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effort du génie de la Grèce, appesanti par les siècles, dévié dans sa marche, mal assuré dans ses principes, mais encore puissant dans ses créations, à la fin de son immense carrière. L'histoire de l'architecture grecque embrasse par-là plus de deux mille années. Illustrée par ses Théodore, ses Chersiphron, ses Ictinus, ses Scopas, l'école qui construisit le temple d'Éphèse et celui du Parthénon, remonte jusqu'à Dédale, et redescend jusqu'à Anthémius de Tralles, et à l'auteur de l'audacieuse coupole de Pise. Brunelleschi reçoit plus tard ses leçons. La vénérable Grèce éclaire ainsi en effet l'Italie moderne, et c'est après avoir tenu le sceptre des arts pendant vingt siècles.

Si, maintenant, j'examinais dans les détails les trois volumes in-folio de M. Cicognara, je pourrais relever encore bien des méprises. Mais ce serait sortir du cadre que je me suis tracé. J'ai voulu seulement mettre à découvert le vice de l'esprit dans lequel cet ouvrage a été conçu, les lacunes restées dans des parties importantes, et les défauts de quelques traits principaux.

Quant à l'ensemble, j'ai montré que cette prétendue histoire générale de la sculpture, n'est autre chose que le panégyrique systématique d'un seul pays et même d'un seul homme. On aura vu que l'auteur fonde maladroitement l'éloge de sa patrie sur des bases fausses, et au détriment de l'Europe tout entière, tandis qu'il suffit de la vérité pour assurer à l'Italie une gloire qui ne périra ja mais.

En ce qui concerne la France, mes lecteurs auront remarqué ces étranges propositions: que nous n'avons point eu de sculpteurs avant le seizième siècle; qu'après cette époque, c'est le mauvais goût des Français

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qui a corrompu les écoles italiennes ; que le ciel a refusé à la France le génie propre à former des artistes; que le Poussin est né sur le sol français, par une bizarrerie de la nature; que la révolution opérée parmi nous dans la peinture, depuis quarante ans, est l'ouvrage d'un sculpteur vénitien. Je dois m'arrêter là. Une critique très sévère serait déplacée sous la plume d'un écrivain qui pourrait paraître venger sa propre injure. J'avouerai même que l'ouvrage de M. Cicognara renferme, au sujet de l'Italie, quelques faits curieux et plusieurs notions intéressantes. Cet ouvrage, lu avec précaution, pourrait devenir utile, si on en formait, par extrait, de simples notices sur des maîtres italiens, en y comprenant M. Canova, et qu'on supprimât tout le surplus.

L'auteur a trop peu consulté son siècle, ou il l'a mal jugé. Il s'est cru transporté au tems qui suivit immédiatement Vasari, époque où les villes d'Italie, connaissant encore imparfaitement l'histoire de l'art, se disputaient, et quelquefois avec âcreté, le faible avantage d'avoir produit un peintre dans le treizième siècle, dix ou quinze ans plus tôt les unes que les autres. L'esprit est changé. Ces idées étroites ont aujourd'hui fait place à des considérations plus utiles, des vues plus élevées. Dans ce qui appartient aux sciences, aux lettres, aux arts, le monde policé ne forme désormais qu'une seule nation. Dès qu'il s'agit de rendre hommage au génie, comme de propager les lumières et de servir l'humanité, il n'est plus de barrières qui séparent les peuples. Un chef-d'œuvre doit éclairer le monde entier; un grand homme est la propriété de tous les pays.

Tels sont les sentimens dont la France a donné

l'exemple. Lorsque les chefs-d'œuvre des peintres italiens ont été transportés au milieu de nous, ils y ont été reçus avec les témoignages de la plus profonde admiration. L'architecture a déployé toutes ses richesses pour décorer un temple digne de les renfermer, et nous les avons consacrés dans la partie la plus reculée du sanctuaire, ne réservant à nos Français que l'entrée ou le vestibule de l'enceinte où nous allions en foule les honorer. Quand le statuaire que l'Italie admire comme son plus grand maître vivant, venu en France, a exposé sous nos yeux ses ouvrages, un éloge empressé est sorti de toutes les bouches; l'école tout entière s'est levée en quelque sorte pour lui rendre hommage. Je ne dis point assez. Lorsque, après avoir publié le livre où il rabaisse, avec tant de prévention et d'aveuglement, non-seulement nos maîtres les plus habiles, mais jusqu'aux facultés naturelles des Français en général, le président de l'Académie de Venise, M. Cicognara, est venu prendre séance au sein de notre Institut royal, qui déjà l'avait placé parmi ses correspondans, toutes les académies l'ont honoré de l'accueil qu'elles réservent aux savans les plus distingués des nations étrangères, sans laisser échapper la moindre marque d'un mécontentement qui eût été assez légitime. Chacun a respecté en lui la liberté de penser et d'écrire. L'urbanité française a mis l'ouvrage à l'écart, pour ne s'occuper que de l'auteur, et la seule vengeance qu'on se soit permise envers celui-ci, a été de paraître ignorer ses torts.

