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d'égalité naturelle, nous pouvons le déterminer dans son application aux nations considérées comme des personnes collectives vivant dans un pareil état d'égalité. De cette manière la même loi, qu'on appelle le droit naturel, quand elle est appliquée aux individus séparés, est appelée le droit des gens, quand elle est appliquée aux corps collectifs des sociétés civiles considérées, non pas comme des êtres moraux distincts, mais comme parties de ces corps collectifs. C'est le droit naturel appliqué par un consentement positif aux corps collectifs des sociétés civiles; et par conséquent les préceptes de ce droit ne sont que les préceptes de la droite raison, et on peut les déterminer en raisonnant de la nature des choses, de la condition, et des circonstances des hommes réunis dans de telles sociétés. Le jugement et le témoignage des personnes instruites pourront aussi nous aider à déterminer le droit des gens, parce qu'il est plus probable que ce qui est approuvé par des gens de sagesse, d'honnêteté et d'expérience, soit conforme aux préceptes de la droite raison, que ce qui est approuvé par les gens vulgaires, irréfléchis, et dissolus. Et le témoignage des premiers sera d'un poids d'autant plus grand, qu'il fournira une preuve, non-seulement de leurs propres sentiments, mais aussi de ce qu'ils ont trouvé par des recherches diligentes être le sentiment général des nations civilisées'.

Wolf se déclare en dissentiment avec Grotius à l'égard de l'origine du droit des gens volontaire sur deux points :

1° Que Grotius l'a considéré comme un droit d'institution positive, et a fait reposer son obligation sur le consentement général des nations témoigné par leurs usages. D'un autre côté, Wolf le regarde comme une loi que la nature a imposée aux

1 Institutes of natural law, being the substance of a course of lecteures on Grotius De jure belli ac pacis, read in sir John's college, Cambridge, by T. Rutherforth, DD. Archdeacon of Essex, etc., liv. II, chap. 9, § 1. (2 vol. in-8. Londres, 1754.

hommes comme une conséquence nécessaire de leur union sociale; et à laquelle aucune nation ne peut refuser son assentiment.

2o Que Grotius confond le droit des gens volontaire avec le droit des gens coutumier. Wolf prétend que le premier doit être distingué du second en ce que le droit des gens volontaire est obligatoire pour toutes les nations, tandis que le droit des gens coutumier n'oblige que celles entre lesquelles il a été établi par l'usage et le consentement tacite.

$ 5. Vattel, né en 1714,

C'est avec les matériaux fournis par le grand ouvrage de Wolf que fut construit l'édifice plus élégant et plus léger mort en 1767. de Vattel. Mackintosh l'a jugé en disant : «Écrivain diffus et manquant de méthode scientifique, mais clair dans son style et libéral dans ses sentiments. Son ouvrage maintient encore sa place comme le manuel le plus commode d'une science qui invoque cependant le génie d'un nouvel architecte pour sa reconstruction 1.»

Vattel naquit en 1714, dans la principauté de Neuchâtel en Suisse. Il fut élevé à l'université de Bâle, et ayant été destiné pour l'Église, il se livra aux études propres à cet état. Il abandonna depuis cette carrière pour l'étude de la philosophie. Ayant conçu une admiration passionnée pour le système alors en vogue de Leibnitz et de Wolf, il publia à Genève, en 1744, une défense de la métaphysique de Leibnitz contre l'attaque de Crousaz, ouvrage de polémique qui a attiré une grande attention, comme contenant une discussion subtile de la question concernant la libre volonté. Dans la même année, il alla à Berlin, pour chercher de l'emploi au service du monarque philosophe qui venait de monter sur le trône, et duquel Vattel était sujet de naissance. N'ayant pas réussi à la cour de Prusse,

1 «VATTEL, a diffuse, unscientific, but clear and liberal writer, whose work still maintains its place as the most convenient abridgment of a part of knowledge which calls for the skill of a new builder.» (MACKINTOSH.)

Système de Vattel.

il se rendit à Dresde, où il fut plus heureux. Il fut nommé, en 1746, conseiller de légation, et envoyé comme ministre d'Auguste III, roi de Pologne et électeur de Saxe, près la république de Berne. Il employa les loisirs que lui laissèrent ses devoirs publics à la composition d'un traité sur le droit des gens, publié d'abord à Leyde en 1758 1. Dans la même année, il fut rappelé de cette mission, et employé au cabinet de Saxe jusqu'en 1766, époque où il obtint la permission de se retirer dans son pays natal, où il mourut en 1767.

