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Elle resta, depuis cette époque, au nombre des préoccupations de la politique, qui lui fit une part dans les biens de la famille d'Orléans 1, et rendit le décret du 26 mars 1852, destiné, d'une part, à les propager, et, de l'autre, à les placer sous la surveillance administrative. Une commission supérieure fut instituée pour patronner cette institution et en dresser, chaque année, la statistique.

Le décret créa, à côté des sociétés privées et des sociétés reconnues, une nouvelle classe: celle des sociétés approuvées. Il les investit de priviléges importants: gratuité du local, du mobilier et des registres fournis par la commune, réduction des frais funéraires, exemption des droits de timbre et d'enregistrement, facilités pour le placement des fonds à la caisse d'épargne et à la caisse de retraites, participation aux subventions de l'État. Il leur imposa, en échange, des obligations, dont les principales furent de laisser au chef de l'État la nomination de leur président'; de ne pas promettre de secours contre le chômage et d'admettre des membres honoraires ".

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L'espérance d'avenir des sociétés approuvées était fondée principalement sur la participation des classes aisées qui figuraient déjà dans un certain nombre de sociétés et qui y exerçaient une utile influence. Les membres honoraires, élus par le bureau seul, payaient sans rien recevoir. Les membres participants, élus par toute l'association, payaient et recevaient. Les premiers étaient les patrons de la société, qu'ils soutenaient de leurs conseils et de leur argent; les seconds étaient les véritables associés qui, pour prix de leur cotisation mensuelle, avaient droit aux secours chaque fois qu'ils en avaient besoin.

Ce système, toutefois, soulevait une question délicate.

1. Le décret du 22 janvier 1852 affecta 10 millions à titre de dotation pour les sociétés de secours mutuels. Ils furent employés en achat de rentes, et forment un revenu de 437 500 fr., dont la Caisse des dépôts et consignations a l'administration.

2. Les présidents sont renouvelables tous les cinq ans. Décret du 18 juin 1864.

3. Voir M. E. Laurent, le Paup. et les assoc. de prévoyance, t. I, p. 394 et suivantes.

Quel rôle joueraient les membres honoraires? Leurs cotisations seraient-elles toujours nécessaires à l'existence de ces sociétés dont elles constitueraient le fonds principal? Ou bien ne seraient-ils eux-mêmes que les promoteurs et les appuis d'une institution qui avait besoin d'être encouragée, mais qui pourrait subsister par ses propres forces?

Dans le premier cas, on tombait dans la charité légale, et on s'exposait aux dangers qu'elle entraîne. La charité, chose excellente pour qui la fait, parce qu'elle est le besoin et la satisfaction d'un cœur généreux, n'est pas toujours bonne pour qui la reçoit. Elle peut s'adresser à l'indigence; mais partout ailleurs, elle énerve ceux qu'elle se propose de soulager, et déshabitue l'homme de compter sur lui-même.

Dans le second cas, au contraire, la présence des membres honoraires devenait une garantie, sans être une aumône. Leur concours donnait à la société les moyens de se constituer plus promptement; leurs lumières pouvaient rendre la comptabilité et l'administration plus régulières et moins coûteuses; leur argent formait, non le fonds principal, mais une sorte de fonds de réserve, destiné à pourvoir aux grandes crises et à procurer un supplément de bien-être aux associés; enfin, leur présence pouvait être un lien entre l'ouvrier et le patron, entre les classes pauvres et les classes aisées et le rapprochement, en effaçant de part et d'autre bien des préjugés, devait donner à chacun une meilleure opinion des autres. « Tout ce qui est de nature à favoriser cet accord, disait Michel Chevalier, doit être accueilli avec empressement et reconnaissance. Or, on concevrait difficilement rien qui y fût plus propre qu'une institution au sein de laquelle le bourgeois et l'ouvrier réunis spontanément, en grand nombre, s'occuperaient, à titre d'associés et de collègues, d'une œuvre de bienfaisance dont profiteraient les classes nécessiteuses en y contribuant elles-mê

mes. »

Les faits ont déjà presque décidé de la question financière. « Les cotisations des membres participants, disait le rapporteur général de l'année 1861, dépassent de plus de 600 000 francs le chiffre des dépenses obligatoires, c'est-à

dire du service médical et pharmaceutique, de l'indemnité aux malades, des frais funéraires et des frais de gestion, ce qui prouve une fois de plus la bonne organisation des sociétés de secours mutuels et la sagesse de leurs statuts. Cette économie sur les cotisations des membres participants est la condition absolue de la perpétuité des sociétés et garantit, sans avoir recours aux ressources éventuelles et précaires, l'exécution, dans l'avenir, de leurs engagements envers les malades; car à mesure qu'elles compteront plus d'années, elles verront s'accroître le nombre des membres exposés, par leur âge avancé, à des maladies plus nombreuses et plus longues, et exigeant, par conséquent, des indemnités et des dépenses plus fortes et en disproportion avec le taux de la cotisation 1. »

Ainsi, l'association fondée dans le but « d'assurer des secours temporaires aux sociétaires, malades, blessés ou infirmes, de pourvoir à leurs frais funéraires,» suffit par ellemême à ses besoins, donne à ses malades une indemnité qui leur permet de vivre, sans remplacer complétement le salaire du travail, paye le médecin et le pharmacien, fait, comme autrefois les confréries du moyen âge, les frais de

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En 1864, les recettes ont été de 11613 096 fr. et les dépenses de

9401 808 fr.