L'auteur de ces observations était, comme il l'a dit en commençant, très disposé à suivre cet exemple. Dépouillé sans ménagement, critiqué en dépit de toute raison, accusé d'avoir dénaturé l'histoire, d'avoir

tenté de ravir à la nation italienne ses palmes, il aurait vraisemblablement persisté dans son silence, si un de ses confrères n'eût donné à ces injustes reproches une grande publicité, et ne les eût même aggravés de tout le poids de sa propre opinion. Mais, les sept articles du Journal des Savans ne lui laissaient plus la liberté de se taire. Il a dû démontrer la réalité des faits qu'il avait avancés précédemment, et sa défense personnelle lui a paru devenir d'autant plus convenable, qu'elle se confondait avec celle de la Grèce méconnue et de la France injuriée.

Qu'il lui soit permis d'ajouter encore un mot. Par une heureuse circonstance, tandis qu'il traçait ici à regret son apologie, constant adorateur de l'Italie, il se dédommageait, dans un autre ouvrage, des peines attachées à ce travail, en composant une analyse ou plutôt un éloge raisonné de Cinq tableaux de Raphaël. Le présent article et sa dernière notice sur ces admirables productions, conservées dans les collections de S. M. le roi d'Espagne, seront publiés le même jour. Il présentait ainsi une nouvelle offrande à l'Italie, à l'instant même où il se trouvait forcé de se justifier sur la folle accusation de vouloir lui ravir ses palmes.

ÉMÉRIC-DAVID, de l'Institut.

III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

171.

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LIVRES ÉTRANGERS (1).

AMÉRIQUE.

ÉTATS-UNIS.

Exposition of the Atomic Theory of Chemistry; and the Doctrine of definite proportions; By WILLIAM-JAMES MAC NEVEN, M. D. New-York, 1819;74 p. in-8°. Appendix, 29 p.

· Exposition de la théorie atomique de la chimie, et de la Doctrine des proportions déterminées; par le docteur Mac Neven, professeur de chimie et de matière médicale au collège de médecine et de chirurgie, à l'Université de l'Etat de New-York.

L'auteur observe que « M. Higgins, professeur de chimie à Dublin, dans un ouvrage publié en 1789, a déjà donné des indices sur la théorie atomique, en y appliquant la composition des acides sulfureux et sulfuriques, celle de l'eau et de l'oxygène et du mitrogène, à peu près comme elle est entendue aujourd'hui. Mais ses expériences ne furent pas nombreuses, et il manqua des matériaux fournis par d'autres pour la construction de l'édifice de la théorie atomique. Pendant les vingt-un ans qui se sont écoulés entre la publication de cette vue comparative de M. Higgins et celle des élémens de la chimie philosophique de Dalton, le premier, avec plus d'industrie, aurait peut-être pu établir en sa faveur la réputation qu'il sollicite maintenant avec tant de zèle : mais, s'il est sincère et juste, il avouera que la célébrité sans travail n'est pas légale, et ne peut pas être accordée, surtout dans les sciences; que la renommée qui accompagne une découverte appartient de droit à celui qui non-seulement est le plus actif, mais qui est aussi le premier à l'expliquer dans tous ses rapports. Sans avoir découvert la théorie atomique, personne, en Angleterre, n'a tant contribué à l'éclaircir que le docteur Thompson:

(1) Nous indiquerons, par un astérisque (*) placé à côté du titre de chaque ouvrage, ceux des livres étrangers ou français qui paraîtront dignes d'une attention particulière, et dont nous rendrons quelquefois compte dans la section des analyses.

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