Vattel attribue à Wolf le mérite d'avoir séparé le droit des gens de cette partie de la science de jurisprudence naturelle qui traite des devoirs des particuliers, en montrant que le droit naturel se modifie, dans son application à régler la conduite des nations ou des états souverains. «Convaincu moimême de l'utilité d'un pareil ouvrage, dit-il, j'attendais avec impatience celui de M. Wolf; et dès qu'il parut, je formai le dessein de faciliter à un plus grand nombre de lecteurs la connaissance des idées lumineuses qu'il présente. Le traité du philosophe de Halle sur le droit des gens est dépendant de tous ceux du même auteur sur la philosophie et le droit naturel. Pour le lire et l'entendre, il faut avoir étudié seize ou dix-sept volumes in-4o qui le précèdent. D'ailleurs il est écrit dans la méthode et même dans la forme des ouvrages de géométrie, autant d'obstacles qui le rendent à peu près inutile aux personnes en qui la connaissance et le goût des vrais

1 Le droit des gens, ou principes de la loi naturelle, appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, à Leyde, 1758. Une seconde édition fut publiée à Neuchâtel, après la mort de l'auteur, en 1773, en deux volumes in-4o, d'un manuscrit contenant plusieurs additions en marge de la main de l'auteur. Cette édition est remplie d'erreurs typographiques, et laisse le texte original sans changement, les additions de l'auteur ayant été imprimées en forme de notes dans toutes les éditions subséquentes. En 1762, il a publié Questions du droit naturel, ou observations sur le traité du droit de la nature par M. WOLF.

principes du droit des gens sont plus importants et plus désirables. Je pensai d'abord que je n'aurais qu'à détacher, pour ainsi dire, ce traité du système entier, en le rendant indépendant de tout ce qui le précède chez M. Wolf, et à le revêtir d'une forme plus agréable, plus propre à lui donner accès dans le monde poli. J'en fis quelques essais, mais je reconnus bientôt que si je voulais me procurer des lecteurs dans l'ordre des personnes pour lesquelles j'avais dessein d'écrire, et produire quelque fruit, je devais faire un ouvrage fort différent de celui que j'avais devant les yeux, et travailler à neuf. La méthode que M. Wolf a suivie a répandu la sécheresse dans son livre, et l'a rendu incomplet à bien des égards. Les matières y sont dispersées d'une manière trèsfatigante pour l'attention; et comme l'auteur avait traité du droit public universel dans son droit de la nature, il se contente souvent d'y renvoyer, lorsque, dans le droit des gens, il parle des devoirs d'une nation envers elle-même.

>> Je me suis donc borné à prendre dans l'ouvrage de M. Wolf ce que j'y ai trouvé de meilleur, surtout les définitions et les principes généraux; mais j'ai puisé avec choix dans cette source, et j'ai accommodé à mon plan les matériaux que j'en tirais. Ceux qui auront les traités du droit naturel et du droit des gens de M. Wolf, verront combien j'en ai profité. Si j'eusse voulu marquer partout ce que j'en empruntais, mes pages se trouveraient chargées de citations également inutiles et désagréables au lecteur. Il vaut mieux reconnaître ici, une fois pour toutes, les obligations que j'ai à ce grand maître. Quoique mon ouvrage, comme le verront ceux qui voudront se donner la peine d'en faire la comparaison, soit très-différent du sien, j'avoue que je n'aurais jamais eu l'assurance d'entrer dans une si vaste carrière, si le célèbre philosophe de Halle n'eût marché devant moi et ne m'eût éclairé 1.»

1 VATTEL, Droit des gens, Préf.

Le tableau comparatif suivant mettra le lecteur à même de juger jusqu'à quel point Vattel a emprunté à celui de Wolf, non-seulement les matériaux, mais aussi l'ordre et l'arrange

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Comme le premier chapitre de Wolf De officiis gentium erga se ipsas ac inde nascentibus juribus, le premier livre de Vattel De la nation considérée en elle-même, est employé à la discussion des matières étrangères au droit international, et appartenant à la science distincte du droit politique en ce qui concerne le gouvernement interne des états particuliers. Cette partie de son sujet remplit au moins un tiers de l'ouvrage entier, de Vattel. Dans la partie de son livre qui concerne le droit des gens proprement dit, il est en dissentiment avec Wolf sur la manière dont on doit établir les bases du droit des gens volontaire. Wolf fait dériver l'obligation de ce droit, comme nous l'avons déjà vu, de la fiction d'une grande république établie par la nature elle-même, et de laquelle toutes les nations du monde sont des membres. Suivant lui, le droit des gens volontaire est pour ainsi dire le droit civil de cette grande république. Cette idée ne satisfait pas Vattel. « Je ne trouve, dit-il, la fiction d'une pareille ré

1 OMPTEDA, Litteratur des Völkerrechts, Bd, I, S. 345.

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