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CRITIQUE LITTÉRAIRE.

Sur la Chrestomathie sanskrite de M. Frank.

M. FRANK, professeur de philosophie à Munich, a publié, dans cette ville, à la fin de 1820 une chrestomathie sanskrite, composée des morceaux suivans :

Le discours de Dhritarashtra, tiré du Mahabharata, avec les Scholies de Nilakanta.

L'exorde du Mahabharata.

Des extraits de l'ouvrage de Sankara-Atcharia sur les Vedas, et du Commentaire d'Ananda sur l'ouvrage de Sankara.

L'auteur a donné le premier morceau en caractères dévanagari, avec une lecture interlinéaire en lettres romaines ; et il a placé, au bas de chaque page, l'analyse en lettres simples des caractères composés. Ce texte est suivi d'une exposition grammaticale et mythique, où M. Frank applique les règles de la langue, et fait ce que les écoliers appellent les parties grammaticales des mots. C'est pour les commençans, auxquels l'ouvrage est destiné, la partie la plus utile du travail de M. Frank. Aux explications grammaticales, il joint partout les éclaircissemens nécessaires pour faire connaître les personnages mythologiques que le poète indien a mis en scène, les faits et les usages qui caractérisent l'antique civilisation de l'Inde. Il analyse tous les mots composés, il en indique la racine, et il écrit en caractères dévanagari toutes les expressions qui deviennent l'objet d'une remarque. Le texte avec les remarques oc

que

cupe 122 pages in-4°. ; et l'on peut assurer les abréviations, dont l'auteur fait un usage perpétuel, l'ont matériellement raccourci d'un tiers.

Les caractères dévanagari ne sont pas moins rares en Allemagne qu'en France. M. Bopp, qui a donné en 1818, l'épisode de Nala, autre pièce tirée du Mahabharata, a fait imprimer son livre à Londres, avec les beaux caractères de Charles Wilkins, l'un des hommes qui, de nos jours, ont le mieux mérité de la littérature sanskrite; le petit nombre de mots sanskrits, employés par M. de Schlegel, dans sa Bibliothèque Indienne, proviennent d'un caractère qu'il a fait graver à Paris, chez M. Lions. Pour M. Frank, il a été obligé d'écrire lui-même tous ses caractères dévanagari dans des espaces ménagés, sur la feuille où il avait fait imprimer toutes les parties de son travail qui sont écrites en caractères romains, et de les lithographier ensuite. Il ne lui a pas fallu moins de cinquante-neuf pierres pour lithographier tout l'ouvrage, et c'est certainement ce travail long, difficile et dispendieux, qui le tient au prix élevé auquel il se vend.

Il ne faut pas omettre que MM. Bopp et Frank ont été envoyés, aux frais du gouvernement bavarois, à Paris et à Londres, où ils ont passé plusieurs années, chargés de s'instruire dans la littérature indienne, et d'importer dans leur patrie des connaissances et des livres qui y avaient manqué jusque là. Il paraît que ces deux savans ont rempli, avec autant de zèle que de succès, l'honorable mission qui leur avait été confiée. M. Frank, en particulier, a enrichi la bibliothèque royale de Munich des meilleurs livres en ce genre; « livres, dit-il, que certainement on ne trouverait rassemblés dans aucune autre partie de l'Allemagne. » Il paraît que le gouvernement de Suède a suivi cet exemple au moins M. Frank nous apprend-il qu'il a trouvé à Londres

M. Ekenstan, savant suédois, qui s'occupait à réunir avec des soins infinis des monumens indiens, dont il essayait d'éclaircir l'origine et le but par de savans commentaires.

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A peine de retour, MM. Bopp et Frank se sont empressés de publier des ouvrages propres à faciliter l'étude du sanskrit. Outre la traduction du Nala, M. Bopp a donné une analyse comparative des langues sanskrite, grecque, latine et teutonique, pour montrer l'identité primitive de leur structure grammaticale; on lui doit encore un système de la conjugaison des verbes sanskrits; enfin, il a annoncé une grammaire de cette langue en latin. M. de Schlegel a fait imprimer le texte du Bhagavat-gíta; il prépare une édition de l'Hitopadesa, avec une version et des notes, et il s'occupe en ce moment d'une grammaire sanskrite, dont plusieurs chapitres sont achevés. M. Frank promet une seconde partie à sa chrestomathie, avec une dissertation, un glossaire et des notes (préface, page 12). Nous ne parlons ici que des ouvrages qui ont pour objet l'étude de la langue.