367 537

82

l'enterrement et soulage la veuve et les enfants du défunt'. Elle a trouvé accès dans nos lois et elle pénètre dans nos mœurs c'est un grand résultat.

Il est vrai que la plupart de ces sociétés, récentes encore, comptent beaucoup de membres jeunes, et ne payent pas encore le tribut entier à la maladie.

La question morale n'est pas aussi pleinement résolue. Comme ces sociétés se proposent d'être non-seulement une assurance contre la maladie, mais un lien moral entre les hommes, il est à désirer que les membres honoraires soient élus, comme les autres, par l'assemblée générale, et prennent une part active aux réunions; il est à désirer que les présidents procèdent plus directement des ouvriers dont ils sont les mandataires, non moins que les patrons, et dont ils doivent posséder toute la confiance. De ce côté, il y a des réformes à introduire dans le régime des sociétés approuvées, qui ont, par suite des avantages qui leur étaient conférés et de la bienveillance que l'administration leur témoignait, occupé le premier rang dans la mutualité 2.

En tendant la main à la mutualité, la politique, nous l'avons dit, se défiait, en 1852, des sociétés formées sans elle ou contre elle. Elle fit revivre l'article 291 du Code pénal, ainsi que la loi de 1834 sur les associations, et en usa, soit pour supprimer des sociétés établies, soit pour gêner la formation de sociétés nouvelles. Assurément, l'État a le droit de briser, par des moyens légaux, les associations qui seraient de nature à compromettre sa sûreté;

1. Le chiffre moyen des cotisations était, en 1857, de 1 fr. par mois ou 12 fr. par an; le chiffre moyen des dépenses était ainsi réparti : Indemnité de 1 fr. pour 4 jours, 30 p. 100 de maladie. Honoraires des médecins..

Frais de médicaments...

Frais funéraires....

Secours à la veuve et aux orphelins..

4 fr. 90

1 80

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2. En 1864, sur 5027 sociétés recensées, il y avait 3357 sociétés approu

vées.

3. De 1852 à 1858, plus de 200 sociétés privées ont cessé d'exister, M. Block, Stat. de la France, t. I, p. 315.

mais il doit subordonner strictement son veto à cette seule considération; que les sociétés de secours mutuels ne dégénèrent pas en sociétés politiques ou secrètes, voilà ce qui doit le préoccuper. Mais il est mauvais juge des raisons qui peuvent grouper, dans un intérêt de mutualité, les individus par quartier, par profession ou par d'autres affinités, Des circonstances particulières peuvent faire préférer à tels ouvriers cent formes diverses à la forme des sociétés approuvées. Un gouvernement, jaloux de remplir à cet égard son devoir, doit ouvrir, aussi larges et aussi nombreuses que possible, les portes d'une institution qu'il a patronnée et dont il apprécie l'importance. A côté de l'État, qui peut beaucoup, il y a la liberté qui peut plus encore, parce qu'elle seule, quand elle est éclairée, a la souplesse de se plier à la diversité des besoins à satisfaire1.

Telle qu'elle est, néanmoins, l'institution rend de grands services et elle a fait d'incontestables progrès. Le premier rapport présenté à l'Empereur constate, qu'au 31 décembre 1851, à la veille de la promulgation du décret, la France comptait 2237 sociétés, composées de 255 472 membres; les membres honoraires étaient au nombre de 20192, et 25 199 femmes participaient aux bienfaits de la mutualité. Le total du fonds social s'élevait à 9 649 660 francs.

A la fin de 1866, il y avait en France 5581 sociétés, dont 3924 avaient reçu l'approbation; plus de 800 000 membres, dont 100 000 honoraires, et environ 100 000 femmes jouissant de la participation. Leur avoir était de 9 830 673 francs. Elles possédaient, au fonds de retraites, un capital de 10 millions et servaient déjà des pensions à 1196 individus 2.

Ainsi, en quinze ans, le fonds de retraite a été, en quelque sorte, créé; le capital a quadruplé; le nombre des associés a triplé et le progrès s'est fait particulièrement sentir pour les membres honoraires et pour les femmes. Sous ces divers aspects, l'amélioration est donc sensible; la mutualité

1. Voir, par exemple, ce qui se fait en Alsace. Les Instit. ouv. de Mulhouse, par M. E. Véron, p. 136 et suiv.

2. Annuaire de l'Econ. pol., 1866, p. 137 et suiv., et Exp. de la sit. de l'emp. (1867), Monit., p. 143, col. 4.

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