Unis.

Après ce discours, une discussion s'engagea sur la liberté du commerce entre M. le duc d'Harcourt et M. Fulchiron. Le premier de ces orateurs pensait que la liberté du commerce est le premier besoin des peuples, et qu'en retarder l'avénement, c'est s'exposer à une crise dangereuse. Le second se prononçait pour une prohibition modérée, et donnait pour exemple les difficultés et les dangers d'une union douanière avec la Belgique.

Le 13, après quelques paroles de M. le marquis de Boissy, la Chambre adopta les paragraphes 3 et 4.

A propos du paragraphe 5, M. le comte Mathieu de la Redorte appela l'attention de MM. les pairs sur la convention du 29 mai 1845, qui, disait le discours de la couronne, avait replacé notre commmerce sous la surveillance exclusive de notre pavilion. Selon l'honorable orateur, cela était matériellement faux en droit, puisqu'il existe encore six nations avec lesquelles la France a conclu des traités par lesquels le droit de visite réciproque est établi, à savoir : la Sardaigne, la Toscane, les Deux-Siciles, la Suède, le Dannemark et les villes Anséatiques. D'abord, la visite que nos croiseurs doivent exercer sur les navires de ces nations ne pouvait être qu'inutilement tracassière, puisqu'elles ne font pas la traite. De plus, ces traités n'établissant pas un droit de visite unilatéral au profit de la France, il en résultait un droit de visite réciproque, une servitude correspondante. Qu'une de ces nations établit une croisière permanente sur la côte d'Afrique, et l'assertion du discours de la ouronne devenait aussi fausse en fait qu'en droit.

Puis, attaquant le texte même de la convention, M. le comte Mathieu de la Redorte s'attacha à prouver qu'en substituant au droit de visite un droit de vérifier la nationalité des navires on n'avait fait qu'échanger un régime plus oppressif encore, et qu'au lieu de soustraire les bâtiments du commerce à un joug odieux on leur en avait imposé un plus vexatoire. De plus, les instructions annexées à la convention du 29 mai avaient eu, selon l'orateur, pour tout résultat de dénaturer les principes du droit des gens en matière de piraterie.

L'illustre signataire de la convention du 27 mai vint luimême défendre son œuvre.

Et d'abord, M. le duc de Broglie niait formellement que cette convention substituât au droit de visite un autre droit nouveau et qu'elle soumît les bâtiments de commerce à d'autres conditions que les conditions naturelles qui découlent nécessairement de la force même des choses, des principes généraux du droit des gens et de la pratique constante de tous les temps et de tous les pays. Il ne fallait pas confondre, en effet, un droit positif, régulièrement établi, et une faculté exceptionnelle, légitimée par sa seule nécessité, et que celui qui l'exerce ne peut exercer qu'à ses risques et périls, à charge de répondre de toutes les conséquences, de réparer toutes les erreurs. Le droit positif, établi aux termes des conventions de 1831 et 1833, avait été aboli sans retour par la convention de 1845. Par cet acte, un moyen terme avait été établi entre le principe absolu de l'inviolabilité du pavillon, principe protecteur de toute contrebande, et le principe absolu de la vérification des pavillons, principe générateur du droit de visite. Le terme moyen, c'était la faculté de vérification, à charge de responsabilité.'

Quant à la piraterie, on avait dit que les instructions données avaient pour tendance de dénaturer les principes du droit des gens, en étendant outre mesure la définition de cet acte. M. le duc de Broglie répondait en démontrant que les instructions avaient été tout simplement rédigées conformément aux lois en

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