En France, quoique nous possédions une foule de manuscrits sanskrits, et malgré le zèle des savans recommandables qui se sont occupés de la littérature indienne, nous paraissons moins avancés. La bibliothèque royale renferme le Mahabharata en entier; elle en possède en outre plusieurs parties séparées, et, entre autres, deux copies du Bhagavat-gita. Il suffit de jeter les yeux sur le catalogue dressé en 1807 par M. Hamilton, et traduit par M. Langlès, pour voir que les ouvrages les plus importans de la littérature indienne sont à Paris, et que cette capitale est après Londres la ville d'Europe qui offre à exploiter la mine la plus riche.

Le roi a fondé, au collège de France, une chaire de sanskrit, et elle est remplie par un homme sur l'habileté

duquel il n'y a qu'une voix; enfin, nous avons depuis un an une société asiatique qui compte parmi ses membres nos plus célèbres orientalistes. Malgré cette réunion de circonstances favorables, non-seulement nous n'avons pas de grammaire sanskrite, nous n'avons même aucun des livres élémentaires, qui pourraient aider le commençant dans l'étude de cette langue qui paraît si difficile et si riche. La société asiatique s'est occupée plusieurs fois de cet objet important; il y a eu des résolutions prises, une commission nommée, un alphabet dessiné. Tout nous fait donc espérer que nous jouirons bientôt du- fruit de ces travaux. Cependant quelque diligence qu'on y mette désormais, nous arriverons les derniers dans la lice, et l'on ne peut s'empêcher d'en éprouver quelque regret.

Dans cette attente mêlée d'incertitude, le plus sûr pour nous autres commençans, est de nous attacher à tirer parti des secours que nous offre le zèle actif des savans étrángers, et la chrestomathie de M. Frank doit être comptée parmi les plus utiles. Nous avons déjà parlé de son glossaire sur le discours de Dhritarashtra. Dans la pièce suivante, qui est l'exorde du Mahabharata, l'auteur a donné le texte en caractères romains, avec une version latine en regard. Ainsi l'élève peut s'exercer à rétablir le texte en dévanagari d'abord en caractères simples, ensuite en caractères composés, en s'aidant des exemples qu'il trouvera dans la première partie. La version latine guidera le commençant, et elle rectifiera l'interprétation qu'il essaiera luimême de faire.

Il faut convenir que la troisième partie sera moins utile à ceux qui bornent leurs travaux à l'étude de la langue; parce que la préface du commentaire de Sankara sur les Védas, et l'exposition d'Ananda sur le commen-taire de Sankara, sont relatifs à des points très-obscurs de

la philosophie des Indiens; mais ces extraits doivent avoir un attrait particulier pour les amateurs de cette philosophie. M. Frank en parle de manière à piquer vivement la curiosité des savans. Le nom de Sankara est illustre dans l'Inde. Ce philosophe, dit M. Frank, qui vivait avant l'ère vulgaire, est le plus célèbre des interprètes des Védas; W. Jones le représente comme un homme d'un rare savoir et d'un jugement exquis; fondateur d'une école qui prêchait le renoncement aux intérêts et aux affections terrestres, il combat avec véhémence tous ceux qui rejettent l'autorité des Védas, et entre autres les Nastikis, sectaires qui, non contens de nier l'inspiration des livres sacrés, poussaient l'impiété jusqu'à nier l'existence de Dieu. Il a composé des vers sous le nom d'Amarou. On a aussi du même auteur une hymne en l'honneur de l'épouse de Siva, et d'autres poésies; mais son grand ouvrage, celui qui dans l'Inde jouit de plus de célébrité, est le Bhashia ou le commentaire par excellence, livre où il explique les principales et les plus difficiles parties des Védas, en s'arrêtant presque sur chaque mot. Sans l'intelligence de cet ouvrage, continue M. Frank, il paraît presque impossible d'acquérir la connaissance de la partie la plus élevée et la plus importante de la philosophie des Indiens, et de pénétrer toute l'étendue de leur sagesse dans les Mythes et les monumens de l'art. Aussi le Bhashia, ou le Commentaire, a-t-il trouvé luimême un grand nombre de commentateurs; et si parmi ses interprètes, l'auteur de la chrestomathie a donné la préférence à l'exposition d'Ananda, c'est que l'ouvrage lui a paru meilleur en soi, et que le manuscrit, quoique unique à Londres, lui a semblé aussi mériter plus de confiance. Ce qu'il ajoute nous paraît digne d'une grande attention. « On >> peut déjà comprendre, par les extraits que je donne de ces » deux auteurs, que la philosophie indienne n'est point celle

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