Sidor som bilder
PDF
ePub

sur le globe en montrant aux nations humiliées leur figure pour type de la beauté, leurs idées comme base de la raison, leurs imaginations comme le nec plus ultrà de l'intelligence. Ce qui leur ressemble est beau, ce qui leur est utile est bien, ce qui s'éloigne de leur goût ou de leur intérêt est insensé, ridicule ou condamnable. C'est là leur unique mesure: ils jugent tout d'après cette règle; et qui songerait à en contester la justesse? Entre eux ils observent encore quelques égards; ils sont, dans leurs querelles de peuple à peuple, convenus de certains principes d'après les quels ils peuvent s'assassiner avec méthode et régularité: mais tout cela disparaît hors de l'Europe, et le droit des gens est superflu quand il s'agit de Malais, d'Américains ou de Tongouses. Confians dans les évolutions rapides de leurs soldats, armés d'excellens fusils qui ne font jamais long feu, les Européens ne négligent pas pourtant les précautions d'une politique cauteleuse. Conquérans sans gloire et vainqueurs sans générosité, ils attaquent les Orientaux en hommes qui n'ont rien à en craindre, et traitent ensuite avec eux comme s'ils ne les méprisaient pas. Achevant à moins de frais par la diplomatie ce qu'ils n'ont pu faire par les batailles, ils rendent les indigènes victimes de la paix et de la guerre, les engagent en de pernicieuses alliances, leur imposent des conditions de commerce, occupent leurs ports, partagent leurs provinces, et traitent de rebelles les nationaux qui ne peuvent s'accommoder à leur joug. A la vérité, leurs procédés s'adoucissent envers les états qui ont conservé quelque

[ocr errors]

vigueur, et ils gardent à Canton et à Nagasaki des ménagemens qui seraient de trop à Palembang ou à Colombo. Mais, par un renversement d'idées plus étrange peut-être que l'abus de la force, nos écrivains prennent alors parti pour nos aventuriers trompés dans leur espoir: ils blâment ces prudens Asiatiques des précautions que la conduite de nos compatriotes rend si naturelles, et s'indignent de leur caractère inhospitalier. Il semble qu'on leur fasse tort en se garantissant d'un si dangereux voisinage; qu'en se refusant aux avances désintéressées de nos marchands, on méconnaisse quelque bienfait inestimable, et qu'on repousse les avantages de la civilisation. La civilisation, en ce qui concerne les Asiatiques, consiste à cultiver la terre avec ardeur, pour que les Occidentaux ne manquent ni de coton ni de sucre, ni d'épiceries; à payer régulièrement les impôts, pour que les dividendes ne souffrent jamais de retards; à changer, sans murmures, de lois, d'habitudes et de costumes, en dépit des tradititions et des climats. Les Nogaïs ont fait de grands progrès depuis quelques années, car ils ont enfin renoncé à la vie nomade de leurs pères ; et les collecteurs du fisc savent où les trouver, quand. l'époque du tribut est arrivée. Les anciens sujets de la reine Obéira se sont bien civilisés depuis le temps du capitaine Cook, car ils ont embrassé le méthodisme ; ils assistent tous les dimanches au prêche en habits de drap noir, et c'est un débouché de plus pour les manufactures de Sommerset et de Glocester. Nos voyageurs ont vu aussi avec plaisir, en ces derniers

temps, un prince des îles Sandwich tenir sa cour vêtu d'un habit rouge et d'une veste, et ils regrettaient seulement que l'extrême chaleur l'eût empêché de compléter le costume. Mais peu importe que ces imitations soient imparfaites, maladroites, inconsé, quentes et grotesques; il faut les encourager pour les suites qu'elles peuvent avoir.

Le temps viendra peut-être où les Hindous s'accommoderont de nos perkales, au lieu de tisser euxmêmes leurs mousselines; où les Chinois recevront nos soieries; où les Esquimaux porteront des chemises de calicot, et où les habitans du tropique s'affubleront de nos chapeaux de feutre et de nos vêtemens de laine. Que l'industrie de tous ces peuples cède le pas à celle des Occidentaux; qu'ils renoncent en notre faveur à leurs idées, à leur littérature, à leurs langues, à tout ce qui compose leur individualité nationale; qu'ils apprennent à penser, à sentir et à parler comme nous; qu'ils paient ces utiles leçons par l'abandon de leur territoire et de leur indépendance; qu'ils se montrent complaisans aux desirs de nos académiciens, dévoués aux intérêts de nos négocians, doux, traitables et soumis: à ce prix on leur accordera qu'ils ont fait quelques pas vers la sociabilité, et on leur permettra de prendre rang, mais à une grande distance, après le peuple privilégié, la race par excellence, à laquelle seule il a été donné de posséder, de dominer, de connaître et d'instruire.

On ne saurait se préserver avec trop de soins de ces vues intéressées, quand on veut juger sainement

l'esprit et les mœurs des nations asiatiques. Il faut se placer à un point de vue plus élevé, și l'on veut saisir et apprécier les nuances natives, les traits originaux nés du caractère particulier de chaque genre de civilisation, et d'un perfectionnement spontané, restes précieux, vestiges intéressans à recueillir pour l'histoire de l'esprit humain, mais qui s'effacent chaque jour et ne tarderont pas à disparaître. Il sera trop tard pour étudier les hommes, quand il n'y aura plus sur la terre que des Européens.

Commentaire sur la Description des Pays caucasiens de Strabon, par M. KLAPROTH.

TEXTE DE STRABON, liv. XI.

D'APRÈS notre division, la première portion (de l'Asie septentrionale) est occupée, au nord et vers l'Océan, par quelques tribus nomades, et par des hommes qui habitent sur des chars et qui appartiennent à la nation scythique. Mais en deçà de ces tribus, sont les Sarmates, autre peuple scythique, avec les Aorses et les Sirakes, répandus, vers le midi, jusqu'aux Monts caucasiens les uns mènent la vie de nomades, les autres habitent sous des tentes et sont agriculteurs.

Autour du Palus Mæotis, habitent les Mæotes ; et, vers la mer du Bosphore, sur le rivage asiatique, se trouve aussi la Sindice.

COMMENTAIRE.

Les Mæotes étaient un peuple sauromate ou sarmate, qui, du temps de Strabon, habitait sur la côte orientale de la mer d'Azov, entre le Kouban et le Don. Scymnus de Chio, géographe grec du commencement du premier siècle avant notre ère, dit que les Sauromates descendaient des Mæotes. D'autres auteurs anciens rapportent également que ces deux peuples appartenaient à la même souche. J'aurai occasion de parler plus amplement des Mæotes à propos des Amazones.

Puis viennent les Achæi, les Zyges et les Hénioches, les Kerketes, les gens à longue barbe (Makropogones); et, au dessus de ceux-ci, sont les défilés qu'occupent les mangeurs de poux (Phthirophages). Après les Henioches, commence la Colchide, située au pied des Monts caucasiens et moschiques. Mais puisque nous avons donné le Tanaïs comme servant de bornes entre l'Europe et l'Asie, nous partirons de ce fleuve pour commencer notre description.

Le Tanaïs descend du nord; et, dans son cours, il suit une ligne, non pas, ainsi que la plupart des géographes le pensent, diamétralement opposée au cours du Nil, mais plus orientale. Sa source n'a point encore été découverte, non plus que celle du Nil. Mais ce dernier fleuve, du reste, est bien connu, parce qu'il traverse une contrée fort accessible, et qu'on le remonte très-avant, tandis que nous ne connaissons guère que les bouches du Tanaïs.

« FöregåendeFortsätt »